Intelligence artificielle : prompter, une compétence pas un métier

Avec le développement des modèles d’intelligence artificielle génératives (IAG) comme ChatGPT, une nouvelle profession a vu le jour : celui de prompt engineer. Il s’agit pourtant d’avantage d’une compétence à acquérir pour développer ses performances en entreprise que d’un métier à part entière.

Intelligence Artiicielle Prompter une compétence pas un métierLes salaires de ces professionnels s’envolent : de 1750 000 à 250.000 dollars annuels aux États-Unis. En avril dernier, la start-up Anthropic, fondée par des dissidents d’Open AI, offrait jusqu’à 335 000 dollars par an aux candidats dotés de la « créativité d’un hacker » et de quelques bases en programmation. L’intitulé de cet emploi de rêve ? Ingénieur de requête, ou prompt engineer. Il s’agit d’un expert de la communication avec une intelligence artificielle générative. « Concrètement, c’est la personne qui sait proposer les bonnes requêtes ciblées à un chatbot pour tirer le meilleur des grands modèles de langages (LLM) et améliorer la productivité des professionnels », simplifie Pierre-Julien Grille, directeur des enseignements IA et Data Science à l’école d’ingénieurs EPITA et CTO de la start-up Humasana. Ce poste est apparu ces derniers mois dans la foulée de l’émergence des modèles d’intelligences artificielles génératives (IAG) comme ChatGPT ou OpenAI. Et, selon la prestigieuse Harvard Business Review, le prompt engineer serait en passe de décrocher le titre de « métier le plus sexy du XXIe siècle ».

A lire aussi : CES 2024 : la déferlante de l’intelligence artificielle générative

En dépit de cet engouement, les experts sont loin d’être aussi enthousiastes. L’ensemble des acteurs interrogés est unanime : la profession de prompt engineer est appelée à disparaître à court-terme car il s’agit d’une compétence, et non d’un métier. « Le prompt engineer, c’est le nouvel expert d’Excel, des QR codes ou de Google d’il y a dix ans », estime Mathieu Crucq, directeur général de Brainsonic, également chargé de l’e-innovation au sein de l’agence de communication. « aucun dirigeant n’engagerait aujourd’hui un salarié pour effectuer des recherches sur Internet. » Constat similaire pour Nicolas Cavallo, directeur de l’IA générative au cabinet de conseil Octo Technology : « Pour les sociétés dont l’IA est le cœur de métier, il peut être intéressant d’optimiser le nombre de token utilisé pour obtenir un résultat et donc, d’engager un prompt engineer. » Mais il s’agit d’une exception. « D’ici cinq ans, prompter va devenir une compétence aussi commune que savoir utiliser un ordinateur. »

Démocratisation

Car l’art du prompt est en constante évolution. L’intérêt des grands modèles de langage réside justement dans ce qu’ils sont facilement utilisables, sans compétences techniques particulières. Par définition, ChatGPT et consort s’adaptent, donc, chaque jour un peu plus au langage humain. « Autrement dit, le travail de ChatGPT, c’est de rendre obsolète le métier de prompt engineer », résume Pierre-Julien Grizel.
Parallèlement, le développement de nouveaux modèles d’IA modifie la manière de s’adresser aux chatbots. « Sur le marché, il existe une multitude d’agents open source qui décident du prompt à écrire pour se servir au mieux d’un LLM », constate Nicolas Cavallo. « Lorsque Midjourney est arrivé sur le marché, il fallait plusieurs heures pour écrire le bon prompt. Aujourd’hui, on écrit quelques lignes, ChatGPT4 reformule la requête et l’envoie à DALLE 3 pour créer l’image adaptée. En résumé, on insert de l’IA générative dans l’IA générative. » Grâce à l’augmentation des performances de ces IA, les prompts devraient se simplifier dans les trois prochaines années. Tous les salariés pourront donc s’en emparer.

Se tester, former, recruter

Si l’écriture des prompts ne constitue pas un métier en soi, cela reste une compétence primordiale pour exploiter au mieux le potentiel des outils LLM. Car lorsqu’elle est bien utilisée, l’IA générative permet de diviser par deux ou trois les coûts de production, selon Mathieu Crucq. Pour développer l’art du prompt au sein de l’ensemble des équipes, le professeur spécialisé dans l’IA Pierre-Julien Grizel conseille de « laisser les salariés tester et jouer avec les LLM ». Non sans garde-fou.

« En entreprise, le LLM ne doit pas produire des données non-pertinentes, voire de fausses informations ou partager des données confidentielles à d’autres concurrents. » La solution consiste à étendre et à personnaliser un modèle pour qu’il soit adapté à l’entreprise. Sur le marché, il existe une longue liste de LLM que les entreprises peuvent télécharger, personnaliser et utiliser derrière leur pare-feu. « Des modèles comme Mistral AI sont entraînés en interne. Ils offrent donc une réponse plus adaptée, et une meilleure protection des données », précise le directeur des enseignements IA et Data Science à l’école d’ingénieur EPITA.

« Les dirigeants peuvent former leurs salariés aux outils d’IA générative à travers des ateliers de sensibilisation, des guides ou passer directement par un cabinet de conseil pour implanter une solution », recommande de son côté Mathieu Crucq.

Côté recrutement, « les chefs d’entreprise peuvent également se tourner vers des experts dans leurs métiers qui ont une appétence pour l’intelligence artificielle ou qui savent d’ores et déjà utiliser certains outils LLM », poursuit le directeur général de Brainsonic. Par exemple, un expert marketing qui utilise Midjourney pour un prototype ou un comptable qui se sert de ChatGPT pour automatiser des tâches simples.