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L’EENA accélère la transformation des services d’urgence pour sauver des vies

Créée en 1999, l’EENA (European Emergency Number Association) est une ONG basée à Bruxelles qui aspire à harmoniser les services d’urgence au niveau européen. Elle met en contact les urgentistes de divers pays et actionnent des leviers de décision européenne pour rendre leur action plus cohérente. Au delà de son combat de promotion du numéro 112 à l’échelle européenne, l’EENA partage la conviction que la technologie a le potentiel de sauver des vies avec plus d’efficacité.

L’EENA estimait en 2016 que 70 à 80% des appels d’urgence provenaient de smartphone. En croisant plusieurs données, l’association a donc découvert que si AML était disponible sur tous les smartphones européens, c’est 7500 vies en plus qui pourraient être sauvées et 95 milliards d’euros économisés sur une période de dix ans.

L’EENA estimait en 2016 que 70 à 80% des appels d’urgence provenaient de smartphones. En croisant plusieurs données, l’association a donc découvert que si AML était disponible sur tous les smartphones européens, c’est 7500 vies en plus qui pourraient être sauvées et 95 milliards d’euros économisés sur une période de dix ans.

L’EENA est aujourd’hui en discussion avec Facebook pour relier sa fonctionnalité Safety Check directement aux services d’urgence. Mise à disposition depuis 2014 par Facebook, Safety Check est activée en temps réel lorsqu’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine survient. Elle permet aux utilisateurs qui sont proches de l’événement de signaler à leurs amis qu’ils sont en sécurité.

L’ONG bruxelloise ne se cantonne pas simplement à la promotion du numéro 112 et multiplie les pourparlers avec les géants de la Tech comme Google, Microsoft, Facebook, Apple et Twitter. Elle est convaincue que l’utilisation de leurs technologies et plateformes comportent à la fois des opportunités et des challenges pour les services d’urgence. A l’ère d’Internet où l’information circule de manière quasi-instantanée, les urgentistes ont par exemple tout intérêt à recourir aux réseaux sociaux pour assurer leur veille.

Comptant aujourd’hui une dizaine d’employés, l’EENA s’adresse traditionnellement à divers acteurs du monde de la sécurité publique : d’une part les décideurs au sein des ministères et d’autre part des directeurs de centres de réception d’urgence. L’ONG se considère comme une plateforme de discussion entre différents pays et éditeurs de solutions. L’objectif étant d’identifier des problématiques régionales afin de promouvoir les bonnes pratiques et favoriser l’échange de retour d’expérience. Cet échange se matérialise notamment par une grande conférence organisée tous les ans avec des centres d’urgence de plus de 60 pays pour explorer l’avenir des services de secours.

Défendre l’AML sur tous les fronts

Le fer de lance du combat mené par l’EENA reste l’AML. L’Advanced Mobile Location est une technologie open source développée par British Telecom, EE Limited et HTC qui permet de localiser un appel dans le cas d’une urgence. Cette fonctionnalité a été activée par Google en 2016 pour ses appareils Android. En pratique, cela signifie qu’une personne qui appelle les services d’urgence pourra être géolocalisée avec précision pour faciliter l’envoi des secours.

Pour l’heure, l’AML est utilisé dans 19 pays européens mais la France manque à l’appel. D’après Benoit Vivier, responsable des affaires publiques de l’EENA, ce dispositif devrait être disponible sur le territoire français à la fin de l’année. “Tout le monde s’attend à ce que les services d’urgence aient la possibilité de géolocaliser quelqu’un rapidement, comme dans les films… rappelle-t-il. Mais ce n’est pas si simple ou du moins pas assez précis”. En effet, sans AML, un appel est géolocalisé dans un rayon de 2 kilomètres. Avec cette technologie, il est possible de réduire ce rayon à moins de 100 mètres. C’est notamment le cas pour 92% des appels géolocalisés grâce à AML par les services d’urgence en Autriche.

| A lire aussi : l’article de l’EENA sur le déploiement de l’AML dans le monde

Si Google a vite décidé d’intégrer AML, Apple traîne encore. L’EENA a donc fait pression sur la firme à la pomme pour y remédier au plus vite. En 2016, elle publiait un communiqué de presse intitulé “Apple should integrate AML in iPhone for the safety of their customers“ en faisant remarquer que les résultats de cette technologie sur les appareils android étaient déjà probants. Cette lutte a été fructueuse puisque Apple a finalement intégré l’AML dans une mise à jour de son OS au printemps 2018.

Des succès législatifs au niveau européen

L’association redouble aussi d’efforts sur le terrain législatif. Après des années à défendre l’AML comme une technologie indispensable aux services de secours, les institutions européennes ont finalement décidé en ce sens. Le 25 février dernier, la Commission Européenne a publié un nouveau règlement délégué qui oblige tous les vendeurs de smartphones sur le territoire européen à munir leurs appareils d’AML d’ici le 17 mars 2022.

“C’est un succès législatif, se félicite Benoit Vivier. Google et Apple ne sont pas concernés car ils ont déjà équipé leurs appareils de cette technologie mais cela signifie que si une entreprise étrangère comme Huawey veut vendre en Europe, elle devra se soumettre à cette législation… Pour autant, le combat n’est pas fini car nous militons aussi pour l’instaurer à l’échelle mondiale. Par exemple, le Mexique l’a adoptée le 10 juillet”.

En parallèle, l’EENA est en charge de la promotion du 112, un numéro d’urgence gratuit dans la majeure partie des pays européens. Et encore une fois, les institutions reconnaissent ces enjeux puisque le Parlement européen a voté en novembre 2018 la mise en place du “112 inversé” qui permet d’alerter les usagers par SMS en cas d’attentat ou de catastrophe naturelle.

Les États membres ont donc encore deux ans pour mettre en place ce dispositif, y compris la France qui est toujours en retard par rapport à ses homologues européens.

De nouveaux chantiers technologiques en cours

Ces succès législatifs ne signent pas la fin du combat de l’EENA. L’association compte recourir à de nombreuses technologies pour sauver encore plus de vies. Par exemple, un projet a été mené avec Waze, l’application mobile d’information trafic. Le but étant d’utiliser les données de cartographie et de trafic en temps réel pour optimiser l’intervention des secours sur les routes.

Plusieurs tests ont eu lieu en Italie, en Autriche et en France et permettent notamment d’envoyer une notification aux services d’intervention dès qu’un utilisateur signale un accident. Dans la même veine, un projet pilote est mené en collaboration avec les SDIS (service départemental d’incendie et de secours) de la Vienne et des Bouches du Rhône pour notifier de cas d’incendie. L’EENA espère même à terme utiliser les données de cartographie pour prédire la propagation d’un incendie en fonction du terrain et du vent.

Enfin, l’IA est aussi dans le collimateur. Pour accélérer la transformation numérique des services d’urgence, l’EENA travaille avec des acteurs plus petits et spécialisés dans la réponse d’urgence. Par exemple, un projet est mené avec Corti.ai, une start-up danoise qui a développé une IA capable d’identifier, lors d’un appel d’urgence, si une personne est en situation de détresse grave. L’IA permet notamment de diagnostiquer des crises cardiaques. Start-up, GAFAM, institutions européennes, services d’urgence… pour sauver des vies, l’EENA compte bien jouer sur tous les fronts et multiplier les partenariats.