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Chat Control : la tentation de tout surveiller tue-t-elle la confiance ?

 

L’Europe veut imposer aux messageries chiffrées un contrôle systématique des conversations pour lutter contre les contenus pédopornographiques. Une intention louable, mais qui soulève une question plus large : jusqu’où pouvons-nous sacrifier la confidentialité sans fragiliser le socle de confiance sur lequel repose le numérique ?

 

L’Europe a un nouveau projet sur la table : le « Chat Control ». Derrière ce nom qui sonne comme une extension de navigateur, une ambition officielle irréprochable — lutter contre la diffusion de contenus pédopornographiques. Sur le papier, qui pourrait s’y opposer ? Mais c’est dans l’exécution que les experts sonnent l’alarme : plus de 500 cryptographes et chercheurs dénoncent une mécanique qui obligerait les messageries chiffrées à scanner tous les messages, sans exception.

Le problème, ce n’est pas seulement la vie privée. C’est la confiance. Le chiffrement de bout en bout n’a pas été inventé pour protéger des criminels, mais pour garantir aux citoyens, aux entreprises et aux administrations que leurs communications ne deviendront pas des passoires numériques. Si ce verrou saute, tout le pacte social autour du numérique vacille.

Car la logique de la surveillance généralisée est un engrenage. Qui peut garantir que ces systèmes, une fois déployés, ne seront pas exploités à d’autres fins ? Aujourd’hui, on traque les contenus illicites ; demain, on pourrait filtrer l’opinion politique, l’expression syndicale ou la contestation sociale. L’histoire récente nous a montré que les outils de contrôle, quand ils existent, trouvent toujours preneur.

Et puis, il y a le risque technique. Scanner en permanence, c’est introduire des failles : des vulnérabilités exploitables par des acteurs malveillants, des faux positifs qui ruinent des réputations, des faux négatifs qui donnent l’illusion d’une protection sans faille. En informatique, toute « porte dérobée » finit un jour par être forcée. Les DSI le savent bien : on ne sécurise pas en multipliant les serrures, mais en renforçant l’architecture.

En réalité, ce débat dépasse largement le champ de la cybersécurité. C’est un choix de société. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour plus de sécurité ? Quel équilibre voulons-nous entre protection et liberté, entre prévention et confiance ? Comme souvent, l’Europe tente de tracer une voie originale. Mais à trop vouloir protéger, elle risque de briser l’élément le plus fragile et le plus précieux du numérique : la confiance elle-même.

 

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