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Pascale Ribon (Bpifrance) : “En aidant ces start-up DeepTech à émerger, nous permettons au tissu industriel de se renouveler.”

Fin janvier 2019, le gouvernement français a confié à Bpifrance une enveloppe de 2 milliards d’euros pour accompagner les start-up spécialisées en DeepTech et encourager le transfert technologique venant des acteurs académiques et des grands organismes de recherche. 

Pascale Ribon, directrice des programmes DeepTech chez Bpifrance

Pascale Ribon, directrice des programmes DeepTech chez Bpifrance

Alliancy. Pourquoi entendons-nous “DeepTech” partout aujourd’hui ?

Pascale Ribon. Depuis quelques années, nous avons constaté une montée en puissance de l’innovation avec le numérique et un développement des écosystèmes autour d’accélérateurs et d’incubateurs. En 2019, presque 5 milliards d’euros ont été investis en capital risque dans des start up françaises. Traditionnellement c’était les grandes entreprises qui portaient l’innovation avec de grosses structures de R&D. Mais au fur et à mesure se sont développées en parallèle des start-up qui sont venues s’intéresser à l’innovation de rupture et à des sujets plus pointus comme la BioTech. Le monde de l’innovation héberge aujourd’hui plus de petits acteurs. Notre conviction chez Bpifrance c’est qu’en aidant ces start-up DeepTech à émerger, nous permettons au tissu industriel de se renouveler. Ce qui demande de grands investissements et une montée en puissance plus exigeante car la DeepTech est de nature plus capitalistique et a besoin de temps pour émerger.

Qu’est-ce qui différencie la DeepTech de l’innovation classique ?

Pascale Ribon.Il y a quatre critères pour définir ce qu’est une DeepTech. Tout d’abord, c’est la proximité avec des organismes de recherche. La DeepTech mobilise la pointe de la recherche issue autant du public que du privé. Ensuite, il y a la notion de propriété intellectuelle. Autrement dit la présence d’actifs immatériels ou un savoir-faire qui donne l’exclusivité et protège de la concurrence.

Ce qui nous amène au point suivant : le fait de générer un avantage différenciateur, en rupture par rapport à ce qui existe et qui permet de nouveaux produits ou process ou une économie sur un marché existant. Et enfin, c’est le temps de déploiement plutôt long : il faut compter jusqu’à 7 à 8 ans avant qu’une solution DeepTech arrive sur le marché.

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Bpifrance a développé un référentiel deeptech basé sur 4 critères :

  • le lien avec la recherche
  • la capacité à lever des verrous technologiques
  • la création d’un avantage fortement différenciateur
  • le go-to-market long et complexe, donc capitalistique

Est-ce nécessairement à caractère technologique ?  

Pascale Ribon. La DeepTech n’est pas seulement une avancée en matière électronique ou technologique « dure ». Cela peut aussi concerner le vivant, du moment que l’activité mobilise du savoir-faire scientifique à la pointe de la recherche. Par exemple, la start-up Ynsect en fait partie : elle est spécialisée dans l’élevage d’insectes et leur transformation en ingrédients à destination des animaux domestiques et d’élevage. Pour autant, au delà de la création d’un nouveau produit censé transformer le marché, la DeepTech doit être à fort contenu scientifique : ce sont bien des connaissances issues de la recherche qui viennent disrupter le marché.  De la même manière, si une solution du même type existe déjà sur le marché avec un certain degré de maturité, il sera difficile de remplir le critère différenciateur. Mais si nous constatons qu’une start-up française peut gagner la course à l’international sur un domaine c’est dans notre intérêt de l’encourager et la qualifier de DeepTech.

Comment soutenir la DeepTech ?

Pascale Ribon. L’innovation est surtout portée par les laboratoires publics. C’est pourquoi nous menons une tournée des campus académiques : nous nous sommes déjà rendus à Nantes, Grenoble et la semaine prochaine à Nice. Nous souhaitons que le transfert technologique de la recherche vers le monde socio-économique soit plus reconnu dans le milieu de la recherche. Il faut allouer plus de moyens dans la maturation des projets et la valorisation des résultats scientifiques pour encourager la création de start-up. Nous sommes actuellement en discussion avec le réseau SATT (Les Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies) pour travailler sur ce sujet. Pour donner une idée, depuis 2012, 418 entreprises ont été créées avec l’aide des SATT et 59 % d’entre elles développent des technologies de rupture.

Concernant les règles en termes de propriété intellectuelle, il est important de trouver des moyens de simplifier la contractualisation autour du transfert de propriété intellectuelle. Les fondateurs de start-up et investisseurs regrettent ces délais très longs qui constituent un frein considérable. Enfin, pour soutenir l’amorçage et l’accélération des start-up de la DeepTech, il existe des outils dédiés tels que les Bourses French Tech, le Fonds French Tech Seed ou encore des aides au développement pour financer la phase d’industrialisation. C’est une manière d’inciter les laboratoires de recherche à développer des applications industrielles à partir de leurs résultats de recherche. Au total, deux tiers des DeepTech ont été accompagnés par les acteurs publics du transfert de technologie adossés à la recherche

Le plan Deeptech :

  • Bourses French Tech Emergence ( 90k€ )
  • Aides au développement deeptech ( jusqu’à 2M€ )
  • Augmentation de la dotation annuelle du concours d’entreprises technologiques i-LAB
  • Création de programmes d’accélération dédiés aux Deep Tech en partenariat avec les SATT
  • Création de programmes de formations à l’entrepreneuriat pour les chercheurs en partenariat avec les incubateurs de la recherche publique
  • Doublement des investissements dédiés à l’accélération des start-up Deeptech avec 1 milliard d’euros investi par Bpifrance dans des fonds de capital risque spécialisés dans la Deeptech et 300 millions d’euros en direct au capital des entreprisesle lien avec la recherche