Gilles Litman (Sanofi) : « Nous avons inventé un contrat de coopération pour les start-up »

Le groupe pharmaceutique Sanofi participe au hackathon « Hacking Health Camp » de Strasbourg du 17 au 20 mars 2016, où près de 800 participants son attendus. Gilles Litman, directeur Innovation de Sanofi France, explique l’importance de ce type d’évènement et évoque sa stratégie, axée sur la détection de start-up spécialisée en e-santé.

Gilles Litman, directeur Innovation de Sanofi France. © Jean Chiscano

Gilles Litman, directeur Innovation de Sanofi France. © Jean Chiscano

Comment s’organise votre département au sein de Sanofi France ?

Il faut savoir que l’innovation fait partie de l’ADN du groupe Sanofi. Aujourd’hui, l’innovation y est multiple : sur le plan thérapeutique avec la R&D, les affaires industrielles dans la manière dont nous fabriquons ou développons des médicaments et depuis peu, sur la plan technologique et numérique. Nous avons décidé de créer un département axé sur l’innovation ouverte car nous avons constaté que les sujets disruptifs ne trouvaient pas vraiment de point d’atterrissage dans notre organisation. Nous avons donc mis en place une équipe resserrée mais qui ne travaille pas seule. Elle se positionne comme un facilitateur, un gestionnaire de projet qui collabore avec l’ensemble des autres équipes. Ainsi, le département Innovation rencontre régulièrement des start-up porteuses de projets innovants avec lesquelles nous n’avions pas vraiment l’habitude de travailler. Nous avons commencé à concrétiser certains projets au service des patients en 2015. Notre enjeu, cette année, est d’accélérer le processus.

Quelles sont vos relations avec les start-up ?

Si elles rentrent dans nos priorités stratégiques, nous cherchons à les aider à se développer et également à devenir leur client et leur partenaire. Nous ne sommes pas dans une logique d’acquisition mais plutôt d’incubation et d’accélération. C’est pourquoi, nous sommes partenaires de deux incubateurs : le Village du Crédit Agricole et Boucicaut à Paris. Mais nous ne nous arrêtons pas à cela. Nous proposons aux start-up une mise à disposition de compétences de collaborateurs Sanofi et nous les aidons aussi à gagner en visibilité en leur permettant d’être présents à nos côtés sur des événements comme, le festival numérique Futur en Seine. Deux start-up étaient présentes sur notre stand en 2015 : dmd santé et CareLabs – Chèque Santé.

Enfin, nous avons inventé un contrat de coopération que nous avons co-construit avec des start-up. C’est un document assez simple qui formalise nos engagements réciproques : des rencontres régulières, un échange des bonnes pratiques. Nous nous attachons également à les faire connaître. En échange, elles nous apportent de la veille et des projets.

Cette stratégie d’open innovation est-elle seulement cantonnée à Paris ?

Non, l’innovation émerge aussi en régions. Par exemple l’année dernière, nous avons été partenaire d’un hackathon en santé au CHU de Strasbourg. C’était la première fois que nous étions présents à ce genre d’évènement. D’ailleurs, Sanofi était la seule entreprise de l’industrie pharmaceutique. Nous avons ramené quelques projets sur lesquels nous sommes en train de travailler. Autre ville pleine de possibilités : Bordeaux. C’est une ville labélisée « FrenchTech », qui possède le troisième CHU de France et sa région consacre environ 10% de son budget à l’innovation. Nous y avons co-créé la chaire Biotech avec l’ENSTDB (Ecole nationale supérieure de technologie des biomolécules de Bordeaux). Enfin, nous gardons un œil sur Montpellier car il existe un incubateur extrêmement dynamique, le BIC (Business and Innovation Centre) qui a récemment fait partie du Top 10 d’un classement mondial*.

Comment Sanofi est-il implanté en régions ?

Sur 27 000 salariés en France, environ 18 000 occupent des postes en régions. Nous y avons donc une très forte présence. A Bordeaux, nous avons quatre sites (un site de production pharmaceutique, un site de production chimique, un site de distribution et un site d’informatique industriel). A Strasbourg, est implanté un grand centre R&D. L’alliance de toutes ces équipes et leur écosystème me parait très porteuse pour innover dans la santé.

Selon vous, la santé de demain passera-t-elle par le produit ou le service ?

Les deux ! Historiquement, une entreprise comme la nôtre innove par sa recherche, son développement et la mise à disposition de médicaments et de traitements qui améliorent la vie des patients. C’est notre cœur de métier et nous continuerons de le faire. La preuve : nous investissons des sommes considérables dans la R&D : 4,5 milliards d’euros par an dont près de la moitié en France. A côté de cela, nous nous rendons compte que ce n’est pas parce que nous avons développé des insulines ou des traitements innovants que tous les patients atteints de diabète sont bien traités. Au niveau mondial, la moitié des diabétiques ne sont pas à leurs objectifs de glycémie ! Cela montre bien que la question de la prise en charge ne se réduit pas uniquement à la question des médicaments. Plein d’autres problématiques se posent pour favoriser ce que l’on appelle l’observance au traitement, c’est-à-dire l’adéquation entre le comportement du patient par rapport à la maladie et son traitement. Il reste aussi la question du suivi dans le temps, en particulier pour les malades chroniques. Un patient diabétique voit en moyenne son médecin deux fois dans l’année, à des moments prédéterminés et pas forcément au moment où il en a le plus besoin.

Le numérique va-t-il faciliter ce suivi ?

A partir du moment où il existe des solutions qui permettent un suivi dans le temps des données de santé, des alertes au moment où il y a des déviations, nous pouvons intervenir de manière plus efficace pour ajuster le traitement. La santé connectée permettra aussi de connecter des acteurs qui ne le sont pas toujours suffisamment : un médecin généraliste, un pharmacien, un spécialiste… Ces outils mettront du temps à s’imposer mais nous sommes convaincus que cela va améliorer l’efficience du système.

Pensez-vous que la médecine sera donc préventive plutôt que curative ?

Je vais à nouveau prendre l’exemple du diabète. Tout ce qui permet de prévenir les complications est bénéfique pour le patient et pour le système de soin dans son ensemble car cela permettra de réduire les hospitalisations. La prévention ne se résume pas seulement à de la médecine préventive primaire mais recouvre aussi la prévention de complications parfois très graves.

>> Retrouvez le témoignage de Sanofi dans notre enquête sur les start-up et le CAC40