Le Campus du numérique public apprend en marchant

Lancé officiellement par la Direction interministérielle du numérique (Dinum) le 9 janvier, le Campus vise à fédérer, animer et rendre plus accessibles les offres de formation au numérique au sein de l’État, que ce soit pour donner des perspectives aux experts de sa filière IT, pour acculturer les directeurs d’administration, ou pour reconvertir des agents vers de nouveaux métiers.

Le lancement officiel du Campus du numérique public, mardi 9 janvier, ne s’est pas fait sans surprises. Près de 200 directeurs d’administration centrale étaient invités dans le 6e arrondissement de Paris pour une journée au sein de l’Institut national du service public (INSP, qui a remplacé l’ENA depuis 2022). Les ministres Stanislas Guerini (Fonction publique) et Jean-Noël Barrot (Transition numérique) devaient y détailler publiquement le programme et les ambitions du Campus, nouvelle initiative de la Direction interministérielle du numérique (Dinum) pour former « plus et mieux » au numérique au sein de l’État.

Attente de remaniement oblige, les ministres n’ont finalement pas fait le déplacement et ont été remplacés en matinée par une présentation de Thomas Houy, maître de conférences à Télécom Paris, détaillant à quel point vouloir se transformer avec le numérique peut être contre-intuitif et surprenant. L’autre grand absent de la journée était Yann Le Cun. Le tenor de l’IA était annoncé en duplex depuis New York pour un atelier dans l’après-midi, mais n’a pas pu se connecter, obligeant la Dinum à reprogrammer l’exercice dans quelques semaines.

Malgré les aléas, les participants ont exprimé leur satisfaction à main levée à la fin de la journée. « Nous avons eu des retours très élogieux à chaud et nous attendons les retours d’expériences à froid pour nous améliorer encore. Nous avions déjà appris d’une session test en plus petit comité en novembre dernier et nous changerons encore quelques éléments pour la dernière session en mars », commente Cornelia Findeisen, cheffe du département RH de la filière numérique de l’État, au sein de la Dinum.

Aller au-delà de la filière numérique de l’Etat

Depuis sa création l’an dernier, le département RH de la Dinum est à pied d’œuvre pour relever les défis de la nouvelle stratégie numérique de l’État comme l’a rappelé Stéphanie Schaer, la directrice interministérielle du numérique. Le Campus du numérique public se présente ainsi comme un catalyseur pour débloquer les enjeux de montée en compétences, de recrutement et de fidélisation au sein de l’État. Avec l’objectif ambitieux de toucher tous les agents, et pas seulement ceux déjà engagés dans la filière numérique.

« L’acculturation des directeurs d’administration centrale, qui sont les deux cents « top managers de l’État », est clé pour qu’ils soient beaucoup plus sensibles à ces problématiques d’évolution avec le numérique dans leurs équipes », note Cornelia Findeisen. Après la phase de lancement, l’année 2024 se découpera donc pour eux entre phases de projection et d’approfondissement. « Nous allons leur proposer un véritable menu, avec par exemple des visites d’entreprises et des rencontres de projets emblématiques du numérique, comme les start-up d’État. ». Une journée de clôture à l’automne proposera un bilan de ce cycle, afin de donner des perspectives pour les mois suivants. « L’idée n’est évidemment pas de les transformer en « geeks » d’un coup, mais de les familiariser avec des enjeux qui concerneront ensuite leurs chefs de service et sous-directeurs, qui sont très challengés pour accompagner les attentes des équipes sur le terrain : ce sont eux que nous formerons ensuite, car ils font souvent la différence pour rendre les ministères attractifs et pour fidéliser. » détaille Cornelia Findeisen. Forte d’un parcours très riche et parfois atypique, la « DRH de la Dinum » est convaincue que « si leurs managers ne sont pas au fait du numérique et du management en mode produit, certaines administrations ne seront pas digital friendly, avec un effet important sur la fidélisation des équipes, alors que les talents du numérique sont réputés pour bouger très vite ».

Les reconversions, priorité 2024

Si un focus particulier est porté par le Campus sur la formation des experts de la filière numérique de l’État, au sein de la Dinum autant que dans les directions des systèmes d’information des ministères, la nouvelle initiative se donne donc aussi pour ambition dès 2024 de permettre des premières reconversions venant d’autres typologies d’agents. « Avoir dès cette année plusieurs dizaines de premiers agents engagés sur des parcours de reconversion est un objectif central dans le cadre de la stratégie de réarmement de l’État sur les compétences numériques, au même titre que la mise à jour de la grille des rémunérations. Le recrutement pur ne suffira pas. » souligne la cheffe du département RH de la filière numérique de l’État. Avec l’ambition de faire du numérique un véritable accélérateur de carrière, alors que pendant longtemps ces lignes sur le CV n’étaient pas vraiment valorisées au sein de l’État.

Le Campus du numérique public ne part pas de zéro : il cherche déjà à agréger, à valoriser et à mettre en visibilité, les nombreuses offres de formations existantes au sein de l’Etat et de les faire mieux identifier par des publics différents. La Dinum entend également créer de nouvelles formations en propre ou avec l’aide de partenaires,  mais en gardant l’esprit le plus ouvert et agile possible. « On ne s’interdit pas de faire intervenir des formateurs externes, mais la population des experts du numérique apprécie également d’être dans une vraie communauté apprenante et motivante. On a donc tout intérêt à stimuler cet élan et le partage des savoirs des agents, en leur permettant d’être eux-mêmes formateurs et animateurs. C’est un moyen de personnaliser les formations au plus près des besoins et d’enrichir l’offre par opportunité. » met en avant Cornelia Findeisen. Avant de reprendre l’une des expressions utilisée par Thomas Houy lors de sa présentation devant les directeurs d’administration centrale pour souligner l’importance d’éviter les préconceptions et les objectifs figés : « On va faire notre propre « Product Market Fit » pour les formateurs dans les mois à venir ».