[#TrumpBanned] De médias sociaux à médias traditionnels

Ces derniers jours, la fermeture d’un grand nombre de comptes virtuels sur lesquels s’exprimait Donald Trump a été décidée unilatéralement par les géants du Net. Une offensive inédite qui interroge sur la politique de modération de ces plateformes et leur réel pouvoir dans la sphère publique.

fermeture d’un grand nombre de comptes virtuels sur lesquels s’exprimait Donald Trump Donald Trump s’est toujours servi des réseaux sociaux pour communiquer durant son mandat. Libre de s’exprimer, il l’aura été jusqu’au 8 janvier dernier, date à laquelle Facebook et Twitter (suivis de bien d’autres) ont décidé de suspendre de façon permanente ses comptes. Il est depuis inaudible. Seuls ses tweets de « fausses informations » avaient été jusque-là encadrés de messages d’avertissement (avec peu d’impact sur la viralité de leurs contenus !) ou bannis uniquement pour certains d’entre eux.

 

« Without the tweets, I wouldn’t be here. I have over 100m [followers]. I don’t have to go to fake media »

Donald Trump, Financial Times, 2 avril 2017.

Ce changement de paradigme a depuis fait couler beaucoup d’encre (@Potus, le compte officiel du président des Etats-Unis reste toutefois accessible), à commencer par les réactions des gouvernements français et allemand jugeant ces blocages problématiques pour la liberté d’expression. En France, la loi Avia vise pourtant à lutter contre les contenus haineux sur internet… et le fait est que « c’est avant tout sur internet que recrutent les extrêmes droites et Islamistes radicaux. »

Un président, un citoyen lambda

Alors, les réseaux sociaux sont-ils un espace public ou privé ? Leurs « CGU » (conditions générales d’utilisation) indiquent clairement les règles… que Donald Trump a bien outrepassées sur son compte « personnel ». Les juges américains ont d’ailleurs plusieurs fois réaffirmé cette interprétation du premier amendement et rejeté des recours divers de personnalités contre ces plateformes. Reste, rappelle certains, qu’il s’agit là du compte du président des Etats-Unis… Ce n’est pas l’avis de Facebook : « Notre règlement s’applique à tous, vient de rappeler Sheryl Sandberg, numéro 2 du groupe. (…) Nous avons retiré des publications d’autres dirigeants internationaux et d’autres responsables politiques. (…) Cela montre que même un président n’est pas au-dessus de notre règlement. »

En réaction, Donald Trump a déclaré vouloir créer sa propre plateforme et cherche depuis à mettre au pas ces géants… estimant qu’ils puissent être poursuivis « en justice pour leurs contenus ». En agissant de la sorte, ces réseaux ont en effet adopté la position d’un média traditionnel, poussant dans la foulée les Apple, Google et Amazon Web Services à prendre la décision, dans une même logique éditoriale, de bloquer le réseau social « Parler* », très prisé des partisans de Donald Trump, comme pour Amazon de retirer tous les produits Qanon de la vente. Une première à cette échelle !

Aux Etats donc de légiférer désormais en les considérant comme tels (c’est-à-dire responsables des contenus qu’ils accueillent, et non plus comme de simples fournisseurs d’accès ou hébergeurs) et « d’inventer une nouvelle forme de supervision démocratique » si tant est possible. Et aux politiques enfin de se montrer exemplaires quand ils s’adressent à des milliards d’individus… car on ne récolte que ce que l’on sème.

* Le réseau social Parler a porté plainte lundi 11 janvier contre Amazon. « Cela va tuer l’entreprise – au moment même où elle montait en flèche », écrit l’entreprise dans sa plainte.