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Yves Le Gélard (Engie) : « Nous présentons dix plateformes digitales d’ampleur mondiale à impact climatique »

Yves Le Gélard, directeur général adjoint d’Engie en charge du digital, et Olivier Sala, directeur général d’Engie Digital, recevaient la presse cette semaine pour fêter les trois ans du studio parisien de l’éditeur de logiciels du groupe, dont le métier de l’énergie vit des changements essentiels. Explications.

Yves Le Gélard, directeur général adjoint d’Engie en charge du digital

Yves Le Gélard, directeur général adjoint d’Engie en charge du digital

Alliancy. Quels sont les grands changements que vous constatez dans votre secteur ces dernières années ?

Yves Le Gélard. Sur ces trois dernières années, nous avons constaté dans notre métier de l’énergie des changements essentiels… Nous sommes passés d’une situation où les gouvernements poussaient, par l’intermédiaire d’incitations fiscales, à la transition énergétique, à une situation actuelle, totalement décentralisée, où ce sont les citoyens, les collaborateurs des entreprises… qui réclament une accélération sérieuse de cette transition. C’est vrai en France, mais également dans le monde entier !
Désormais, par exemple, il sera extrêmement de trouver une grande ville sans un agenda sérieux autour de la transition énergétique. C’est vrai également dans les entreprises qui se doivent d’être engagées et authentiques sur ce thème. Cela participe beaucoup de leur attractivité ! En ce qui nous concerne, à titre d’exemple, nous avons vu depuis trois ans le nombre de CV qui nous parvient, être multipliés par huit !

Nous sommes ici au cœur du studio parisien d’Engie Digital*. Sa vocation a-t-elle évolué depuis sa création il y a trois ans ?

Yves Le Gélard. Nous avons ouvert ce lieu en octobre 2016. Depuis, il y a eu trois phases dans notre évolution. La première était l’âge des POC [proof of concept]. Nous avons encouragé les initiatives un peu partout dans le groupe et l’on s’est retrouvé, au moment de la nomination d’Isabelle Kocher en tant que CEO, avec environ 300 réalisations techniques, simples, voire même très simples, dans tous les coins du globe.

Quand j’ai commencé à m’occuper du sujet, j’ai proposé de changer d’époque, en centrant ces expérimentations sur une trentaine de projets… Ce que l’on voit aujourd’hui ce sont 10 plateformes digitales d’ampleur mondiale à impact climatique, piliers d’une transformation digitale réussie et concrète, le tout adossé à des données opérationnelles qui sont le carburant du digital. C’est donc une concentration sur ce que veulent nos clients et ce dont nos ingénieurs ont besoin et qui fait la différence aujourd’hui dans une proposition commerciale ! Dans le management de l’énergie, il faut montrer du software.

C’est-à-dire ?

Yves Le Gélard. Le software est un concentré d’expériences en quelque sorte… Vous démarrez un « projet », autour duquel vous réunissez des compétences et ces compétences font le projet… Quand vous procédez ainsi pour la deuxième, la troisième, la quatrième fois… idéalement avec les mêmes équipes, ce savoir-faire se concentre et vous pouvez prendre le risque de mettre cela dans de la programmation.
C’est à ce titre que le logiciel indique aux clients une vraie maîtrise, que le fournisseur ne fait pas cela pour la première fois chez lui, mais qu’il l’a déjà fait et ce plusieurs fois, à tel point qu’il en a fait un logiciel. Aujourd’hui, il n’y a plus de proposition commerciale sans un composant software important… qui s’adjoint à l’expertise d’un « patron » de projet, de même qu’à un prix convenable par rapport à la concurrence. Dans ce triptyque, s’il manque un des ingrédients, il y aura un problème.

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Ces plateformes sont-elles à maturité égale ?

Yves Le Gélard. Non, pas encore, c’est un portefeuille qui continue à croître. Certaines sont largement déployées dans le monde, d’autres sont en cours de déploiement partiel et d’autres enfin, encore en phase de conception. Darwin par exemple, qui vise à renforcer la performance opérationnelle des parcs d’énergies renouvelables (solaire, hydro, éolien…), est de loin la plus avancée. Nous présentons d’ailleurs en première mondiale aujourd’hui deux nouvelles plateformes.
La première, Smart Institutions, permet d’accompagner la transition zéro carbone de très grands sites, comme les campus universitaires ou les centres hospitaliers… Aux Etats-Unis, sur un campus, ce sont entre 50 000 et 100 000 personnes qui y vivent, soit l’équivalent d’une ville… Sur l’Université d’Etat de l’Ohio par exemple, avec l’éditeur d’intelligence artificielle C3.ai, nous avons déployé 12 000 capteurs pour surveiller les réseaux et identifier les habitudes de consommation énergétique en vue de réduire d’au moins un quart la consommation du campus sur dix ans. On a le même type de software en cours de déploiement sur des hôpitaux de Boston (Longwood Area).
La deuxième présentation mondiale que l’on fait ici pour la première fois concerne notre plateforme EverOn. Nous avons racheté il y a trois ans le numéro deux mondial des stations de charge pour véhicules électriques (EVBox), qui dispose d’environ 80 000 stations en opération. Pour accompagner l’expérience, soit de la ville qui a besoin de gérer ses bornes, soit du particulier qui les utilise… Il y a tout un environnement software indispensable pour piloter la mobilité qui est développé par notre équipe hollandaise basée à Amsterdam.

