Étude Numeum–KPMG : les ESN françaises entre ralentissement et révolution de la valeur

 

Selon la nouvelle édition du Grand Angle ESN & ICT de Numeum et KPMG, la filière du numérique aborde 2025 entre tension et transformation. Alors que Capgemini, SCC France et Accenture dominent le classement, le secteur redéfinit ses leviers autour de l’IA, des talents et du numérique responsable.

 

L’euphorie post-Covid a laissé place à la lucidité. Après deux années d’hypercroissance, les entreprises de services du numérique (ESN) et sociétés d’ingénierie et de conseil en technologies (ICT) affrontent un net ralentissement. D’après le Grand Angle ESN & ICT 2025 de Numeum et KPMG, 42 % des acteurs ne prévoient un rebond qu’au premier semestre 2026. La prudence domine, mais elle n’éteint pas la dynamique d’investissement. Les leaders Capgemini (4,38 Md€ de CA France), SCC France, Accenture, Sopra Steria et Orange Business maintiennent leurs positions dans un marché chiffré à 70 milliards d’euros en 2024. Si la croissance ralentit, elle se réinvente : 29 % des entreprises misent sur des offres technologiques innovantes (IA, cloud, cybersécurité) pour soutenir leur activité, tandis que 60 % renforcent leurs partenariats stratégiques. Plus que jamais, la création de valeur remplace la course aux volumes.

 

L’IA générative, carburant de la relance

 

L’intelligence artificielle devient le nouveau moteur de compétitivité. 81 % des entreprises interrogées identifient l’IA générative comme la première opportunité de marché, devant la transformation digitale (58 %) et la cybersécurité (56 %). Elle irrigue désormais toute la chaîne de valeur : 72 % l’utilisent pour le delivery, 67 % pour les tâches administratives et 51 % pour le recrutement. L’étude souligne une progression nette des investissements : 2,2 % du chiffre d’affaires annuel consacré à l’IA chez les grands groupes, 6 % chez les PME. Mais cette ruée technologique appelle une maturité nouvelle : gouvernance éthique, IA responsable et maîtrise des données deviennent incontournables. Le secteur, longtemps jugé suiveur, se repositionne en laboratoire d’innovation appliquée. L’IA n’est plus un sujet d’expérimentation : c’est un facteur de survie.

 

Les talents, colonne vertébrale du rebond

 

Le ralentissement ne freine pas la guerre des compétences. En 2025, les ESN et ICT cherchent avant tout à stabiliser et valoriser leurs ressources humaines. Les profils les plus demandés ? Transformation digitale (19 %), cloud (17 %), cybersécurité (9 %) et DevOps (9 %). L’étude montre que 77 % des entreprises ont dû ajuster leurs plans de recrutement en fonction de la conjoncture. Pourtant, 52 % des dirigeants se disent confiants dans leur capacité à atteindre leurs objectifs d’embauche. Pour fidéliser, la hiérarchie des leviers reste classique mais révélatrice : 63 % citent la rémunération, 18 % la montée en compétences, 14 % la flexibilité. L’hybridation des statuts (salariés, freelances, sous-traitants) se généralise, redessinant les modèles RH. L’IA s’invite dans le pilotage des talents, avec plus de la moitié des entreprises cartographiant désormais les compétences en IA internes. Ce mouvement traduit une professionnalisation accélérée des pratiques RH, où la donnée devient le nouveau langage du management.

 

La RSE s’impose au cœur du modèle économique

 

Le numérique responsable n’est plus un bonus : c’est une exigence stratégique. En 2025, 79 % des ESN et ICT placent la réduction de leur empreinte environnementale au cœur de leur politique RSE, et 60 % se sont fixé un objectif de baisse d’émissions à trois ans. L’étude note que 48 % des donneurs d’ordre intègrent déjà l’impact carbone dans leurs appels d’offres, un critère devenu déterminant dans la sélection des prestataires. En parallèle, 83 % des entreprises ont instauré des programmes de diversité et d’inclusion, et 67 % développent des offres à finalité RSE ou “Tech for Good”. La transition vers un numérique sobre et responsable redéfinit la compétitivité. Pour les acteurs du secteur, conjuguer IA et durabilité devient la condition d’une croissance soutenable et la garantie d’une attractivité renforcée auprès des talents et des clients.

 

Un classement sous tension, mais sans surprise

 

Si le marché se transforme, la hiérarchie reste stable. Capgemini conserve la première place avec 4,38 Md€ de chiffre d’affaires généré en France, suivi par SCC France (2,9 Md€) et Accenture (2,6 Md€). Sopra Steria (2,44 Md€) et Orange Business (1,8 Md€) complètent le top 5. Derrière, Atos, IBM France, CGI France, Alten et Econocom forment un peloton solide, tandis que Docaposte, Neurones, Talan et OVHcloud montent en puissance. Un classement qui reflète une bipolarisation du marché : d’un côté, les géants qui consolident, de l’autre, une génération d’acteurs plus agiles qui misent sur la spécialisation et l’impact. La 8ᵉ édition du Grand Angle ESN & ICT ne dresse pas le portrait d’un secteur en crise, mais celui d’un écosystème en mutation profonde. Pour Numeum, la question n’est plus “déclin ou déclic”, mais “valeur ou disparition”. Si 2025 marque la fin d’un cycle, elle ouvre aussi une nouvelle ère, celle où la performance se mesure autant à la création de valeur qu’à la contribution au bien commun.