Le shadow IT, c’est l’open bar du digital

 

[Billet d’humeur] Outils non référencés, licences sauvages, applis téléchargées en douce… Le shadow IT prospère dans les interstices de l’entreprise, loin du contrôle de la DSI. Il agace autant qu’il intrigue et, souvent, il fonctionne mieux que les solutions officielles.

 

Il y a des mots qui sentent bon l’insouciance. “Shadow IT”, par exemple. On imagine quelque chose de discret, souple, un peu rebelle. Une innovation surgie dans un coin d’open space, entre deux mugs de café et trois onglets Trello. En réalité, c’est un joyeux bazar. Un grand marché parallèle du numérique, où chacun pioche ce qu’il veut sans demander la permission.

Un nouveau SaaS pour gérer les projets ? Hop. Une appli miracle pour faire des plannings ? Re-hop. Un espace Notion pour “centraliser les idées” ? Re-re-hop. Tout cela s’installe en trois clics, souvent avec une carte bleue perso, et toujours avec beaucoup d’enthousiasme.

Le problème, ce n’est pas l’initiative. C’est l’accumulation. Très vite, la DSI découvre qu’une partie de l’entreprise vit dans un écosystème parallèle, tissé d’outils qu’elle ne connaît pas, ne maîtrise pas et parfois, ne comprend même pas. On parle ici d’un monde peuplé de licences oubliées, de fichiers sensibles hébergés on ne sait où, et d’intégrations bricolées à la main. Un genre de Far West numérique, sauf que personne ne joue les shérifs.

Et pourtant… ça marche. Mieux : les gens adorent ça. Parce que le shadow IT, c’est la liberté retrouvée. Loin des process rigides et des validations interminables, on avance, on teste, on “itère”. C’est vivant, ça fourmille, ça respire. Alors bien sûr, ça agace les DSI. Mais ça les fascine aussi. Car dans cette anarchie douce, il y a souvent plus d’innovation que dans certains comités stratégiques.

Il faut dire que l’IT officielle n’a pas toujours su garder le rythme. À force de sécuriser, d’encadrer, de normaliser, elle a parfois oublié que l’utilisateur aussi a des idées. Et surtout, qu’il a besoin d’aller vite. Le shadow IT prospère là où le service informatique n’a pas su répondre. Il ne contourne pas l’IT : il comble ses silences.

Alors faut-il l’éradiquer ? Bonne chance. Le plus sage, c’est sans doute d’en reconnaître l’existence, d’en tirer le meilleur et de canaliser le reste. Parce que le shadow IT, qu’on le veuille ou non, fait désormais partie du paysage. Un peu comme le wifi dans les salles de réunion : au début, c’était interdit. Maintenant, c’est juste impensable de s’en passer.