Le bitcoin, une monnaie plutôt tendance

Que se passe-t-il lorsque les habitants d’un pays ne croient plus en leur monnaie? Ils achètent des bitcoins ! Une tendance observée chez les Grecs en juin dernier alors qu’ils craignaient un « Grexit » et, en mars 2013, lors de la crise chypriote… Mais que recouvre le mot bitcoin exactement ? Qu’entend-on par crypto-monnaie et quels sont leurs apports aux particuliers et aux entreprises ?

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Bitcoin CC BY-SA 2.0 © Antana

Monnaie virtuelle, monnaie numérique ou crypto-monnaie… Connaissez-vous la différence ? Comme l’indique David Latapie, membre du comité directeur de Monero (lire encadré), « les crypto-monnaies sont à la fois des monnaies numériques ou « digitales » et des monnaies virtuelles. Il existe des monnaies numériques non cryptographiques, telles que les Mile’s d’une compagnie aérienne ou des coupons de réduction, des monnaies numériques non virtuelles – des euros dans un compte en banque – et des monnaies virtuelles non numériques, comme les monnaies locales, presque toutes au format papier ».

Parmi les crypto-monnaies, le bitcoin occupe à lui-seul plus de 90 % du marché. Derrière cet anglicisme formé à partir du mot « bit » (unité de mesure informatique) et « coin » (monnaie) se cachent à la fois une monnaie et une technologie. Et si le protocole et le logiciel informatiques permettant les échanges de bitcoins datent de 2009[i], il a fallu attendre mai 2015 pour que le terme bitcoin entre dans les dictionnaires français Petit Robert et Larousse.

Une innovation portée par la blockchain

La technologie bitcoin repose sur l’inscription, dans une comptabilité ouverte, de blocs d’informations relatifs aux échanges de valeur entre deux personnes. Cette base de données partagée par tous les acteurs du système de cryptage, appelée « blockchain » (chaîne de blocs) permet d’établir un historique horodaté de toutes les transactions, chaque bloc contenant l’historique des transactions des dix dernières minutes. Toute personne le possédant a connaissance de l’état de chaque compte du système. Seule la puissance de calcul de milliers d’ordinateurs, répartis à travers le monde et travaillant ensemble en mode peer-to-peer, peut valider la fiabilité et la non-manipulation des transactions. En échange de la puissance de calcul qu’ils ont déployée pour vérifier la régularité des transactions, les membres du réseau, appelés « mineurs », reçoivent des bitcoins. Toutes les transactions confirmées par les mineurs sont incluses dans la chaîne de blocs.

Cet accès libre à la comptabilité ouverte permet d’en reconstituer l’historique et de déterminer qui possède quoi à un moment donné, sans nécessiter le contrôle d’une quelconque autorité centrale, ni le recours aux intermédiaires habituellement chargés de s’assurer du bon déroulement des transactions financières.

Si la capitalisation actuelle (environ 6 milliards de dollars) ne représente qu’une part infime des échanges, certains prédisent un avenir radieux au bitcoin, comme l’affirme Cyril Fievet, auteur de Comprendre Bitcoin et les autres monnaies alternatives, sur son blog : « Bitcoin sera à la monnaie de demain ce que l’email est à l’Internet d’aujourd’hui », en raison notamment de la rapidité des transactions (quelques minutes), de la sécurité procurée par l’encryptage des informations, mais aussi de son organisation générale puisque tout est public : les protocoles de base, les algorithmes cryptographiques utilisés, les programmes les rendant opérationnels et les données des comptes.

Comment ça marche ?

Un algorithme informatique est programmé pour générer les bitcoins en continu toutes les dix minutes et à un rythme décroissant afin d’éviter le risque d’inflation, sachant que le nombre total de bitcoins en circulation ne pourra pas excéder 21 millions d’ici à 2040. Au 21 septembre 2015, 14,6 millions de bitcoins ont été émis.

Une fois émis, les bitcoins peuvent être stockés sur une clé USB, un ordinateur ou un téléphone portable. Ils s’échangent de personne à personne (particulier ou entreprise), contre un bien ou contre d’autres devises monétaires (euro, dollar, yen…), en-dehors des réseaux bancaires traditionnels.

De nombreuses plateformes de trading permettent de convertir des dollars ou des euros en bitcoins (comme Paymium en France, qui vient de lever 1 million d’euros). Cette place de marché, prestataire de services de paiements en bitcoins – donc agréée par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), propose également des solutions pour les commerçants et les processeurs de paiements leur permettant d’accepter les paiements en bitcoins, tout en s’affranchissant des risques de change et en réduisant les frais de transaction.

Pour payer avec des bitcoins, il suffit d’installer un portefeuille Bitcoin sur son ordinateur ou son téléphone portable. « Chaque utilisateur a une adresse (suite de chiffres et de lettres) liée à un portefeuille ou trousseau de clé (nommé wallet) qui vous permet d’accéder à vos fonds, détaille David Latapie. L’argent ne se trouve pas dans votre portefeuille, mais sur la blockchain ».

Il existe des centaines de crypto-monnaies dans le monde. Le site coinmarketcap.com en recense plus de 600. Voici les explications pour deux d’entre elles, qui ont pour avantage d’apporter des solutions à quelques-unes des limites de Bitcoin : Neucoin et Monero.

