Les talents cachés d’Instagram

Le salon grand public des Instapreneurs se tenait samedi à Paris. Une première mondiale… due à la créativité et la diversité des « retailers » français en herbe.

Le Slip Français réalise 10 % de ses ventes à l’export. L’an prochain, ce sera son prochain chantier en s’appuyant sur les réseaux sociaux, notamment Instagram.

Le Slip Français réalise 10 % de ses ventes à l’export. L’an prochain, ce sera son prochain chantier en s’appuyant sur les réseaux sociaux, notamment Instagram.

Jim Squires, en charge du développement de l’activité business d’Instagram, est pour le moins un patron « branché ». Jeune et dynamique, il nous montre d’entrée ses photos d’enfance et celles de ses passions (le surf !) comme entrée en matière de la conférence de presse. Il est présent en France pour le tout-premier « Salon des Instapreneurs », qui était organisé ce weekend à Paris. Une première mondiale et elle a eu lieu au Carreau du Temple, en plein quartier des « hypsters » !

Objectif : mettre en avant les petites et moyennes entreprises qui s’éclatent (ou du moins leurs ventes) sur le réseau social. « Il fallait faire se rencontrer les gens dans le monde réel, justifie-t-il. Instagram veut apprendre de cela. Paris était le bon endroit pour commencer. » Une cinquantaine d’entre elles, venues de toute la France et de l’étranger, participaient à cette première, dont Guillaume Guilbaut, parrain de l’événement et fondateur du Slip Français, une marque de sous-vêtements masculins et féminins (depuis peu !) made in France créée il y a six ans. Les autres Instapreneurs invités développent leur business dans le sport, la mode, l’art, la décoration, l’enfant, l’alimentation, la beauté ou encore la santé… Pas moins de 6 000 visiteurs étaient attendus pour les rencontrer, échanger et s’en inspirer !

« 53% des TPE françaises considèrent qu’Instagram
les aide à accroître leur business » Jim Squires

Aujourd’hui, le réseau social (dont Facebook est la maison-mère), qui compte plus de 700 millions d’utilisateurs tous secteurs confondus et 1 million d’annonceurs actifs chaque mois dans le monde (80 % hors des Etats-Unis), serait devenu « incontournable » pour ces jeunes créateurs. Faut dire que 400 millions de personnes se promènent chaque jour sur la plateforme à la recherche d’une ou de plusieurs communautés qui partagent leurs passions. Et elles sont nombreuses !

Keynote d’ouverture par Jim Squires lors de la Social Media Week 2016 de Los Angeles

Keynote d’ouverture par Jim Squires lors de la Social Media Week 2016 de Los Angeles

Instagram s’impose ainsi comme l’outil de communication majeur pour de nombreuses marques qui, au travers d’images (photos, vidéos ou stories), racontent leur histoire, se connectent et s’engagent avec leur communauté. Un tiers des stories les plus vues sont liées au business et déjà 8 millions d’entreprises y gèrent une page. Guillaume Guilbaut du Slip Français, le confirme : « Nous faisons près de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 50 salariés cette année… Instagram et les réseaux sociaux y sont pour beaucoup ». Le plus de la plateforme selon lui : « Les gens ont besoin de sens. Il faut montrer qui est derrière les produits. Les stories le permettent et c’est comme cela que l’on crée du lien. On va même jusqu’à montrer les commandes des clients avant qu’elles partent… ». Et de citer l’anecdote de l’estafette du Slip français qui, garée la nuit sur un parking parisien, se retrouve régulièrement sur @leslipfrancais… photographiée par les fans de passage dans cette rue.

Rester créatifs et réactifs

De son côté, Camille Riou, fondatrice de la marque de bijoux en or LÕU.YETU (15 personnes, 6 millions d’euros de chiffre d’affaires prévus cette année) revendique 47 000 fans sur la plateforme. « Il faut maintenir des contenus très authentiques en ligne. On ne voit pas ses clients, mais on leur parle beaucoup. Mes posts sur @louyetuparis ont un impact réel et direct sur les ventes. Les jours où je ne poste rien, c’est 30 % en moins de chiffre d’affaires… Et les trois produits que je poste chaque jour, sont ceux que l’on vend le plus », confie la jeune designer.

