Bruxelles veut filtrer les investissements chinois dans les technologies européennes. En somme, le capital étranger devra désormais montrer patte blanche. Une première. Mais quand la confiance se bureaucratise, c’est souvent la croissance qui s’évapore.
On avait déjà les visas pour les travailleurs, les normes pour les produits, les labels pour les fromages. Voici maintenant le visa pour les capitaux. Bruxelles s’apprête à instaurer un mécanisme de contrôle renforcé sur les investissements chinois dans les technologies dites “stratégiques”. L’idée : éviter que les trésors industriels européens – l’optique allemande, la robotique française, la microélectronique néerlandaise – ne se retrouvent, par des rachats discrets, dans les mains de Pékin.
Sur le papier, c’est du bon sens. Depuis quinze ans, l’Europe a laissé filer une partie de son savoir-faire vers l’Asie en échange de liquidités bienvenues. Résultat : des filières entières ont été démantelées, des brevets transférés, et une dépendance technologique que la crise du Covid n’a fait qu’aggraver. Mieux vaut tard que jamais, dit-on.
Sauf que, dans la vraie vie économique, la méfiance a un prix. Et l’argent, lui, n’aime pas attendre. Chaque procédure, chaque validation, chaque “évaluation d’impact stratégique” devient un obstacle supplémentaire pour les entreprises européennes qui cherchent à lever des fonds. Les capitaux chinois ne sont pas des philanthropes, mais ils sont rapides. Et quand l’Europe leur demande un certificat de bonnes intentions, les États-Unis leur offrent déjà un partenariat.
Ce qui frappe, c’est cette ambiguïté très européenne : vouloir se protéger sans se fermer, réguler sans freiner, exister sans déranger. Mais dans le monde de la tech, la neutralité coûte cher. L’argent va là où les règles sont simples, les décisions rapides, et la rentabilité lisible. Alors oui, il faut des garde-fous. Mais il faut aussi un cap : une politique d’attraction aussi claire que la politique de prévention. Sinon, l’Europe deviendra cette maison trop bien gardée où plus personne ne sonne.
La souveraineté économique, comme l’amour, ne supporte pas les excès de suspicion. On peut verrouiller les portes, mais il faut encore que quelqu’un veuille entrer.
