La ville fluide – Harmoniser les transports

tramway-iphone-smart-city-transport-article Routes congestionnées, transports en commun bondés, correspondances intermodales inopérantes… Avec les nouveaux outils de la smart mobility, tous ces dysfonctionnements pourraient appartenir bientôt au passé.

Imaginez une ville où, pour organiser votre déplacement d’un point A à un point B de la façon la plus pratique, en fonction du temps qu’il fait et sans exclure aucun moyen de transport, même le covoiturage, il vous suffise de faire la demande sur votre smartphone ? Cette ville, c’est Helsinki, qui prépare un système de mobilité intermodale « à la demande », avec lequel il ne faudra effectivement rien de plus qu’un téléphone pour tout planifier, jusqu’à la facturation. En s’attaquant à l’une des principales causes de stress des citadins, ce type de « mobilité intelligente » est sans doute le volet le plus prometteur de la smart city. Le plus connu des usagers en tout cas, les collectivités n’ayant de cesse de communiquer dans ce domaine.

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Oh ! C’est la voiture sans conducteur de Google. Je ne gère pas sa vitesse.

 

 

Applications pour tramway, bus, vélo …. 

A Toulouse, le réseau de transports en commun Tisseo s’est ainsi offert les services ScreenHunter_145 Apr. 10 15.24 de Capgemini pour le développement d’une nouvelle application mobile de transport multimodal. Métro, tramway, bus et VélôToulouse : rien n’a été oublié dans le calcul d’itinéraires, le plan interactif, les horaires en temps réel et les alertes destinées à faciliter la vie des habitants de la ville rose. « Il y a énormément d’applications pour smartphone lancées autour de la mobilité, du stationnement, mais bon nombre d’entre elles se développent sans interaction avec les collectivités, peu habituées à gérer directement l’innovation », déplore toutefois Jean-Marc Molina, directeur des conférences du salon Innovative City 2015, à Nice. Parmi les outils logiciels qui font ainsi le buzz auprès des automobilistes, on peut citer l’application mobile de navigation GPS Waze, qui comptait déjà plus de trois millions d’adeptes en France l’année dernière. « Après avoir saisi leur adresse de destination, les utilisateurs conduisent tout simplement avec l’application ouverte sur leur téléphone pour contribuer passivement aux données de trafic routier… », peut-on lire sur le site de cette startup récemment rachetée par Google. Informé de la localisation et de la vitesse instantanée de tous les utilisateurs connectés, le système scrute les bouchons et propose alors l’itinéraire le plus rapide. « L’information délivrée est plus précise et plus réactive que celle obtenue à partir des capteurs mis en place par les collectivités territoriales, reconnaît François Ménard, chargé de mission au Plan urbanisme construction architecture (Puca). Mais il faut être bien conscient du fait que l’utilisation de ce type de dispositif peut aussi aller à l’encontre des stratégies élaborées par les pouvoirs publics en termes d’équilibre des territoires, voire créer de nouveaux engorgements… » Pour ne pas en arriver là, l’idéal serait que les collectivités essaient elles-mêmes de fluidifier le trafic. Et c’est ce qu’elles font, bien entendu. A Montréal (Canada), le centre de gestion de la mobilité urbaine (CGMU) fait ainsi appel à pas moins de 200 caméras (700 à terme) dédiées à la surveillance de la circulation. Idem à Santander en Espagne, sauf que dans le cadre du programme européen Ear it, ce ne sont pas des caméras, mais des centaines de microphones qui ont été déployés dans les principales artères de la cité espagnole. Dans les deux cas, les données recueillies sont utilisées pour le contrôle temps réel de la signalisation, avec la possibilité pour Santander d’ouvrir automatiquement la route aux véhicules prioritaires repérés par leurs sirènes.

Une circulation plus intelligente 

Éviter les engorgements, rendre la route praticable quelles que soient les circonstances : c’est également l’objectif du projet Grizzly mené par le Grand Lyon et la start-up Hikob autour des problématiques d’enneigement et de verglas. Plutôt que de s’appuyer sur les seules prévisions météo afin de déclencher (ou pas) le coûteux dispositif de viabilité hivernale (salage, etc.), l’idée est d’affiner localement les pronostics grâce à des capteurs de température et d’humidité installés dans les rues, ou même logés directement dans la chaussée. Ces capteurs transmettent leurs mesures par radio jusqu’à une passerelle qui, elle-même, les transfère sur une plate-forme de restitution accessible via une application Web. Les interventions des agents, si elles s’avèrent nécessaires, ont lieu au bon moment… et seulement aux bons endroits. 

