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Marc Pagezy (Eurosearch & associés) : « Favoriser l’action collective et faire du “cash is king“ une priorité »

En ces temps de crise, les dirigeants d’entreprise se retrouvent dans une incertitude vis à vis de la conduite de leur business et plus généralement autour de la survie de leur organisation. Marc Pagezy, Partner et Président Directeur Général d’Eurosearch & associés, cabinet de conseil en ressources de management, rappelle que la priorité est de mettre en protection son organisation et d’imaginer des crash test pour revisiter ses scénarios.

Marc Pagezy, Partner et Président Directeur Général d’Eurosearch & associés

Marc Pagezy, Partner et Président Directeur Général d’Eurosearch & associés

Alliancy. Les entreprises étaient-elles préparées au confinement ?

Marc Pagezy. D’après nos échanges avec nos clients, nous avons constaté une certaine sidération car tout est arrivé brutalement. Tout le monde pensait pouvoir gérer ça de manière douce. Bien sûr, toutes les entreprises ne sont pas impactées de la même manière du point de vue économique. Si vous êtes dans la distribution et le commerce – hors alimentaire ou de première nécessité -, la pérennité de votre entreprise est remise en question. Mais par exemple, dans les assurances et les banques, les cycles de business sont plus longs. 

Ce désordre économique touche tous les maillons dans la chaîne de production. Il y aura forcément des répercussions sur le cash et le modèle de business, d’autant plus que personne ne connaît la profondeur ni la durée de cette crise. C’est un sujet compliqué mais pour le chef d’entreprise, l’enjeu principal c’est de mettre son entreprise en protection. Pour surmonter cette crise, le dirigeant n’est pas tout seul : il doit favoriser l’action collective et faire du “cash is king“ une priorité.

Quels conseils leur donneriez-vous ?

Marc Pagezy. Les dirigeants d’entreprise ont quelques précautions à prendre pour surmonter cette crise. D’un point de vue managérial, le président doit travailler avec une équipe exécutive rapprochée de manière à piloter et rassurer les collaborateurs. En matière de leadership, le dirigeant doit être capable de communiquer à l’ensemble de son organisation et sensibiliser sur l’impact de la crise sur leur situation. C’est important de communiquer toutes les informations à leur disposition. C’est un langage et une vérité à développer en interne mais aussi auprès des clients. 

Il faut aussi s’inspirer des séniors, notamment au conseil d’administration, qui ont sûrement vécu ce genre de crises ; bénéficier de leur conseil et leur éclairage. Il y a aussi le commissaire aux comptes que l’on peut consulter pour connaître les dispositifs techniques et administratifs possibles pour mettre en place des mesures opérationnelles, comme par exemple le chômage partiel. Enfin, il est primordial de revisiter l‘ensemble des éléments de l’entreprise : baisser au minimum les points morts de l’entreprise pour sauver la trésorerie. 

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Il faut se demander dans quelle mesure cette situation vous impacte à court et moyen terme ? Et qu’est-ce que la crise signifie pour votre modèle de business ? Ma recommandation : faire preuve de réactivité, être lucide, courageux et imaginer des crash test pour revisiter ses scénarios. C’est très important de faire ce travail de manière drastique car il en va de la pérennité des entreprises et des salariés.

Quelle mobilisation des pouvoirs publics sur la question ?

Marc Pagezy. Nous sommes dans une situation très exceptionnelle et les pouvoirs publics se sont mobilisés comme jamais auparavant. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu des gouvernement autant miser sur l’accompagnement. Nous avons la chance d’avoir un gouvernement pro-business et une coopération européenne totalement mobilisée. Les pouvoirs publics ont compris que les mesures allemandes sont des exemples notamment sur la question du chômage partiel. En 2008 il y a eu des grandes actions de sauvetage d’entreprises mais pas vraiment pour les plus petites d’entre elles. Aujourd’hui, nous assistons à une mobilisation sans précédent pour que tout le monde soit sauvé. 

Au niveau global et politique, la question qui se pose c’est : jusqu’où faut-il protéger les personnes tout en permettant à l’action économique de redémarrer ? Je suis plutôt confiant si le travail est fait et si toutes les mesures sont prises avec le courage nécessaire. Toutefois, le monde de demain ne sera pas le même qu’hier. La mondialisation arrive à ses limites et nous commençons à entendre des discours sur la démondialisation et la souveraineté économique. Le changement de monde va s’accélérer. L’important c’est d’en ressortir vivant.

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Quelle place auront les valeurs éthiques dans la transformation du monde de demain ?

Marc Pagezy. Les valeurs sociales et environnementales ont été récemment actualisées par la notion de raison d’être des entreprises. Aujourd’hui ce débat prend une toute autre ampleur car nous remarquons que nous sommes allés trop loin dans cette mondialisation – qui par ailleurs a été bénéfique à bien des égards. Il faut trouver un nouvel équilibre et la transformation du monde de demain sera autour de la RSE, de la protection nature, de la notion des biens communs, du sens du travail, … Nous n’avons d’ailleurs pas mis au bon niveau la protection des collaborateurs. Il faudra à l’avenir prévoir une réserve stratégique de masques au même titre que celle du pétrole – la France ayant trois mois de pétrole d’avance en cas de crise. De la même manière, internet devrait être considéré aussi important que l’eau et le gaz.

La réflexion se porte sur : dans quelle société souhaitons nous vivre et comment arbitrer entre le besoin de protection et de liberté des individus et la prospérité économique ? Ce nouveau monde doit être positif et pas seulement basé sur la sanction car nous sommes tous responsables.