80 % des « instagrammeurs » suivent ainsi au moins une entreprise sur la plateforme et 60 % d’entre eux confient avoir découvert un produit ou un service par ce biais (telle une voiture !). De quoi générer encore plus d’interactions entre les marques et leurs clients actuels et à venir en permettant bien plus que de l’inspiration. 75 % de la communauté a déjà visité le site d’une entreprise, fait une recherche, une recommandation ou a acheté directement en ligne après avoir vu un post sur Instagram. Ce n’est donc pas surprenant que la plateforme ne cesse d’innover en termes de fonctionnalités (boomerang, live…).

PaperMint séduit LVMH via Instagram

Mais l’histoire la plus inattendue est racontée par Jean-Marc Bruel, 56 ans, co-fondateur avec sa fille Alexandra, 28 ans, de l’entreprise de papier peint et décoration murale, PaperMint. Le duo a travaillé ensemble en agence graphique, avant de commencer à fabriquer leurs propres produits et de se lancer il y a seulement un an dans un projet de création d’entreprise. Et c’est le papa qui gère le compte Instagram (@Papermint_paris) ! Aujourd’hui 80 % de la clientèle de la marque provient directement de la plateforme, de même que 20 % du trafic vers leur site web, qui a été créé après le compte Instagram… « Nous n’aurions même pas pu imaginer cela, ça dépasse notre propre imagination, concède-t-il. Quand on réussit un post, cela se traduit directement sur les ventes. »

Désormais, toutes leurs nouveautés sont testées sur Instagram. Les deux co-fondateurs, qui pensaient vendre uniquement leurs collections sur Paris, se retrouvent à expédier des produits dans le monde entier. « La 1ère boutique qui a acheté nos produits était à New York, puis au Japon…. Aujourd’hui, on vend dans plus d’une vingtaine de pays et on compte des distributeurs dans une dizaine d’autres. On sera à l’équilibre à la fin de cette année. »

Le succès aidant, les propositions de collaborations en matière de design sont très nombreuses : « Jusqu’à 3 ou 4 par semaine et dans des univers très variés ! », dévoile Jean-Marc Bruel. Mais c’est très difficile d’arriver à choisir ». Récemment, la marque, qui vient de travailler avec Sushi Shop pour sa Summer Box,  a également été choisie par LVMH pour l’un de ses gros événements… « On nous a contacté via Instagram, explique-t-il. Je n’essaie même pas d’imaginer aller seul avec mes produits sous le bras vendre chez LVMH… Dans une autre vie, cela aurait été totalement impossible ! »

Pour autant, un tel succès dans un laps de temps si court a ses revers : « Nous travaillons six jours sur sept et plus de 10 heures par jour, raconte le dirigeant. Maintenant, il faut arriver à tenir la production, la qualité et faire grandir l’entreprise dans toutes ses composantes, sachant que c’est un business autofinancé. Pour la fabrication, nous travaillons avec la dernière usine de papier peint en France, située dans la Somme ».

Si ces histoires sont belles, reste qu’Instagram se montre plus discret sur les échecs de ses instapreneurs

Heuritech, lauréat du LVMH Innovation Award

heuritech

Instagram fait aussi des heureux dans la tech ! C’est le cas pour la start-up parisienne Heuritech, qui vient tout juste d’être primée lors du salon Vivatech2017 par le groupe LVMH pour sa technologie de deep learning (IA) et de lecture d’images appliquées à la mode, au luxe et à la beauté au rythme de 1 000 images la seconde…

Présidée par Tony Pinville, co-fondateur d’Heuritech avec Charles Hollion il y a quatre ans, tous deux diplômés en IA de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, ce prix tombe à pic car « nous venons de lancer notre solution en mode SaaS, capable de faire le lien entre les réseaux sociaux et les e-commerçants, et principalement sur Instagram. « Si les robes à volants deviennent tendance, on le repère et on aide le e-commerçant à adapter son catalogue produits instantanément aux attentes des clients et cela en fonction des pays », explique-t-il.

Heuritech (20 personnes, 500 000 euros de chiffre d’affaires en 2016) travaille d’ores et déjà pour le maroquinier Louis Vuitton, mais aussi d’autres grands noms du e-commerce français. Après sa première levée de fonds de 1,1 million d’euros auprès de Serena Capital en janvier 2017, Tony Pinville se prépare à en lancer une seconde début 2018. « Cette fois, ce sera pour partir à l’international, conclut-il, et attaquer le marché asiatique notamment. »