IA dans le transport maritime : comment CMA-CGM trace sa route

Dans un secteur d’activité très concurrentiel, le transporteur maritime international mise sur l’IA pour se démarquer. Les expérimentations en cours déjà avancées se déclinent dans ses activités majeures, opérations, relation client et interne pour outiller les collaborateurs.

 

 

Appartenant au cercle des plus grandes compagnies maritimes de transports de conteneurs, à côté de MSC, de Maersk et du chinois Cosco, CMA-CGM compte plus de 160 000 collaborateurs, dont 20 000 en France, possède une flotte de 650 navires et a réalisé un CA de 47 milliards de dollars en 2023, pour des activités sur un marché particulièrement concurrentiel. Dans ce contexte, ses dirigeants ont identifié l’IA comme un moyen particulièrement intéressant pour se démarquer de leurs compétiteurs. Dés 2020-2022, avec le soutien de son dirigeant, Jacques Saadé, la direction place cette technologie au cœur de la stratégie de l’entreprise. En 2023, l’IA devient la priorité numéro un du groupe et se décline dans tous les métiers. Embauchée dans ce but, Head of AI department du groupe, Séverine Grégoire décrit : « définie en 2024, la feuille de route se concrétise par une massification de l’usage de l’IA dans trois grands domaines, les opérations, les clients et les collaborateurs. » Parallèlement, pour disposer des ressources techniques et de l’expertise nécessaire, le groupe a passé des partenariats avec les acteurs majeurs de ce marché. Le plus important a été conclu avec Google. « Nous avons accès direct à une équipe de recherche opérationnelle et des ‘early access’ à leurs nouveaux produits », souligne Sandrine Grégoire. Le groupe utilise également Copilot de Microsoft. Enfin, pour d’autres famille de cas d’usage, OpenAI, Mistral comme d’autres LLM sont mis à contribution.

 

Pour accélérer la définition comme l’opérationnalisation des outils, le groupe a largement misé sur l’innovation à travers la quasi-totalité des moyens disponibles. En 2024, il a ouvert à Marseille un centre d’excellence de 2000 m2 baptisé Tangram proposant des simulateurs de navigation et un pôle d’innovation. Le lieur propose également des formations pour les collaborateurs. 3000 ont bénéficié de celles-ci en 2024. Le Groupe a également lancé en 2023 le fonds d’investissement Zebox Ventures dédié aux start-up spécialisées dans la logistique, la mobilité, le décarbonation et plus largement, la digitalisation des process.

 

L’IA pour optimiser les routes maritimes

 

Dopés par tous ces leviers, de nombreux cas d’usage ont fait l’objet de Proof of concept, et pour certains, devraient passer en production cette année. « Nous partons toujours du besoin business », souligne Sandrine Grégoire. Pour les opérations, les cas d’usage testés avec la concours de Google et de start-up comme Searoutes portent d’abord sur l’optimisation et la visualisation des routes maritimes, qui pourrait se traduire par des économies de l’ordre de 7% de fioul lourd sans compter le temps gagné sur le temps d’attente à l’arrivée dans les ports. « A partir de ces simulations, il s’agit de visualiser la route suivie par tous les navires en mer, et de leur demander de s’adapter, de jouer sur le ‘transit time’ et les routes maritimes' », décrit Sandrine Grégoire. D’autres cas d’usage porte sur les entrepôts et prennent la forme de jumeaux numériques. Les finances font également partie des POC. Côté collaborateurs, une première application Maia basée d’abord sur OpenAI puis Mistral propose plusieurs fonctionnalités destinées à leur faciliter le quotidien. « 8000 de nos agents répondent à environ 5 millions de mails par mois », décrit Sandrine Grégoire. Les outils traduisent, génèrent des résumés, cherchent des informations ou encore identifient les points clés dans un document. Si aucune mesure de retour sur investissement n’a été défini à ce jour, « une des premières utilisatrices de l’outil Agassi estime être passé de 10 à 2 minute pour traiter un dossier », détaille Sandrine Grégoire. Dans la troisième famille de cas d’usage, les clients interagissent avec un chatbot. Il reçoivent également des recommandations personnalisée basées sur OpenAI. La liste n’est pas exhaustive, « nous travaillons par exemple avec une start-up française spécialisée dans un outil anti-fraude », détaille Sandrine Grégoire.

 

L’équipe de Sandrine Grégoire a également en charge l’accompagnement des utilisateurs à cette nouvelle donne. Une facette de la stratégie sensible, l’adhésion des collaborateurs à ces nouveaux outils reste indispensable pour assurer son succès. Le Groupe a choisi une démarche pas coercitive.  Par exemple, « nous n’avons pas bloqué l’accès à ChatGPT. Les collaborateurs peuvent le préférer à Maia. Nous misons sur la sensibilisation, la formation et surtout sur l’adéquation des outils aux besoins », explique Sandrine Grégoire. La généralisation de plusieurs cas d’usage est prévue cette année. « Et nous continuons à améliorer nos outils, la précision en particulier », conclut Séverine Grégoire.

 

Photo de Une: Le navire de la Compagnie Maritime d’Affretement Compagnie Générale Maritime (CMA-CGM) navigue le long de la côte de Colombo, au Sri Lanka, le 20 juin 2024. (Photo Thilina Kaluthotage / NurPhoto / NurPhoto via AFP)

Photo :  BastideTangram ©Ian Hanning