Claude Bernard, acteur historique de la donnée médicale, lance « Claude Bernard IA », une solution souveraine à destination des éditeurs de santé. Hébergée en France, elle ambitionne d’offrir aux praticiens des recommandations médicales fiables et vérifiables.
Dans un paysage dominé par les géants américains de l’IA, Claude Bernard, référence de la donnée médicale depuis plus de quarante ans, change d’échelle. L’entreprise, connue pour sa base de référence sur les médicaments, lance Claude Bernard IA, un modèle d’intelligence artificielle conçu pour les éditeurs de logiciels de santé. L’objectif : fournir aux professionnels des recommandations médicales fiables et sourcées, directement intégrables dans leurs outils. « Une première étape dans une série d’innovations à venir », déclare Jean-Baptiste Ducasse, nouveau directeur de l’activité. Mais au-delà du produit, l’enjeu est politique : alors que les modèles étrangers s’imposent dans la recherche et la pratique médicale, la France tente d’affirmer un modèle de développement souverain et conforme au cadre européen. Claude Bernard IA repose sur un modèle open source entraîné sur les données propriétaires de la base Claude Bernard, agréée par la HAS. Contrairement aux modèles généralistes comme ChatGPT ou Med-PaLM, l’outil s’appuie sur un corpus exclusivement médical et vérifié. Les données sont hébergées en France, dans un environnement certifié et conforme au RGPD. L’entreprise revendique une approche pragmatique : plutôt qu’un chatbot médical grand public, un moteur d’aide à la décision intégré aux logiciels utilisés en officine, en cabinet ou à l’hôpital. Objectif : réduire les erreurs de prescription et accélérer la recherche documentaire, tout en garantissant la traçabilité des sources.
La souveraineté au cœur des préoccupations
Le lancement intervient dans un contexte de tension autour de la dépendance technologique du secteur de la santé. Depuis la polémique du Health Data Hub, confié à Microsoft, la question de l’hébergement des données médicales françaises est devenue un symbole du débat sur la souveraineté numérique. Avec Claude Bernard IA, la filiale du groupe Cegedim entend démontrer qu’une alternative nationale est possible, conciliant innovation et cadre réglementaire. Cette approche séduit déjà plusieurs éditeurs de logiciels de santé, soucieux de se mettre en conformité avec les exigences de l’Agence du Numérique en Santé et de l’Europe. Reste à voir si cette initiative isolée pourra peser face à la montée en puissance des géants de l’IA médicale, dont les modèles sont massivement entraînés hors du continent. Claude Bernard IA s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’un réveil de l’écosystème français de la e-santé face à la domination américaine. Alors que l’Union européenne cherche à encadrer les usages de l’IA avec l’AI Act, le lancement de solutions locales crédibles pourrait devenir un levier de reconquête. La souveraineté numérique, longtemps considérée comme un argument politique, prend ici un visage concret : celui d’une IA médicale pensée, hébergée et entraînée en France.