La route sera sans doute plus intelligente à l’avenir, mais les usagers aussi. Pour preuve l’intérêt suscité par les solutions de covoiturage analogues à celle de Ways-up, jeune pousse incubée au sein du programme « Mobilité connectée » lancé par Renault et Paris&Co. Spécificité de cette offre en particulier : elle cible les trajets domicile-travail avec une traçabilité rendant possible le remboursement partiel des frais par les employeurs. Dans cette même logique de mutualisation des biens, il y a bien sûr l’auto-partage : Autolib à Paris, Mobizen en Île-de-France, ou encore réseau Citiz en province. Sans parler des initiatives plus expérimentales comme le service d’autopartage « smart grid ready » Sunmoov, à Lyon. Des systèmes tous différents (restitution de la voiture dans n’importe quelle station pour Autolib’ ; seulement dans la station de départ pour Mobizen ; recharge photovoltaïque pour Sunmoov…). Mais, dans tous les cas, de nombreux kilomètres « non roulés » (1 849 000 km par mois avec Autolib’, 308 000 km par mois avec Mobizen selon une étude du cabinet 6t), pour le plus grand bien des villes.

Si le service Autolib’, notamment, rencontre un tel succès (43 000 abonnés actifs début 2014), ce n’est sans doute pas tant en raison du caractère non polluant des véhicules prêtés, qu’à la densité du réseau (pas un parisien à plus de 370 mètres d’une station) et à la résolution de l’épineux problème du stationnement urbain. Un sujet qui inspire d’ailleurs de nombreux développements applicatifs, aussi bien du côté des grands groupes que des jeunes créateurs d’entreprises. CamPark, par exemple, projette d’utiliser les flux vidéo des caméras de surveillance installées dans les lieux publics pour localiser les places vacantes. Sans aucune caméra ni détecteur de présence, l’application « Path to park » du gestionnaire d’horodateurs Parkeon repose, quant à elle, sur une analyse statistique de l’historique de chaque place pour déterminer sa probabilité d’occupation à tout instant, et en informer les automobilistes. Une approche big data qui peut être encore fiabilisée avec la prise en compte « manuelle » d’événements locaux tels que les concerts ou les expositions.

Mais il ne fait aucun doute que pour de plus en plus d’élus, la ville intelligente, c’est à terme la ville sans voiture. Restent alors les transports en commun… et le vélo. « On a beau connaître ses avantages pour la ville, ils sont pour l’instant difficiles à quantifier, ce qui constitue un obstacle pour le développement de sociétés comme la nôtre », analyse Denis Mercat, cofondateur de Smoove, spécialiste du vélo en libre-service. Pour convaincre au-delà des 22 villes qu’elle a déjà équipées dans le monde, l’entreprise vient donc de raccorder ses vélos à la plate-forme Internet ThingWorx de PTC. Une entrée de plain-pied dans le monde des objets connectés, grâce à laquelle Denis Mercat entend bien démontrer tout le potentiel de ses deux-roues.

Récupérer les données des usagers

Et du côté des transports en commun ? « Les services concernés rechignent parfois à communiquer toutes les informations qui pourraient être utiles à la communauté pour faciliter l’intermodalité », soupire Catherine Dehaene, présidente du groupe thématique Ville Numérique au sein du pôle System@tic. Qu’à cela ne tienne ! De nos jours, quand il manque un renseignement, il suffit d’aller le chercher auprès des possesseurs de smartphone. C’est ce que fait Orange avec Flux Vision, un dispositif capable d’évaluer les flux de personnes en se basant sur les données techniques anonymisées des réseaux de téléphonie mobile. « Dans le domaine des transports, Flux Vision permet d’obtenir des informations stratégiques que l’on n’aurait pas autrement : il y a des tests en cours avec le Stif et la RATP », précise François Duquesnoy, directeur adjoint du programme Smart Cities d’Orange Business Services.

Récupérer les données de géolocalisation fournies en temps réel par les usagers et les pondérer avec une multitude d’autres paramètres (affluence type dans les gares, heure et jour de la semaine, météo, etc.), c’est aussi ce que fait la start-up Snips pour l’application Tranquilien, réalisée en partenariat avec la SNCF. Avec au départ un objectif aussi simple qu’ambitieux : prévoir très à l’avance, à l’aide d’un modèle mathématique, dans quel train de banlieue et même quelle voiture l’usager pourra disposer à coup sûr d’une place assise. Et cela fonctionne : 85 % de précision une semaine à l’avance, promet Rand Hindi, fondateur de Snips.

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