Arno Amabile, conseiller de l’envoyée spéciale pour l’Intelligence Artificielle, revient sur les apprentissages post-Sommet pour l’action sur l’IA. La coopération avec les startups est clé pour stimuler le paysage numérique européen, aussi très demandant en données.
Après le Sommet pour l’action sur l’IA, sur quels sujets l’État se sent-il attendu par les entreprises ?
Il y a deux sujets importants sur lesquels il est nécessaire d’avancer pour que les entreprises puissent adopter pleinement l’IA : la régulation et l’énergie. De nombreuses réglementations ont été adoptées pour de bonnes raisons, comme le DMA, le DSA, le RGPD et désormais l’IA Act. L’implémentation de cette dernière, prévue pour septembre, est perçue comme compliquée par les organisations. L’État collabore avec la Commission européenne pour une mise en œuvre pragmatique et simplifiée, afin d’apporter une véritable sécurité juridique aux entreprises concernées. La France doit également travailler sur la question de l’énergie, pour la puissance de calcul nécessaire au fonctionnement de l’IA. En effet, aujourd’hui, le coût de l’énergie en Europe est 1,5 à 3 fois supérieur à celui des États-Unis.
De la même manière, qu’attend l’État des entreprises ?
Une de nos attentes est l’augmentation des collaborations entre les entreprises traditionnelles et les startups qui font de l’IA. Un vieil adage des années 80 dit que personne ne vous reprochera d’acheter du IBM. Aujourd’hui, effectivement, personne ne vous reprochera jamais d’avoir acheté du Copilot de Microsoft. Mais en réalité, il existe des entreprises françaises très proches de vos besoins. Malgré la fragilité qu’on attribue aux startups, les échanges avec elles amènent beaucoup de valeur pour le reste de l’écosystème. Au niveau régional, c’est d’autant plus intéressant. Un des souhaits du gouvernement est d’ailleurs de voir l’IA se répandre dans les territoires.
Quelles sont les clés pour que les entreprises augmentent leur adoption de l’IA ?
Le manque de talent est évidemment un frein à l’adoption de l’intelligence artificielle pour les entreprises. Les Français sont très bons dans les disciplines scientifiques de pointe comme les mathématiques et l’informatique. Ils sont d’ailleurs très nombreux au sein de la Silicon Valley. C’est important de rester performant sur ces sujets mais nous n’avons pas seulement besoin de prix Nobel. Ce qu’il manque en France, ce sont des personnes capables de déployer une IA. La formation est donc clé, d’où l’objectif, annoncé lors du Sommet, de former 40 000 personnes de plus par an sur ces sujets. Les profils recherchés sont des ingénieurs informatiques ou des professionnels aux compétences hybrides, ayant une expertise métier et qui sont formés à l’IA, à faire de l’itération. La montée en compétence doit donc venir des entreprises directement, seules elles connaissent leurs besoins et peuvent apporter cette expérience du réel.
Quelles sont les problématiques concrètes des entreprises selon vous ?
Il y a toute une problématique autour des données. La vraie question pour les entreprises aujourd’hui, selon leur taille, c’est de savoir si leur quantité de données est suffisante. Si c’est le cas, elles peuvent obtenir l’IA désirée simplement en utilisant leurs données, une fois nettoyées, pour réentraîner un modèle déjà existant. Mais, lorsque les données ne sont pas assez diversifiées, quelles sont les solutions ? En Allemagne, l’industrie automobile a donné naissance à un système d’échange de données, nommé Catena-X. Il existe aussi les data spaces, des espaces de données européens, notamment un pour l’industrie hôtelière. Accor, la SNCF, Sodexo, en font partie. Le panel de données réuni leur permet d’entraîner des IA pour proposer de nouveaux services.
Les données personnelles auraient-elles aussi avantage à être partagées ?
Elles seraient utiles pour entraîner des IA dans les secteurs de l’éducation et de la santé. D’autres pays développent déjà ce genre de services, mais ils ne sont pas forcément alignés avec nos valeurs. Pour l’instant, la protection des données personnelles est une responsabilité individuelle, en acceptant les cookies par exemple. Mais la donnée n’a vraiment de valeur que collectivement, en grande quantité. Il faut trouver des moyens de partager les données plus simplement, tout en faisant attention aux finalités. Au niveau européen, il y a des réflexions en cours pour adapter le RGPD, mais aussi pour créer des intermédiaires recueillant le consentement des gens via des hôpitaux ou des écoles. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du partenariat Current AI, lancé lors du Sommet, que de trouver des moyens de libérer de la donnée au service de l’intérêt général.
