Selon le baromètre EY Fabernovel 2025, 55 % des entreprises françaises mesurent déjà des retours financiers positifs grâce à l’IA. Mais la formation reste en retard et les intentions d’investissement à long terme demeurent floues.
L’intelligence artificielle n’a pas encore trois ans d’usage grand public que déjà, elle fait bouger les lignes comptables. Selon la 2e édition du Baromètre européen de l’impact de l’IA publié par EY Fabernovel, plus d’une entreprise française sur deux (55 %) déclare avoir mesuré des gains financiers ou des optimisations grâce à l’IA. Pour certaines, ces bénéfices sont concrets : 43 % évoquent un gain jusqu’à 1 million d’euros, et 32 % entre 1 et 5 millions. Les DSI et directions générales confirment ce que le marché pressentait : les grands modèles de langage et les outils d’automatisation commencent à délivrer un ROI perceptible. Pourtant, ce virage reste encore modeste dans sa structuration. Si 35 % des entreprises françaises considèrent l’IA comme une priorité stratégique, les investissements à 5 ans restent prudents. À peine 5 % projettent de dépasser les 5 millions d’euros d’ici 2030, tandis qu’un quart n’ont encore aucune vision chiffrée à ce sujet.
Entre enthousiasme et inquiétude croissante
L’enthousiasme autour de l’IA reste élevé, mais s’émousse côté français. Alors que 70 % des répondants européens se disent plutôt ou très positifs à l’égard de l’IA, ce taux recule de 7 points en France, à 66 %. L’optimisme est désormais teinté de doutes, notamment sur le terrain social. Près des trois quarts des Français interrogés (73 %) pensent que l’IA entraînera des pertes d’emploi, contre 63 % l’an dernier. Ce niveau d’inquiétude est l’un des plus élevés d’Europe. Le fondateur d’EY Fabernovel, Stéphane Distinguin, le reconnaît : “Cette année, la prise de conscience s’affirme et s’accompagne d’une très forte augmentation des attentes des salariés en matière de formation à ces technologies”. Une attente qui reste largement insatisfaite : seulement 24 % des répondants jugent suffisantes les formations proposées en interne par leur entreprise.
La formation, talon d’Achille de la stratégie IA
C’est le grand paradoxe de cette deuxième édition du baromètre : alors que 57 % des salariés européens déclarent aujourd’hui se former à l’IA pour faire évoluer leur métier (50 % en France), le dispositif de formation interne proposé par les entreprises reste à la traîne. Ce décalage entre l’envie d’apprendre et les moyens alloués interroge sur la profondeur de l’engagement stratégique réel des entreprises françaises. L’adoption rapide de l’IA dans les usages opérationnels ne s’accompagne pas encore d’une politique RH à la hauteur. Pour Stéphane Distinguin, les prochaines années seront décisives : “Après les incantations, nous allons assister à des approches plus pragmatiques et appliquées où la formation individuelle coordonnée avec la conduite du changement collectif constituera une nécessité absolue”. Reste à savoir si les directions générales et DRH s’empareront du sujet avant que la fracture ne se creuse entre ROI technologique et engagement humain.