Neucoin, la monnaie « sociale » et Monero, la monnaie « anonyme »

La crypto-monnaie Neucoin est destinée à faciliter les échanges de petits montants, inférieurs à 1 dollar, de type pourboire, pay-per-view, donations, etc., entre internautes, ce que ne permettent pas les autres moyens de paiement. « NeuCoin fonctionne sur le principe de Proof of Stake (PoS), explique Sandrine Ayral, directrice marketing. Plus qu’une nouvelle crypto-monnaie, NeuCoin se veut un écosystème entier de services destinés aux consommateurs. Tout utilisateur qui détient de cette monnaie participe à en sécuriser le réseau et se voit récompensé par l’attribution de nouveaux coins, un peu comme un compte bancaire rémunéré ». Ses quatre fondateurs américains, suédois et français visent le million d’utilisateurs dès la première année. Ils ont lancé leur portefeuille MyNeuCoin en septembre 2015 qui sera suivi prochainement par GetNeuCoin, destiné à expliquer la crypto-monnaie en attribuant à chacun quelques pièces de monnaie gratuitement.

Quant à Monero (pièce de monnaie en espéranto), il s’agit d’une crypto-monnaie qui fonctionne de manière similaire à bitcoin tout en réglant plusieurs de ses problèmes. « Elle préserve le secret bancaire de ses possesseurs, grâce à une chaîne de blocs opaque dotée d’une clé de visionnage pour pouvoir lever le secret bancaire uniquement pour les personnes que l’on souhaite, et a la capacité de soutenir les volumes de transaction des cartes bancaires (2 000 par seconde pour Visa, contre une dizaine pour Bitcoin). Bien qu’elle soit en version beta, Monero fonctionne déjà et l’argent est parfaitement sécurisé. Elle a pour objectif être opérationnelle pour les marchands en 2016 », affirme David Latapie. Bien que Monero soit un projet open source comme bitcoin, il est orienté par un comité directeur de 7 personnes dont David Latapie et Riccardo Spagni.

Des intérêts, mais aussi des risques…

Outre les personnes non bancarisées, qui peuvent ainsi effectuer des transactions électroniques avec des coûts de transactions très bas, de nombreux autres acteurs peuvent y trouver un intérêt, en particulier les marchands, payés instantanément et pratiquement sans frais avec une garantie de paiement puisqu’il n’y aucun moyen d’annuler la transaction, et les e-commerçants car le système est universel et permet d’aborder facilement de nouveaux marchés.

Ces avantages ne doivent pas masquer les risques encourus, notamment l’absence de protection règlementaire pour couvrir les pertes en cas de défaut ou de cessation d’activité de la plate-forme qui gère l’échange ou le stockage des bitcoins, l’absence de garantie de remboursement et de recours en cas de vol et les risques financiers liés à la forte volatilité du cours.

D’après l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), 80 % des bitcoins en circulation seraient possédés par 5 % des détenteurs. Fin 2013, 30 % des bitcoins en circulation étaient détenus par des personnes vivant en Chine, et 9 % en Europe (lire « Nouvelles monnaies : les enjeux macro-économiques, financiers et sociétaux », avril 2015).

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« Ne pas avoir de stratégie bitcoin ou blockchain, c’est comme ne pas avoir de stratégie Internet en 1999 »

Acheter des bitcoins certes, encore faut-il pouvoir les stocker et les échanger en toute sécurité. C’est l’objectif de la nouvelle Ledger, société française de 15 personnes née à Paris début 2015 suite à sa fusion avec La Maison du Bitcoin et BTChip, et spécialisée dans les portefeuilles de stockage et de transactions pour bitcoin sécurisés par carte à puce.

A quoi sert Ledger ?

Ledger répond à une problématique de protection : le détenteur de bitcoins possède une clé privée cryptée qui, une fois associée à une clé publique, autorise la signature et le règlement des transactions. Si vous perdez cette clé privée, vous perdez vos bitcoins ! Grâce à Ledger, les clés privées ne sont jamais exposées dans l’ordinateur ou sur le cloud au moment où elles doivent être décryptées puisque la signature du paiement se fait à l’intérieur du port USB.

Où en êtes-vous dans votre activité ?

La société a démarré son activité début 2015 et a réussi à lever 2,5 millions d’euros, ce qui nous a permis de développer nos exportations dans 70 pays et de devenir le leader mondial dans les solutions de sécurité des échanges bitcoins. Nous avons ouvert des bureaux à San Francisco afin de nous rapprocher des utilisateurs de nos solutions, plus nombreux outre-Atlantique.

Le bitcoin a-t-il un avenir ?

Même si aujourd’hui, personne ne peut affirmer que l’usage du bitcoin va se développer rapidement, il est certain que, d’ici à cinq ans, les crypto-monnaies vont prendre une part plus importante dans les échanges. Pour toutes les entreprises ayant des liens avec le système financier, ne pas avoir de stratégie bitcoin aujourd’hui, c’est comme ne pas avoir de stratégie Internet en 1999. Il leur faut comprendre ce qu’est une crypto-monnaie comme le bitcoin.

[i] La première version du logiciel a été publiée début 2009 par son inventeur, Satoshi Nakamoto (pseudonyme pour une plusieurs personnes).

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