Entreprise de services numériques, Spie ICS recourt à une plateforme ITSM pour gérer les demandes de service et les incidents de ses clients. L’IA pourrait, par exemple, faciliter l’accès aux bases de connaissances et permettre d’« augmenter » les capacités des équipes de support. Directeur de la performance opérationnelle, Yannick Woetter partage sa vision du futur de l’IA générative en matière d’assistance aux utilisateurs.
Cet entretien est extrait de notre Carnet d’expériences sur le thème « Moderniser l’assistance utilisateurs avec l’IA : quelles innovations ont vraiment du sens ? ». Ce recueil d’interviews décrypte des expériences en cours et identifie les innovations qui ont vraiment pour transformer le support avec l’IA. > Téléchargez ce document ici.
Quels services propose Spie ICS et comment êtes-vous organisés pour les délivrer ?
Quelles sont vos principales attentes en matière d’intelligence artificielle ?
Si l’IA prédictive fait partie intégrante de nos solutions de supervision, l’IA générative est déjà particulièrement performante par sa capacité à accéder à l’information. Le couplage des technologies de traitement automatique des langues (NLP) et des grands modèles de langage (LLM) permet de passer à une logique de recherche et d’exploration sémantique. Ainsi, la recherche d’une fiche de connaissance se fait en langage naturel, sans avoir à taper précisément le nom du document. L’IA générative permet également de proposer le résumé d’une fiche, voire de contribuer à sa mise à jour via des recommandations. L’IA générative répond, par ailleurs, aux enjeux du knowledge management, qui vise à structurer l’information et à la faire vivre dans le temps. Notre expertise dans l’intégration de cette technologie nous permet, par exemple, d’accélérer le processus de nettoyage et de préparation d’une base de connaissances en détectant les doublons par rapprochement sémantique. L’IA générative s’assure que les fiches restantes sont structurées de manière cohérente, par chapitres et sous-chapitres. Afin de faciliter l’interrogation des données, nos modèles permettent de convertir massivement des documents du patrimoine de l’entreprise cliente (Word, PDF…) au format JSON [JavaScript Object Notation, NDLR] tout en conservant l’explicabilité d’attributs, tels que les images, les schémas, etc.
Vous insistez sur l’importance de l’expérience utilisateur…
Avec l’entrée des pratiques numériques dans la sphère privée, l’utilisateur final a élevé son niveau d’exigence vis-à-vis de la simplicité d’usage des outils et de l’accès rapide à l’information. Spie ICS est très attentive à l’expérience utilisateur apportée et fait appel à ses propres équipes de design pour ses portails ITSM. La meilleure base de connaissances ne présente, en effet, aucun intérêt si elle n’est pas adoptée. L’expérience de la base de connaissances doit être intuitive et pourrait être proposée directement depuis l’outil utilisé au quotidien, de type Teams ou Slack. Suivant le mode de communication privilégié, un utilisateur pourrait, à terme, poser sa question par écrit et recevoir une réponse audio, ou inversement. Suivant ce même principe de communication omnicanale, il devrait pouvoir ouvrir un ticket d’incident depuis son portail de services, et recevoir une réponse du service desk par SMS, Teams ou sur WhatsApp. Cette relation en mode asynchrone crée plus de fluidité et évite à l’utilisateur d’attendre un appel du support.
Quels peuvent être les apports de l’IA pour le service desk ?
Les apports des technologies d’IA se recentrent autour du parcours de prise en charge de l’utilisateur et du traitement de sa demande. Le premier objectif vise à favoriser l’auto-assistance : en analysant les appels téléphoniques arrivant au support, l’IA pourrait déterminer l’objet de l’appel et, le cas échéant, renvoyer l’utilisateur vers la fiche de connaissance pertinente. Une fois que ce système aurait atteint ses limites, la conversation serait reprise par un agent. Dans tous les cas, l’humain reste dans la boucle, l’IA venant simplement augmenter la capacité du technicien à répondre. Effectuer une analyse sémantique des retranscriptions audio de ces incidents sur un large volume de données permet d’identifier les causes de sollicitations les plus courantes et d’améliorer la base de connaissances. Ces automatisations accélérées par l’IA arrivent progressivement sur le marché. Cela suppose, au préalable, d’embarquer les organisations dans cette démarche afin de mettre à plat leur patrimoine informationnel existant. Toute organisation projetant l’adoption de cette technologie doit anticiper et organiser l’accompagnement de ses équipes. Dès le début 2024, pour sensibiliser ses 3 300 collaborateurs à l’IA générative, Spie ICS a mis à leur disposition une interface sécurisée leur donnant accès à un grand modèle de langage généraliste. Celui-ci leur permet d’analyser des documents, et de générer du texte ou du code.
A contrario, quels sont les freins à l’adoption des modèles d’IA ?
Parce que les fournisseurs d’IA générative se voient confier le traitement de données sensibles de l’entreprise, la localisation de ceux-ci pose un enjeu de souveraineté technologique. En 2025, Spie ICS a toutes les cartes en main pour déployer et exécuter des modèles souverains. Nous utilisons aussi des plateformes et des modèles open source opérés depuis des centres de données français ou européens. En ce qui concerne le défi du numérique responsable, et après une première période d’observation nécessaire pour comprendre les cas d’usage, il convient de recourir progressivement à des modèles de langage plus petits, moins énergivores, mais qui restent extrêmement performants. Progressivement, l’IA se verra confier une fraction des flux opérationnels jusqu’alors exécutés par des humains. Comment, dès lors, garantir un niveau de confiance élevé dans des modèles privés dont on n’a pas supervisé l’entraînement et dont on ne connaît pas précisément les mécanismes de fonctionnement, de logique et de modération ? Chez Spie ICS, les projets d’IA, internes comme clients, sont construits sur trois piliers de confiance : l’exigence de confidentialité, l’observabilité (permettant une compréhension fine des comportements de cette technologie) et l’accompagnement au changement (des directions, du management et des utilisateurs finaux). Après deux ans de retours d’expérience, 2025 est assurément l’année du passage à l’échelle de l’IA générative au sein des processus du service client.
