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Jullien Brezun (Great Place to Work France) : « Les comportements d’aujourd’hui seront dans le collectif de demain »

L’expérience collaborateur, en termes de qualité de vie au travail (QVT), est une des missions de l’entreprise. Elle le sera d’autant plus à la sortie du confinement auquel nous sommes tous contraints. Entretien avec Jullien Brezun, directeur général de l’Institut Great Place to Work France, sur l’importance d’un « leadership for all ».

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Alliancy. Vous vous intéressez aux entreprises « où il fait bon travailler » depuis toujours. Ces sujets resteront-t-ils à l’ordre du jour post-confinement ?

Jullien Brezun, son directeur général.

Jullien Brezun, directeur général de l’Institut Great Place to Work France

De notre côté, nous avons toujours beaucoup travaillé sur la question du leadership et l’on a défini une logique de « leadership for all », c’est-à-dire celui qui fait ressortir le meilleur de tous les collaborateurs. En cette période perturbée que nous traversons, notre conviction est que cette notion est d’autant plus vitale, et ce dans toutes les strates de l’entreprise, surtout quand on est à distance. Associé à de réelles qualités relationnelles et humaines, ce « leadership for all » a un impact direct sur l’expérience vécue par les salariés, l’agilité, la capacité à innover… A condition que cette proximité managériale soit construite sur la confiance, sur une relation pleine et entière. On doit, par exemple, aujourd’hui se poser la question de l’état de santé de chacun au-delà de son activité.

Toutes ces notions sont-elles réellement entendues ?

Jullien Brezun. Oui, tout à fait. Mais elles prennent un tout autre relief aujourd’hui. Cette notion a été verbalisée dans le livre de Michael Bush (« Contruire une Great place to work for All »), paru à l’automne dernier. C’est à ces leaders de créer les conditions pour que chacun puisse optimiser son potentiel, en s’inscrivant dans une dynamique résolument et activement inclusive. Ceci n’est possible que si la confiance existe ! Les entreprises aujourd’hui doivent, et plus que jamais, évaluer cette culture de la confiance et l’impact de la crise que nous traversons sur cette culture de la confiance. Car cette crise va sûrement profondément et durablement marquer les esprits dans la relation des collaborateurs à l’entreprise et à leurs managers.

Cette crise modifie-t-elle les attentes des collaborateurs ?

Jullien Brezun. Il n’y a pas encore d’étude parue sur le sujet, mais nous pensons que cette crise va appeler une rénovation managériale ou en profondeur, où la notion de « leader for all » sera encore plus pertinente. Aujourd’hui, il faut s’occuper de ses collaborateurs et non plus avoir ses yeux rivés sur la montre, c’est évident. Il faut développer de la proximité et de la transparence dans la communication qui est donnée. Enfin, il faut faire preuve d’humilité. Personne n’a vu ce qui arrive…

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C’est-à-dire ?

Jullien Brezun. Personne n’a pensé que les livreurs ou les caissières par exemple… seraient mis sous les projecteurs à ce point. Il faut donc rester humble par rapport à ce que l’on fait et les collaborateurs attendent évidemment cela. Ce qui veut dire que chaque manager doit se lancer dans une démarche d’amélioration continue.

Quel questionnement ont les entreprises qui vous contactent aujourd’hui ?

Jullien Brezun. Elles nous contactent pour les mêmes raisons qu’auparavant, mais l’écoute attentive ou la compréhension des perceptions des collaborateurs n’en est que plus essentielle. Le lien à l’entreprise est bousculé par cette crise et va même être refondu. Il faut donc comprendre ce que les collaborateurs, collectivement et individuellement, peuvent ressentir… pour agir ensuite. On en revient à des inquiétudes « primaires » : comment vivent-ils cette crise ? Quelles en seront les conséquences ? Que ce soit chez les collaborateurs ou leurs managers…

Cela va-t-il faire évoluer votre approche de ces sujets ?

Jullien Brezun. Nous réfléchissons aujourd’hui à voir comment on pourrait méthodologiquement prendre en compte ces nouveaux questionnements… Comment l’entreprise est-elle désormais perçue par les collaborateurs par exemple ? Mais nous voulons avoir davantage de recul sur l’impact de cette crise. Nous ne voulons pas aller trop vite. La qualité d’un « leader for all » reste tout à fait valable aujourd’hui, tout comme les fondamentaux de notre mission.

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Pensez-vous que les formes d’organisation du travail vont être modifiées à moyen terme ?

Jullien Brezun. Elles l’ont déjà été avec les concepts de l’entreprise libérée ou les organisations distribuées que l’on a vu se mettre en place dans la tech par exemple… Ce n’est donc pas certain. Par contre, la gouvernance, la façon de faire vivre l’organisation, doit être repensée mais surtout améliorée, en laissant une part indéniable au collaboratif. L’important est surtout d’arrêter d’avoir des dogmes, que ce soit sur le télétravail ou autre. Il faut juste devenir plus pragmatique pour permettre à l’entreprise de s’adapter. D’où l’importance d’être à l’écoute des aspirations de ses collaborateurs.

Quelles sont-elles justement ces aspirations ?

Jullien Brezun. Il y a une attente incroyable des collaborateurs sur du leadership et non pas du management. Le manager est celui qui calcule, qui gère… alors que le leader va avoir cette capacité à écouter, inspirer et mobiliser… Il est là pour créer une communauté avec ses équipes. Mais personne ne naît leader, c’est un travail ! Il faut donc l’accompagner, le former. Et tous ces éléments sont encore plus prégnants désormais, car les comportements d’aujourd’hui seront dans le collectif de demain. Il faut donc trouver cet équilibre complexe entre compassion, énergie et contraintes individuelles…

L’encadrement prend-il une importance particulière en ce moment ?

Jullien Brezun. Evidemment. La crise fait ressortir l’incroyable importance du management. Quand le business fonctionne as usual, c’est différent. La crise révèle les qualités et les faillites managériales de manière plus forte que d’habitude. Elle a un effet grossissant sur les compétences aux limites managériales. Ce que l’on ressent aujourd’hui, c’est que le vécu est extrêmement variable… Il n’y a pas encore de chiffre, mais la situation personnelle de chacun a bien entendu un gros impact sur sa capacité à traverser la crise.

La QVT, un vrai sujet !

En 2018, 42 % des Français estimaient que les entreprises ne se préoccupaient pas assez du bien-être des salariés. En 2019, ils ne sont plus que 32 %, (soit 10 points de moins). Et si en 2018, ils étaient 19 % à considérer qu’elles mettaient en place « de réelles actions » pour améliorer la qualité de vie au travail, ils sont aujourd’hui 25 % (+ 6 points).

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