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Désinformation et ingérences : marquer le réel pour restaurer la confiance

À la REF du MEDEF, la Villa Numeris et le MEDEF ont dévoilé leur plaidoyer « Face à la désinformation et aux ingérences : marquer le réel », présenté par David Lacombled, Virginie Fauvel et quatre experts invités. 

 

« Les campagnes de désinformation ne sont plus un risque abstrait, mais un danger concret pour nos démocraties et nos entreprises. » C’est par ce constat que s’est ouverte la présentation du plaidoyer de la Villa Numeris, en partenariat avec le MEDEF, à la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF). Réunis au salon du court Philippe-Chatrier à Roland-Garros, dirigeants et experts ont rappelé combien la manipulation informationnelle fragilise autant les États que les sociétés privées. Pour Virginie Fauvel, coprésidente de la commission Numérique et Innovation du MEDEF, la désinformation doit être pensée sur le même plan que la cybersécurité : une menace systémique, capable d’ébranler durablement la confiance et la valeur des organisations. 

 

Une guerre mondiale de l’information 

 

L’alerte ne relève pas de la théorie. Les réseaux sociaux et l’IA générative ont démultiplié la portée d’attaques informationnelles à bas coût, utilisées aussi bien par des États que par des groupes organisés. « Nous sommes engagés dans une guerre mondiale de la désinformation », prévient Bruno Breton, fondateur de Bloom, citant l’exemple d’une campagne orchestrée en Chine contre le luxe français, qui a généré 6 milliards de vues en dix jours. Au-delà des fake news spectaculaires, ce sont les traces laissées dans l’opinion qui inquiètent : une réputation entamée, une confiance fragilisée, des courbes boursières inversées parfois pour de bon. Selon les chiffres avancés, 73 % des entreprises françaises ont déjà été touchées d’une manière ou d’une autre. 

 

Miser sur l’interopérable  

 

Face à ces offensives, le plaidoyer avance une stratégie : renforcer la valeur du vrai plutôt que courir après le faux. « L’enjeu n’est pas seulement de riposter, mais de prouver l’authenticité des contenus dès leur production », insiste Jean-Frédéric Farny, directeur général du groupe Aday. Concrètement, cela signifie développer des technologies de marquage invisibles, de registres d’origine et, surtout, favoriser leur interopérabilité à l’échelle internationale. Des initiatives existent déjà, comme le consortium C2PA piloté par Adobe et rejoint par Nikon ou l’AFP, mais elles restent fragmentées. Pour la Villa Numeris, l’Europe a une carte à jouer en promouvant un modèle ouvert et souverain, garant de confiance dans le temps. 

 

Former et mobiliser l’ensemble des acteurs 

 

La technologie seule ne suffira pas. « On parle de guerre informationnelle, il faut donc des armes, mais aussi des femmes et des hommes formés pour s’en servir », souligne Estelle Prusker Deneuville, professeure à Audencia. Les dirigeants comme les salariés doivent être sensibilisés à la détection des manipulations et aux réflexes de communication de crise. Trop souvent, les réseaux sociaux ne sont encore perçus que comme un outil de diffusion, rarement comme un espace de menace. Or, dans un univers où les attaques réputationnelles précèdent parfois les offensives économiques, la formation et la vigilance collective deviennent aussi stratégiques que les solutions techniques. 

 

Une responsabilité démocratique partagée 

 

La bataille de l’information ne concerne pas seulement les entreprises. « Aucune activité ne peut se développer durablement dans un environnement informationnel pollué », rappelle Stella Morabito, directrice générale du syndicat de l’alliance française des industries du numérique (AFNUM), appelant à une coalition des bonnes volontés. La protection de l’espace informationnel touche à la souveraineté, à la démocratie, mais aussi au bon fonctionnement des marchés. L’historien David Colon, membre du Forum économique mondial, insiste sur le caractère systémique : la désinformation est désormais classée comme « risque numéro un » pour les entreprises, car elle conditionne la capacité à relever tous les autres défis – sanitaire, climatique ou économique. 

 

Et après ? Construire la riposte collective 

 

La présentation s’est conclue sur un appel à la mobilisation. Un « acte 2 » est déjà annoncé le 25 septembre chez Onepoint, pour transformer ce plaidoyer en boîte à outils concrète, accessible notamment aux PME. Objectif : organiser la riposte collective, mutualiser les moyens, et intégrer le « marquage du réel » comme standard de confiance. Car si la désinformation prospère dans le chaos, la réponse ne peut être qu’un sursaut de coopération entre entreprises, pouvoirs publics et société civile. Face aux fake news, l’arme fatale ne sera pas l’algorithme miracle, mais la capacité des acteurs économiques à réhabiliter la confiance dans l’information. À condition, cette fois, de ne pas attendre d’être attaqué pour agir. 

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