Massimo Magnifico (Euratechnologies) : « Moins d’argent et plus d’accompagnement pour les start-up »

Avec plus de 300 entreprises hébergées, Euratechnologies est l’un des écosystèmes de start-up les plus importants de France. Alliancy s’est entretenu avec le directeur des Opérations, Massimo Magnifico, pour faire le point sur l’état du marché après la crise sanitaire et les moyens pour préserver les start-up. 

Massimo Magnifico, directeur des Opérations d'Euratechnologies.

Massimo Magnifico, directeur des Opérations d’Euratechnologies.

Alliancy. Quel impact de la crise avez-vous remarqué sur l’écosystème de la FrenchTech ?

Massimo Magnifico. Il y a eu des effets différents selon les catégories de start-up concernées. Certaines ne disposaient pas de valeur assez forte et auront de grandes difficultés au cours des prochaines semaines – si ce n’est pas déjà le cas. D’autres étaient bien placées sur leur marché mais ont été fragilisées par la crise notamment sur des activités qui nécessitent l’accueil du public comme les cinémas ou encore les centres commerciaux. Enfin, quelques-unes d’entre elles étaient très bien positionnées sur le long terme et opéraient sur un secteur peu impacté par la crise comme l’éducation, la santé, la maintenance à distance …

Dans notre écosystème il y a environ 30 % d’entreprises qui sont concernées par des difficultés. Soit elles ont été touchées de plein fouet par manque de maturité ou à cause d’une trésorerie fragile. Parfois même, certaines entreprises présentaient un bon positionnement, mais n’ont pas pu obtenir de prêt garanti par l’Etat (PGE). Nous avons eu par exemple une entreprise très rentable sur le secteur de l’événementiel, mais non-éligible au prêt garanti par l’Etat pour des raisons juridiques et financières.

Ce secteur de l’événementiel a d’ailleurs affiché un bilan catastrophique …

Massimo Magnifico. Le secteur de l’événementiel a été sérieusement impacté et ne retrouvera sûrement pas une activité normale avant la fin de l’année. Mais nous avons aussi vu une capacité d’adaptation sans précédent grâce aux solutions numériques et l’explosion des plateformes collaboratives.

Chaque crise amène son lot d’opportunités. En mai dernier nous avons reçu 52 nouveaux porteurs de projets. Signe que de nouvelles opportunités ont émergé sur des sujets qui n’existaient pas de manière si significative avant la crise, tels que la mobilité, le télétravail, le Flex Office, la santé … Je ne crois pas à un recul de l’envie d’entreprendre, je pense au contraire que des personnes ont pris le temps de réfléchir pour se lancer. 

Côté levées de fonds, sentez-vous les investisseurs plus frileux aujourd’hui ?

Massimo Magnifico. Les grands fonds VC (Venture Capital) français et européens disposent d’un large portfolio d’investissements dans des start-up. Étant donné qu’ils ont déjà investis, c’est dans leur intérêt de ne pas les voir couler. Nous allons peut être constater quelques retraits mais nous pouvons quand même remarquer des grandes levées de fonds comme celle de 70 millions d’euros réalisée par Swile la semaine dernière. 

Nous continuerons donc à avoir des investissements importants mais il y aura peut être plus de difficultés sur les petits tickets. Ces start-up là ne sont pas toutes dans la même situation financière et opèrent souvent dans un marché très concurrentiel. Cette situation les fragilise notamment dans le processus de négociation des fonds. D’autant plus que pendant le confinement quelques fonds opportunistes ont profité de cette faiblesse financière pour faire valoir leurs intérêts. Cela reste heureusement exceptionnel et la majorité des fonds travaillent évidemment sérieusement.

Avez-vous des conseils à donner pour mieux surmonter la crise économique à venir ?

Massimo Magnifico. Tout dépend de la stratégie de l’entreprise, si les co-fondateurs détiennent tout le capital et s’il existe une perspective internationale qui tienne. Sur ce dernier point il serait d’ailleurs judicieux de la préparer. Il faut garder un certain pragmatisme et ne pas être obtus face à une perte financière. Tout l’enjeu est de choisir un investissement en fonction de l’accompagnement que vous pouvez y tirer. Il vaut mieux lever moins d’argent et favoriser un accompagnement de meilleur qualité, avec un fonds qui met à disposition des experts des marchés visés.

Des secteurs sont-ils maintenant plus porteurs que d’autres ? 

Massimo Magnifico. La EdTech, par exemple. C’est un des derniers secteurs à très forte valeur ajoutée qui est encore en retard en termes de digitalisation. C’est une grande opportunité à saisir pour aider les enseignants, sans disrupter le modèle. Idem pour les secteurs qui ont prouvé leur caractère vital pendant la crise comme ceux de la santé et de la distribution alimentaire. 

Enfin, l’industrie du textile a été très vulnérable ; certains acteurs ont perdu quasiment 100 % de leur chiffre d’affaires. Et la différence est nette entre ceux qui avaient prévu une stratégie digitale robuste et ceux qui ont simplement mis en ligne un site web peu représentatif de leurs offres. Il y a là encore des initiatives à prendre pour rattraper le temps perdu.

Quelle stratégie voyez-vous pour Euratechnologies dans les mois à venir ? 

Massimo Magnifico. Nous n’avons pas prévu de repositionnement, ni sur nos thématiques, ni sur nos principes de fonctionnement des verticales. Deux nouvelles verticales, prévues initialement en mai, vont même être lancées en septembre pour couvrir le domaine des proptech et des médias. 

Notre incubateur FALC fonctionne très bien, mais la manière dont nous accompagnons les projets doit être repensée. Le contact humain et la densité des porteurs de projets au même endroit ont toujours été la base de notre démarche. C’est pourquoi nous devons évoluer sur ces sujets et prévoir un accompagnement à distance. C’est d’ailleurs ce que nous avons mis en place en mai et nous pensons que c’est primordial de continuer ce dispositif en complément du présentiel. 

Les services proposés à distance sont source de contenus additionnels pour les porteurs de projet. Par exemple, un entrepreneur dans le domaine agricole accueilli en présentiel peut aller chercher du contenu en ligne sur d’autres verticales comme le e-commerce. Pour nous, c’est aussi un moyen d’accompagner des entrepreneurs issus d’autres territoires en Ile-de-France car jusqu’à présent, tout ce travail se faisait exclusivement sur site. 

La crise est-elle une opportunité pour les grands groupes afin de gagner en agilité ? 

Massimo Magnifico. Il y a une grande partie qui avait déjà sauté le pas. PSA, par exemple, avait notamment travaillé avec nous il y a 6 ou 7 ans sur leur stratégie digitale. Et pendant la crise, nous avons pu remarquer à quel point ils ont réussi à passer en mode remote sans aucun souci. 

Pour les secteurs en retard comme l’industrie du textile, les entreprises se sont rendues compte qu’elles n’avaient pas d’autres choix que d’accélérer sur le sujet. Tout le monde ne va pas s’en sortir de la même manière mais il est sûr que les solutions seront d’ordre financier et technologique. Les grands groupes ont depuis longtemps considéré la transformation numérique comme une obligation mais il est aujourd’hui absolument urgent d’accompagner les PME et les ETI  pour leur faire prendre conscience du potentiel de business que le numérique peut apporter. C’est un enjeu prioritaire pour aider ces entreprises à se transformer durant les prochains mois, qui annoncent une récession.