Automobile – La data, moteur du service client

L’automobile s’ouvre progressivement à la digitalisation de sa relation client. Une dynamique complexe à mettre en œuvre dans un domaine où le produit se vend principalement en point de vente physique. Mais le potentiel est bien là pour développer de nouvelles offres de services.

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Grâce à son application My Renault, le groupe cherche à développer et optimiser deux types d’applications mobiles : l’une pour ses clients, l’autre pour ses prospects. © Renault

Le secteur automobile est longtemps resté frileux envers le digital dans sa relation client. Question de culture ! Centrés d’abord sur le produit et moins sur le client et ses usages, les constructeurs doivent composer avec des temps de développement de produits très longs, retardant parfois l’adoption de nouvelles technologies. Ensuite, en termes de marketing, le secteur s’est longtemps focalisé sur la télévision comme canal privilégié pour toucher de l’audience.

Il y a cinq ans environ, un sursaut a eu lieu. « Nos clients sont de plus en plus connectés. Il fallait mieux coller à leurs usages », reconnaît Patrick Hoffstetter, responsable du département digital chez Renault. Pour autant, il ne faut pas surestimer cette attente. Selon la récente enquête New Car Buyer Survey, l’âge moyen de l’acheteur français est de 55,3 ans et un quart d’entre eux ont plus de 66 ans ! Ce qui freine l’adoption des nouvelles technologies. Philippe Uny, responsable du programme digital et CRM de PSA Peugeot-Citroën, y voit toutefois une raison supplémentaire de renforcer le digital* : « C’est un axe indispensable pour élargir notre clientèle et accompagner le rajeunissement de nos produits. » C’est aussi une nécessité pour répondre à une nouvelle concurrence provenant des mandataires sur Internet ou de nouveaux intermédiaires qui complexifient un peu plus l’écosystème de vente automobile.

Un parcours d’achat centré sur les concessions

Pour répondre à ces enjeux, les constructeurs français se sont lancés dans une industrialisation des outils de la relation client. Avec une difficulté majeure : intégrer les concessions dans ce « nouveau » parcours digital, car les ventes en ligne restent encore anecdotiques. Renault et son allié Nissan se sont lancés dans le déploiement d’une plate-forme technique globale (Helios), servant de base à tous les sites de l’Alliance (vente, information et prospection). A l’heure actuelle, elle est en service sur 50 % des 330 sites Web édités par les six marques du groupe à travers le monde. Grâce à son outil de lead management intégré (fourni par Salesforce), cette plateforme permet déjà de communiquer aux points de vente plusieurs millions de coordonnées de prospects. Chaque année, Renault réalise ainsi plus de 200 000 ventes dans le monde à partir de ces contacts. Ces fichiers de prospection issus des canaux digitaux (sites constructeur, demandes d’essai sur les sites tiers…) restent toutefois encore sous-exploités par les points de vente. Aussi, chez PSA Peugeot-Citroën, ce chantier est devenu prioritaire. « C’est une question d’efficacité, mais aussi de considération du client. Il n’est plus question d’attendre 48 heures, voire plus, pour répondre aux demandes. L’exigence des clients en termes de réponse est trop importante », explique  Philippe Uny de la marque aux chevrons.

Philippe Uny de la marque aux chevrons. Désormais, les constructeurs voient Internet comme un gigantesque vivier de prospects et un passage incontournable dans le parcours d’achat d’une voiture. Ce que confirme une étude TNS Sofres (2014) : 52 % des Français recherchent de l’information sur le Net avant de passer en concession. Pour les capter, les technologies de ciblage comportemental (analyse des traces laissées par les internautes pour déterminer leurs centres d’intérêt et leur profil) intéressent naturellement l’industrie automobile. 

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BMW s’appuie, par exemple, sur Criteo pour des opérations très ciblées, comme la recherche de prospects intéressés par des véhicules quatre roues motrices. Ces campagnes proposent à des internautes répondant aux critères de la marque (catégories socioprofessionnelles et connexions sur des sites automobiles haut de gamme), des publicités sur les modèles mis en avant. La dernière campagne Criteo pour BMW a ainsi généré une augmentation de 34 % des demandes d’essai.

