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Koen Vermeulen (Orange France) : « Les expériences clients de plus en plus digitales reposent dans les mains du SI »

Le plan stratégique « Essentiels2020 » d’Orange, présenté en mars 2015, a placé l’expérience de ses clients au cœur de la stratégie du groupe. Koen Vermeulen, DSI d’Orange France décrit les changements qui ont été impulsés, avec un focus sur l’impact pour les équipes IT.

Interview de Koen Vermeulen, DSI Orange France

Interview de Koen Vermeulen, DSI Orange France

Alliancy. Deux ans après, qu’a changé Essentiels2020 en termes de culture client pour Orange ?

Koen Vermeulen, Le plan stratégique a eu de nombreuses conséquences à l’échelle du groupe dans son ensemble : nous avons récemment fusionné la Direction Commerciale et la Direction de la Relation Client en une Direction Client Grand Public, dans l’objectif de trouver en permanence et partout la complémentarité entre satisfaction client et commerce. Nous avons changé l’organisation mais aussi nos modes de travail. Nous ajoutons par exemple des méthodes projet pour placer l’utilisateur au centre de nos développements : design thinking, projets en mode Lab, mode agile, recours au centre de test clients… L’entreprise investit par ailleurs dans le big data et la visualisation des parcours clients, dans le but de mieux percevoir les attentes et donc mieux servir les clients.  Mais ce n’est pas tout : un des axes d’Essentiels2020 est « un modèle d’employeur digital et humain ». Nous appliquons les mêmes principes pour placer l’expérience salariés au même niveau d’excellence que celle de nos clients. Cette symétrie des attentions est un enjeu majeur d’une véritable culture client.

Comment cette évolution a-t-elle impacté spécifiquement les équipes SI ? 

Koen Vermeulen, De plus en plus d’expériences clients sont dorénavant digitales et reposent entièrement dans les mains du SI, ce qui place une exigence très forte sur nos équipes. Il faut être au rendez-vous sur la qualité et la sécurité. Dans tous nos projets SI, nous avons mis le client au centre, avec des démarches agile et DevOps. Cela nous permet aussi de travailler de façon plus itérative et donc plus rapide, ce qui est également un bénéfice client. Nous travaillons pour que nos salariés en relation avec le client aient la vue la plus complète possible, multicanal, de toutes les expériences clients avec Orange. Cet aspect multicanal change aussi la façon de développer le SI : nous travaillons dorénavant à la mutualisation des logiciels à travers des API afin d’avoir une expérience client homogène. Par ailleurs, le SI s’investit beaucoup plus dans l’innovation en étant force de proposition pour développer le business et améliorer l’expérience client : chatbot, intelligence artificielle…

Qu’est-ce qui permet d’embarquer efficacement les équipes dans de tels changements ?

Koen Vermeulen. Pour que ces partis pris fonctionnent, il faut donner du sens à la transformation elle-même. Il ne suffit pas de dire que cela permettra d’améliorer notre efficacité ou qu’une nouvelle organisation sera plus simple au quotidien. Il est nécessaire d’inclure chaque changement dans un contexte beaucoup plus large. Ensuite, il faut de la cohérence : un cap, cela ne se change pas tous les mois. Il est nécessaire de garder les yeux sur la destination et de se tenir aux engagements qui ont été pris. Bien sûr, tout le monde ne part pas du même point quand il est question de telles transformations. Il est donc essentiel d’équilibrer les rythmes du changement, de définir des « parcours de transformation » pour chacun. Les dirigeants ne doivent pas juger les collaborateurs sur leur point de départ mais sur les progrès réalisés. Le fait d’avoir certaines équipes en avance, en précurseurs sur les sujets, est très pratiques pour donner l’exemple, pour rassurer. Mais il ne suffira pas d’un claquement de doigt pour que tout le monde en arrive là.  Il faut trouver le bon équilibre.

Koen Vermeulen. Avez-vous eu besoin de nouveaux outils pour faciliter ces changements ?

Koen Vermeulen. Nous avons mis en place des communautés métiers pour permettre cette acculturation : architectes, développeurs, chefs de projet et business analysts. Réseau social interne, conférences, formations, reconnaissance d’expertise… ces communautés fédèrent de nombreuses formes de partage de pratiques. Elles améliorent aussi leurs compétences sur les techniques agiles. Et elles font de la veille pour s’assurer de rester au niveau des exigences des règles de l’art technologiques.

Nous avons une « Social Room » qui nous permet d’analyser en permanence la voix du client à travers le web et les réseaux sociaux. En plus de détecter les sujets et situations qui y prennent de l’ampleur, cela permet de partager au sein de l’entreprise l’importance de la voix du client.

Comment vous assurez-vous de la bonne utilisation de ces « outils » ?

Koen Vermeulen. Pour que ces communautés vivent d’elles-mêmes et soient utiles, il ne faut pas qu’il y ait de pression et d’injonction managériale pour y participer. Les métiers sont maîtres de leur agenda et certains groupes fonctionnent mieux que d’autres. Mais toute la valeur de ces outils résident justement dans l’autonomie et l’investissement que les métiers décident de mettre : chacun voit midi à sa porte et nous ne voulons surtout pas mettre de KPI types sur ce genre d’initiatives ! Une véritable culture client passe par cet engagement des collaborateurs – quel que soit leur métier.

D’un point de vue plus technique, quelle place prend l’ouverture de votre système d’information au sein de cette dynamique ?

[Série] Culture client : quand les DSI se transforment Koen Vermeulen. Nous faisons du développement d’API en « self-service ». Ces API nous permettent de mutualiser des logiciels afin d’avoir une expérience client homogène et d’avoir un SI plus adaptable. Cette logique s’applique pour l’instant en interne, mais la façon dont nous les développons est compatible avec une publication externe pour des clients ou des partenaires. Quelles que soient les API, nous faisons « comme si » elles étaient ouvertes et accessibles par Internet. Aujourd’hui, avec de tels principes nous avons une centaine d’API clés qui connaissent 600 millions de requêtes mensuelles.
Cela change complètement notre approche vis-à-vis de l’écosystème de l’entreprise : auparavant, nous devions établir des connexions point à point, ou éventuellement par du web services, avec nos partenaires. Il fallait réunir tous les experts autour d’une même table pour avancer sur des projets communs et parfois, le simple fait de programmer une telle réunion prenait plusieurs semaines ! Aujourd’hui, tout cela se fait beaucoup plus intuitivement : les API sont un accélérateur très fort – de l’ordre du mois à la semaine – pour connecter l’entreprise à ses partenaires et mettre en place tous les nouveaux services ainsi permis.

>> Cet extrait fait partie d’une série « Culture client : quand les DSI se transforment« . Retrouvez d’autres témoignages dans cette série.