Former au numérique responsable : un impératif stratégique et opérationnel

 

Face à l’urgence écologique, à la complexité technologique et aux nouvelles exigences réglementaires, former les collaborateurs au numérique responsable ne relève plus d’un simple exercice de sensibilisation. Cette démarche s’impose comme un levier stratégique pour orienter les choix, renforcer la robustesse des systèmes et faire évoluer les pratiques métiers.

 

Si former ses équipes au numérique responsable est devenu un impératif, cette formation ne peut plus se limiter à une action unique et déconnectée de la réalité du quotidien. Elle doit s’enraciner dans une culture d’entreprise qui embrasse à la fois les enjeux environnementaux, sociaux et technologiques. La formation devient alors un levier de transformation, capable d’influencer en profondeur les pratiques, les choix d’outillage et les priorités stratégiques. « Le numérique responsable est avant tout un enjeu culturel et managérial, appuyé par un cadre réglementaire. La formation sert à installer une posture critique face aux effets de mode et à aligner l’action avec les feuilles de route publiques », déclare Christine Debray, Déléguée au numérique responsable au Ministère de la Culture, qui s’exprimait lors du GreenTech Forum 2025.

La formation au numérique responsable constitue aussi le socle d’un renforcement opérationnel. Elle permet de construire des systèmes numériques plus sobres, plus simples et plus résilients, tout en fédérant les collaborateurs autour d’une vision commune et durable. C’est une dynamique transversale qui bouscule les silos. « L’objectif principal est la robustesse et la simplicité des systèmes, pour mieux encaisser les chocs techniques, économiques ou liés aux fournisseurs », affirme Nicolas Drouet, CEO de The Green Compagnon.

Les formats traditionnels de formation doivent être repensés pour tenir compte des spécificités des métiers, des rythmes de travail et des évolutions rapides des technologies. La formation efficace est celle qui engage, qui se vit en équipe et qui trouve une résonance immédiate dans les pratiques professionnelles. « Former ses collaborateurs au numérique responsable n’est pas une fin en soi, c’est juste un début. Aujourd’hui, se former à la conception responsable est un enjeu stratégique pour l’entreprise. Le numérique responsable est la porte d’entrée vers un système d’information plus adaptable et donc plus robuste », analyse Christophe Pham, Président fondateur d’InfoGreen Factory.

 

Une stratégie en trois temps

 

La réussite d’un programme de formation au numérique responsable repose souvent sur une stratégie en trois temps : sensibiliser massivement, créer une communauté d’ambassadeurs internes, puis démontrer des résultats concrets à travers des projets pilotes. Ces étapes, quand elles sont bien orchestrées, permettent de faire vivre le numérique responsable dans la durée. « Le première étape consiste à sensibiliser tous les collaborateurs avec des formats engageants. La deuxième à bâtir un noyau d’ambassadeurs, bien formés et suivis. Enfin, l’enjeu de la troisième phase est d’apporter des preuves par des projets pilotes chiffrés et racontables », confirme Nicolas Drouet.

L’expérience montre également que la pluralité des formats pédagogiques est un facteur clé de succès : fresques, ateliers, webinaires, jeux sérieux (serious games) ou même bootcamps font partie de la palette des outils disponibles. Chaque format permet de toucher un public différent et de favoriser l’appropriation des concepts par la pratique. Ces dispositifs doivent être complétés par un cadre d’amélioration continue. « Le programme de formation doit comporter des éléments de contexte comme l’organisation Numérique Responsable / RSE dans laquelle il s’inscrit. Nous préconisons que les formations soient participatives, par équipes, sous forme de bootcamp sur un projet réel », commente Christophe Pham.

Les actions de formation doivent également être portées par des directions impliquées, capables d’incarner la transition et d’en faire une priorité collective. Cette implication managériale est essentielle pour donner de la crédibilité à la démarche et assurer un passage à l’action concret. « Il est nécessaire de combiner des approches top-down et terrain : intervention en CODIR / COMEX puis ateliers métiers pour identifier ce que chacun peut faire et enclencher des plans d’action. Il ne faut pas attendre l’outil de mesure pour agir », souligne Christine Debray.

 

L’IA, une thématique particulière

 

La montée en puissance de l’intelligence artificielle représente un défi particulier. Non seulement l’IA transforme les métiers et les usages, mais elle impose aussi de nouveaux arbitrages en matière de sobriété, de souveraineté et d’éthique. Former à l’usage raisonné de l’IA devient un impératif pour éviter l’emballement technologique. « Intégrer systématiquement l’IA dans la sensibilisation permet de prendre en compte les impacts écologiques, les trajectoires d’énergie et la matérialité complète du cycle de vie. L’enjeu est de mixer la formation à l’usage de l’IA et la sensibilisation aux impacts afin d’éviter l’effet vitrine », affirme Christine Debray.

Une approche critique et structurée est d’autant plus importante que les outils IA sont souvent opaques, évolutifs et imposés sans évaluation rigoureuse. Il est donc indispensable d’accompagner les collaborateurs, de leur donner des repères et de préserver leur autonomie de jugement face aux promesses technologiques. « L’entreprise doit former tous les collaborateurs à l’usage des LLM en intégrant une approche numérique responsable incluant la gouvernance, les cas d’usage pertinents, les limites et les alternatives. Elle doit également répondre au Shadow AI par un encadrement rigoureux et une pédagogie adaptée, plutôt que par l’interdiction », ajoute Nicolas Drouet.

En somme, la formation au numérique responsable est un chantier en mouvement, qui fait appel à la fois à la stratégie, à la pédagogie et à l’exemplarité. Elle s’affirme comme une composante essentielle de la transformation numérique des entreprises, capable de concilier innovation, performance et responsabilité.