Android TV : les opérateurs et la course à l’expérience client

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Isabelle Denervaud, associée télécoms, digital & medias, SIA Partners

Alors que SFR a décidé en mars dernier de retirer sa box Android TV, à l’issue de quelques mois de commercialisation, en affirmant le souhait de garder la maîtrise de sa box, Bouygues Télécom et Free viennent de lancer des box ultra HD à prix mini, également sous Android TV. Décryptage de cette actualité, comme toujours chargée chez les opérateurs télécoms en France.

Trois postures peuvent être observées sur le marché français à date. SFR et Orange affichent la carte propriétaire et fondent leur approche du marché par des box internes et haut de gamme, qui n’embarquent pas pour le moment l’OS Android TV. Free joue la carte d’une offre duale où Android TV est positionnée en entrée de gamme. Il remplace ainsi son offre Freebox Crystal par la nouvelle offre Free Mini 4K (30€ par mois), équipée en set top box Android TV riche en fonctionnalités mais n’embarquant pas les appels vers les mobiles ou encore le blue-ray, le disque dur ou les manettes de jeux. Il maintient par ailleurs son offre Révolution haut de gamme (38€ par mois), dont le développement continue d’être assuré en interne. Android TV ne serait toujours pas repris dans la prochaine Freebox V7, promise pour fin 2015.

A l’inverse, Bouygues Télécom quant à lui joue avec Android TV la carte du haut de gamme dans sa nouvelle offre Bbox Miami, face à son offre d’entrée Bbox (20€ par mois). La différence de prix entre les deux offres Bbox s’explique par une différenciation en terme de technologie (la Bbox Miami inclue la fibre), de contenu (mise en avant d’applications Android embarquées) ou encore d’options (casque sans fil, enceinte sans fil, game pad, stockage externe). L’offre Miami se veut attractive et demeure moins chère que l’entrée de gamme de Freebox Mini 4K (26€ contre 30€ par mois).

Ainsi, les caractéristiques de l’Android TV peuvent être résumées en trois atouts majeurs.

1/ Une expérience multi-écrans démocratique. Android TV s’appuie sur un système d’exploitation dérivé d’Android, largement utilisé dans les smartphones et tablettes de toutes gammes. Android TV offre ainsi à l’utilisateur une expérience sur un téléviseur semblable à ce qu’il connaît sur les terminaux mobiles, simple et intuitive. Android TV peut profiter par ailleurs de la notoriété de Android qui affiche une part de marché de près de 52% dans le monde et plus de 68% en France. En outre, Android est aujourd’hui démocratisé; on le trouve aussi bien dans les terminaux haut-de-gamme tels que Sony et Samsung que dans des terminaux milieu et bas de gamme. Cette stratégie des constructeurs a permis à Android d’être fortement présent dans les foyers face à Apple iOS qui ne présente que 20% du marché.

2/ La richesse des contenus. Android TV se base sur Google Play pour fournir un contenu riche, une offre qui a été considérablement enrichie par des partenariats avec d’autres fournisseurs de contenu comme Netflix. Fort de sa communauté active de développeurs, Google Play offre également des applications très diverses dans un temps très court grâce à son processus de validation plus léger que celui d’Apple.

3/ … et la tentation du court terme à moindre coût. Cet écosystème semble très favorable aux opérateurs qui souhaiteraient mettre sur le marché une box dans des délais rapides tout en minimisant les coûts de recherche et développement.

Un cheval de Troie aux armoiries de l’offre entrée de gamme

Malgré ses vertus, Android TV semble avoir rapidement pris « l’étiquette » d’entrée de gamme, expression utilisée par Xavier Niel pour décrire sa nouvelle box mini 4k. Bouygues Télécom semble en avoir décidé autrement en lançant sa box Miami tournant sous Android TV, mais démontre aussi que les prix ne cessent d’être tirés vers le bas. Android TV se transforme ainsi en cheval de Troie pour Google, qui devient partenaire incontournable des opérateurs et qui pourra in fine bâtir des offres à haute valeur et personnalisées à destination des consommateurs. Les opérateurs se trouvent ainsi confrontés au risque d’une bataille inéquitable pour sauver leur marge sur la vente du contenu et à la perte du contrôle de la qualité des services.

Au-delà du contenu et de la valeur, le premier risque pour les opérateurs est de perdre d’avance la bataille de l’expérience client différenciée et de voir leurs réseaux utilisés comme « tuyaux » pour des services tiers, tout en perdant un lien précieux et qualitatif avec leurs clients. Google semble tirer son épingle du jeu et profite d’une deuxième chance pour s’ouvrir aux services TV après l’échec de son service Google TV.

Quel sera le scénario gagnant ? Gageons que ce sera le scénario qui permettra de maintenir ce lien ténu et clé du lien avec le consommateur qui attend d’être compris, accompagné de manière pertinente dans son expérience digitale, pour lui permettre d’accéder in fine à ses contenus, avec un large choix, quel que soit l’écran et où qu’il soit. L’histoire reste à construire, le combat en devient quasiment citoyen.

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