Le ciblage, un passage obligé ?

D’autres comme Mercedes optent pour une approche moins restrictive sur le Net, mais toute aussi innovante. En faisant appel pour certaines campagnes à la plate-forme Kooroo (proposée par Venteprivée.com/3,5 millions de visiteurs uniques par jour), ce dispositif accompagne les marques dans leur lancement de produit et met à leur disposition un mini-site associé à l’espace de vente en ligne. Mercedes y a fait appel pour attirer une clientèle aisée et familiale vers son monospace Classe V. Gautier Marere, directeur Marketing Vans de Mercedes-Benz France,  se montre enthousiaste : « Cette plate-forme nous a offert  une grande force de frappe grâce à sa dizaine de millions d’abonnés actifs, et nous a permis de doper la notoriété de notre  produit. » Sans ciblage et en s’adressant à tous les utilisateurs  de Venteprivée.com, la campagne s’est soldée par la vente  de dix véhicules.

Dans l’automobile, la fidélisation ne vise pas seulement à retenir le client jusqu’à son prochain achat. La fidélité à la marque est aussi primordiale lors de l’entretien du véhicule, l’activité de maintenance restant plus lucrative que la vente. Une bonne exploitation des données client et des outils digitaux adaptés permettent justement de s’adresser à lui de manière plus convaincante lorsque vient l’heure du passage en atelier.

Pour Philippe Uny, la centralisation des données du client devient impérative. « Les clients accueillent souvent avec un peu de méfiance les conseils d’un technicien ou d’un vendeur leur préconisant une révision. Mais ils se montrent plus compréhensifs lorsqu’ils ont sous les yeux les données de leur voiture comme le kilométrage, l’historique des révisions et la date d’achat », explique-t-il.

Renault met l’accent sur son programme de fidélisation en ligne MyRenault et le propose systématiquement à tous ses nouveaux clients. Ce dispositif se propose d’accompagner  l’automobiliste à travers des conseils ou des rappels personnalisés sur l’entretien de son véhicule. Aujourd’hui, 66 % d’entre eux adhèrent à ce programme, mais la conversion des possesseurs d’anciennes Renault reste plus difficile. 

Pour explorer de nouvelles pistes en matière de fidélisation, la marque DS exploite les possibilités de la voiture connectée. Elle propose l’application mobile MyDS destinée à accompagner le conducteur dans ses déplacements quotidiens, en voiture et via d’autres modes de transport. L’application permet au conducteur de savoir où est stationné son véhicule ; de terminer un parcours à pied jusqu’à sa destination finale ; de rappeler les échéances de maintenance ou d’accéder à la documentation de bord. Le responsable du digital chez Renault, Patrick Hoffstetter, relève un point encore plus intéressant avec la voiture connectée : « Bientôt, l’écran de bord servira de nouvelle interface avec les clients et l’éventail de services sera encore plus large. »

* Selon l’étude KPMG, les dirigeants de l’industrie automobile et les consommateurs considèrent que le digital est la priorité numéro 1 du secteur pour 2025.

Des réseaux pour améliorer les fonctionnalités ScreenHunter_282 Feb. 01 12.37

Les constructeurs automobiles scrutent les avis de leurs clients exprimés sur le Web et les réseaux sociaux. Ils constituent, de fait, une manne d’informations intéressantes. « Ils permettent de déceler des signaux faibles qui intéressent nos équipes produit », explique Philippe Uny, responsable du programme digital et CRM de PSA Peugeot-Citroën. Ford s’est lancé dans une utilisation plus poussée de ces données, pour l’aider dans ses prises de décision. Dans son centre de recherche de la Silicon Valley, en Californie, le big data sert à compiler tous ces commentaires : points positifs ou négatifs, utilisation, environnement… Décryptés, ils servent ensuite de support pour aiguiller les équipes produit sur des points précis comme, par exemple, le type d’ouverture de hayon que préféreront les utilisateurs sur un véhicule utilitaire. L’analyse fonctionne aussi chez la concurrence. Si une fonctionnalité fait le buzz sur un modèle d’une autre marque, l’information sera détectée et l’équipe produit pourra se pencher sur son utilisation dans une prochaine Ford.

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