Pour sa chronique dédiée à la transformation des entreprises de services du numérique (ESN), Sylvain Fievet met en lumière un dirigeant qui place la sincérité et l’exigence au cœur de sa stratégie de croissance. Fondateur de Meritis en 2007, Sébastien Videment pilote aujourd’hui une ETI de 105 millions d’euros, spécialisée historiquement dans l’IT pour la finance de marché. Dans un contexte de « crise de marché » marquée par la massification des achats et la révolution de l’IA, il défend un modèle où la « valeur humaine » doit permettre un virage stratégique.
J’ai rencontré Sébastien Videment avec la certitude qu’il incarne une vision à contre-courant des ESN traditionnelles. Parti de l’expertise de niche en Corporate Investment Banking (CIB), il a fait grandir Meritis par étapes successives : la fondation (2007-2011), « l’industrialisation » par la structuration d’équipes commerciales et RH (2011-2015), puis la diversification sectorielle et géographique (2016-2019). Aujourd’hui, l’entreprise entre dans une nouvelle phase, marquée par des acquisitions, mais toujours guidée par une conviction : « les bases humaines » sont le seul socle de croissance durable.
Le virage stratégique du Conseil
Historiquement positionnée sur l’assistance technique (encore 80 % de l’activité), Meritis opère une transformation profonde pour devenir un véritable acteur du Conseil. Pour accélérer ce mouvement et « élever la posture » de l’entreprise, Sébastien a mené deux acquisitions stratégiques : Neofin Advisory, spécialisée dans le conseil métier et finance et Navigacom, cabinet de conseil en stratégie IT. Ce virage n’est pas qu’organisationnel, il est avant tout humain. Interrogé sur l’intégration de ces nouvelles équipes, il insiste : « le vrai sujet c’est le sujet humain ». Il explique que l’enjeu principal est de s’assurer que les fondateurs trouvent « la meilleure terre d’accueil » et que les équipes apprennent à « se faire de la place les uns par rapport aux autres ». « Ça nous aura pris au moins 6 mois pour que les gens comprennent qu’on allait être extrêmement bienveillant », confie-t-il, illustrant l’importance de la confiance dans ces processus de M&A.
L’exigence, pilier de la méritocratie bienveillante
Je suis frappé par la sincérité avec laquelle il aborde sa philosophie managériale. Il parle de « méritocratie bienveillante ». Mais il apporte une nuance cruciale, forgée par l’expérience post-Covid : il a récemment replacé « l’exigence » au premier plan de ses valeurs, devant la bienveillance. « On mélange un petit peu bienveillance et parfois négligence », explique-t-il. « Si on commence à avoir un ventre mou comportemental à ne plus dire les choses, la performance on ne la touches plus jamais ». Pour lui, c’est l’association de l’exigence et de la performance, dans un cadre bienveillant, qui permet la vraie méritocratie. Cette culture, validée par des labels comme Great Place to Work ou B Corp, est selon lui ce qui permet à Meritis de se différencier dans la « guerre des talents », notamment auprès des jeunes ingénieurs. « Ce ne sont pas des médailles, ce sont des exosquelettes pour structurer la maison », résume-t-il.
Souveraineté : la « place » de l’ETI
Quand je l’interroge sur le contexte géopolitique et la souveraineté numérique, Sébastien est convaincu qu’il y a une carte à jouer. « Je pense que nos clients veulent vraiment acheter français », affirme-t-il. Il voit Meritis, en tant qu’ETI « middle market », occuper une place spécifique que les géants ne couvrent pas. Il évoque l’exemple de Michelin, confronté à des données industrielles stratégiques – comme la composition chimique de ses pneus – qu’ils ne souhaitent confier ni aux hyperscalers américains, ni stocker exclusivement en interne. « Ce type de cas, très franco-français, révèle un besoin d’alternatives hybrides. C’est là que des acteurs intermédiaires comme nous peuvent proposer des solutions nouvelles sur des zones encore peu adressées. » Dans un monde marqué par la « brutalité géopolitique » et l’instabilité, il sent monter un « protectionnisme européen » qui crée des opportunités pour des acteurs agiles et de confiance.
L’IA : transformation profonde
Dans notre échange, il se montre animé par l’IA, qu’il qualifie de « transformation profonde », notamment pour les 350 développeurs de Meritis. Mais il l’évoque aussi avec franchise, comme l’un de ses principaux regrets. Alors que ses équipes faisaient déjà du LLM en 2021, il avoue « regretter de ne pas avoir pris le virage de l’IA avec plus de conviction, plus d’allant et plus rapidement ». Il a le sentiment d’être « presque un peu en retard » sur un sujet qui va, selon lui, « complètement bouleverser 90 % de nos habitudes ».
L’optimisme par-delà la crise
Je retiens enfin un optimisme résolu. Bien qu’« entre le marteau et l’enclume », face à des services achats qui « codifient les cabinets » et compriment les marges, il se dit « plutôt optimiste pour l’avenir ». Il sent que Meritis a « vraiment cette place du 3 à 5 000 collaborateurs dans les 10 ans ». À la question de savoir ce qu’il dirait au Sébastien Videment de 2007, il répond : « Vas-y, lance-toi », mais surtout, « garde énormément de constance dans cette rigueur humaine et managériale ». Car, conclut-il, cette valeur humaine est « indétrônable et […] ne sera pas remplacée par l’IA ». Rien d’ostentatoire. Mais une boussole claire. Et c’est peut-être ça, aujourd’hui, le vrai luxe du pilotage. Dans un marché qui multiplie les effets de manche, Meritis fait le choix d’une exigence tranquille, d’une construction patiente. C’est ce pas de côté qui rend sa trajectoire digne d’attention – et peut-être même d’inspiration.
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