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« Avec ESTIA, l’Europe doit enfin peser dans la souveraineté numérique »

 

À l’heure où l’aéronautique et la défense basculent vers le cloud, l’IA et les jumeaux numériques, l’industrie appelle l’Union européenne à clarifier les règles du jeu. En marge du Sommet franco-allemand, Pascal Belmin, responsable des affaires réglementaire et aéronautique de l’UE pour le groupe Airbus, se fait porte-voix de la nouvelle alliance ESTIA et plaide pour un cadre commun permettant à l’Europe de reprendre la main sur ses technologies critiques et de peser dans les arbitrages législatifs à venir.

 

Pourquoi parler de souveraineté numérique ?

 

La souveraineté numérique n’est plus un débat abstrait. Pour notre industrie – aéronautique, défense, spatial – c’est devenu un sujet clé. Nos priorités sont claires : décarboner nos activités, augmenter nos cadences de production et répondre à la montée des enjeux géopolitiques. Tout cela repose désormais sur des solutions numériques avancées, qu’il s’agisse de cloud, d’intelligence artificielle ou de jumeaux numériques.

 

Concrètement, quels domaines sont concernés ?

 

Pratiquement toute la chaîne. Les jumeaux numériques pour optimiser la production, la chaîne d’approvisionnement ou la maintenance. Les outils d’automatisation pour renforcer la sécurité, par exemple avec des avions capables d’atterrir ou décoller seuls. La gestion du trafic aérien, qui, une fois entièrement numérisée, peut contribuer à réduire jusqu’à 10 % des émissions du secteur.
Et dans la défense, nous passons de simples équipements isolés à de véritables systèmes de combat intégrés, alimentés par le cloud et par la circulation de données sensibles. Dans tous ces cas, nous avons besoin d’un cadre souverain et maîtrisé.

 

Vous évoquez aussi une accélération législative. Pourquoi est-ce structurant ?

 

Dans les deux ou trois ans à venir, plusieurs textes européens vont redéfinir ce qu’est la souveraineté numérique et comment l’appliquer : le Cloud and AI Development Act, la révision du Cyber Security Act ou encore les futurs standards EUCS pour le cloud souverain.
Ces textes vont clarifier ce que signifie “acheter souverain”, notamment pour les usages publics de l’IA ou du cloud. C’est essentiel, car les entreprises comme les États ont besoin d’un point de repère commun pour savoir à qui faire confiance sur des besoins sensibles.

 

Qu’est-ce que cela change pour un acteur industriel comme Airbus ?

 

Beaucoup de choses. Notre chaîne de valeur est européenne, nos fournisseurs aussi. Nous avons besoin que l’Europe définisse des règles communes, non pas pays par pays, mais à l’échelle du continent.
Cela suppose un travail collectif. Les sensibilités nationales existent, et elles sont légitimes, mais il faut trouver un chemin partagé. Ce débat législatif va être exigeant, sous pression géopolitique, mais indispensable.

 

Comment comptez-vous peser sur ces débats ?

 

Nous avons décidé de nous organiser. C’est pourquoi nous annonçons aujourd’hui ESTIA : European Sovereignty Technology and Industrial Alliance. Une coalition européenne que nous lançons avec Sopra Steria, OVHcloud, Dassault Systèmes, Deutsche Telekom, A1, Orange, le groupe allemand Schwarz, Telecom Italia, et d’autres encore.
L’idée est simple : parler d’une seule voix et peser dans le débat public et législatif européen. Nous allons désormais étendre largement cette alliance. Tous les acteurs qui partagent cette vision de la souveraineté numérique sont invités à nous rejoindre. Nous voulons un mouvement ouvert et représentatif, capable d’influencer durablement le cadre européen.

 

Un dernier mot ?

 

La souveraineté numérique n’est pas un slogan. C’est une condition de compétitivité, de sécurité et de résilience pour toute l’industrie européenne. Si nous voulons rester maîtres de nos technologies, de nos données et de nos chaînes de production, c’est maintenant qu’il faut agir.

 

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