Le Grand Palais est un lieu « où la culture se célèbre sous toutes ses formes » auprès de tous les publics. Habituellement associé aux expositions artistiques, l’emblématique bâtiment parisien a accueilli les 25 et 26 novembre un événement d’une tout autre trempe : AdoptAI. L’événement international, placé sous le haut patronage d’Emmanuel Macron qui y a fait un passage remarqué, avait pour objectif assumé de promouvoir la démocratisation de la data et de l’IA. Le nom de la rencontre lui-même est sans équivoque : il met en avant le défi de l’adoption, face notamment aux enjeux de confiance qui entourent l’intelligence artificielle générative et agentique. Mais au sein des organisations, une autre petite musique se fait aussi entendre : comment cette adoption se traduit-elle en valeur concrète ? Et les gains de productivité (toujours promis, parfois réalisés) se retrouvent-ils vraiment dans le P&L et la performance financière, une fois tous les effets de bord pris en compte ? Si la génération de valeur a bien lieu, l’identité exacte de ceux qui la capteront in fine continue d’interroger…
La fracture de l’IA générative
Il y a quelques semaines, c’est le MIT qui a mis les pieds dans le plat. La publication de l’étude « The GenAI Divide: State of AI in Business 2025 » (PDF) n’a pas manqué de faire réagir. Elle présente des résultats détonants : « Malgré les 30 à 40 milliards de dollars investis par les entreprises dans l’IA générative, 95 % des organisations n’obtiennent aucun retour sur investissement ». Le rapport indique aussi que la « fracture IA générative » est bien visible, alors que les résultats obtenus sont nettement divisés entre, d’un côté, les acheteurs/utilisateurs et, de l’autre, les acteurs de l’offre qui poussent l’IA (de la startup aux consultants). « Seuls 5 % des projets pilotes d’IA intégrée génèrent des millions de dollars de valeur, tandis que la grande majorité reste bloquée sans impact mesurable sur le compte de résultat », assènent les chercheurs. Autrement dit, les organisations parviennent avec leurs projets d’IA générative à générer parfois de la productivité individuelle, mais la promesse mathématique d’une multiplication de ces effets de productivité pour traduire un gain financier à l’échelle n’est pas tenue. Ou en tout cas, pas pour des organisations de l’économie traditionnelle, et surtout pas dans un pays comme la France.
Licencier ou…
« Si on pousse la logique jusqu’au bout, ces gains de productivité doivent se traduire par le fait de licencier, en bout de chaîne, Serge ou Jeanine. Et on ne le fera pas », confiait récemment le DSI d’une grande entreprise française. La productivité peut accélérer les projets, améliorer la qualité de certaines tâches… mais sans impact sur la masse salariale des grands groupes à moyen terme, pour des raisons réglementaires autant que culturelles. En tout cas chez les utilisateurs hexagonaux. Outre-Atlantique, il en va tout autrement : les leaders de la tech n’hésitent pas à tailler violemment dans les effectifs. Avec 153 000 licenciements recensés chez les employeurs américains (tout secteur confondu), le mois d’octobre a représenté une augmentation de 183 % par rapport aux chiffres de septembre. Le plus mauvais résultat depuis vingt-deux ans. En tête d’affiche, Amazon a ainsi annoncé se séparer de 14 000 employés dans le cadre de ses efforts pour s’adapter à un monde régi par les progrès de l’IA. Or, quand les « Magnificent Seven », ces valeurs boursières technologiques de pointe qui portent presque à elles seules la performance du S&P 500, coupent dans les emplois, le reste de l’économie peut rapidement suivre. Fin 2022, Meta avait supprimé 11 000 postes pour son plan d’efficacité stratégique 2023… et pour finir, ce sont 250 000 personnes supplémentaires qui ont été touchées dans les mois qui ont suivi chez d’autres employeurs.
La part du lion
En Europe également, la pratique pourrait inspiré. Ainsi, ABN Amro, troisième banque des Pays-Bas, a dévoilé cette semaine une ambition stratégique qui inclut le fait de se séparer de 20% de ses effectifs d’ici 2028, grâce à l’automatisation et aux algorithmes. Mais au-delà de cet impact réel sur l’emploi, l’équation de la performance financière amenée par l’IA ne peut que nous ouvrir les yeux sur le partage de la valeur technologique globale qui est en train de s’opérer. La part du lion revenant aux plus grands offreurs de la tech, capables d’agir comme des feuilles Excel pour générer, à coup de soustractions, un chiffre positif en bas de tableau. Ce qui explique aussi l’urgence pour ces champions de pousser au déploiement des prochaines étapes des agents IA. « Le temps des software vendors n’est pas celui du reste des entreprises », résume un chief enterprise architect français, soulignant la pression que les investisseurs mettent sur les firmes du numérique. De quoi rappeler au passage que le Cigref estime à environ 80 % le taux de dépenses IT qui partent vers les entreprises tech américaines, alimentant une R&D de pointe qui creuse ainsi toujours plus l’écart. Alors, adopter l’IA, oui, mais il paraît plus que jamais nécessaire de se poser la question : au bénéfice de qui exactement ?
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