L’entité « Engie Digital », éditeur des logiciels du groupe @ENGIEgroup est dirigée par @SalaOlivier, directeur général, en coordination avec @yveslegelard, directeur général adjoint d’Engie en charge du digital. Cliquez pour tweeter

Au-delà de ce lieu parisien, Engie Digital est également présent dans cinq autres villes*… Est-ce important cette « dispersion » ?

Yves Le Gélard. Indispensable. La première raison est qu’il faut être présent dans certains pays, comme les Etats-Unis où nous travaillons avec les universités comme je viens de le décrire. Ou encore au Brésil, un pays où nous opérons de façon historique de très grands systèmes hydroélectriques. La notion de proximité est importante. Mais, paradoxalement, c’est aujourd’hui beaucoup plus difficile de trouver un talent qu’un client… Pour preuve, nos équipes lyonnaises ont un niveau d’engagement et de stabilité largement supérieur à d’autres très grandes villes du monde.

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Ce serait donc si difficile de recruter même quand on s’appelle Engie ?

Yves Le Gélard. Les très grandes villes sont compliquées… Toutes les entreprises recherchent des compétences et des expériences voisines, et le marché est très tendu…

En termes de gestion des talents, comment on s’en sort ?

Yves Le Gélard. Que veut un jeune ingénieur ? C’est assez simple. D’une part, des technologies à la pointe de façon à continuer à apprendre et, de l’autre, un chef « cool ». Le management de première ligne joue un rôle essentiel ! Cela l’a toujours été, mais encore plus aujourd’hui. Ce manager doit à la fois être « cool » dans l’approche, mais doit aussi former cet ingénieur. Il doit donc avoir une expertise et des exigences un cran au-dessus de façon à tirer ses équipes vers le haut. Enfin, un troisième point, le lieu où l’on travaille… C’est pourquoi notre studio est au cœur de Paris.

Vous présentez ici plusieurs plateformes digitales mises au point avec certaines de vos filiales comme Siradel, EVBox, Tiko… Mais quelles sont vos relations avec d’autres partenaires dans votre écosystème ?

Yves Le Gélard. Aujourd’hui, sur des sujets aussi vastes que ceux que nous traitons, nous ne pouvons plus prétendre pouvoir tout faire en interne. Ce qui veut dire que l’ensemble de ces solutions software présentées sont massivement APIsées… Je suis d’ailleurs aussi exigeant sur le nombre et la qualité des API que sur la qualité du code lui-même. Et c’est finalement à la richesse des API que l’on voit l’adoption d’un software. Et, outre les API, il faut aussi pouvoir accueillir des acteurs qui participent de la même ambition que la nôtre sur nos plateformes.

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Un exemple ?

Yves Le Gélard. Nous avons signé un très grand contrat avec la Région Ile-de-France [Smart Platform 2030] pour numériser à quelques centimètres l’ensemble du territoire. Le cœur de cette technologie est celle de Siradel qui permet aux parties prenantes, comme les maires franciliens, aux opérateurs de transport… de faire toutes sortes de simulations en 3D de phénomènes physiques par exemple pour mieux gérer la ville (couverture radio, qualité de l’air, potentiel solaire, mobilité, performance énergétique ) et de la visualisation 3D. Dans ce cadre, nous avons un partenariat très étroit avec la société française OpendataSoft, qui nous permet d’agréger des sources extrêmement variées autour de ce software. C’est très important pour nous de travailler ainsi… et on le fait dans chaque pays et pour chaque plateforme en fonction des projets. C’est là où la notion d’API est essentielle pour s’ouvrir à cet écosystème.

* Engie dispose de « studios digitaux » à Paris (200 personnes basées rue de Londres) et à Lyon, mais également à Houston (Etats-Unis), à Rio de Janeiro (Brésil), à Bruxelles (Belgique) et à Maastricht (Pays-Bas). Le cœur du dispositif compte environ 500 personnes. Autour, ce sont 5 000 personnes qui font du software pour le groupe.

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