En s’appuyant sur Mistral AI et SAP, Paris et Berlin veulent créer une IA publique européenne capable de rivaliser avec les géants américains. Une initiative qui marque un tournant stratégique dans la quête de souveraineté numérique.
À l’occasion du Sommet franco-allemand sur la souveraineté numérique, la France et l’Allemagne ont annoncé, ce 18 novembre à Berlin, un partenariat stratégique avec Mistral AI et SAP SE pour développer une intelligence artificielle souveraine dédiée aux services publics. L’objectif : réduire la dépendance aux technologies étrangères et accélérer la transformation numérique des administrations. Les deux pays souhaitent bâtir une offre commune fondée sur quatre axes : un ERP souverain intégrant de l’IA, des outils d’automatisation des processus financiers, des agents numériques capables d’assister les agents publics comme les usagers et, enfin, la création de laboratoires conjoints pour renforcer les compétences et garantir la transparence des systèmes d’IA. Ces développements doivent répondre aux exigences françaises et allemandes en matière de sécurité, d’auditabilité et de gouvernance.
Un pilotage commun via un EDIC franco-allemand
Pour coordonner l’ensemble, Paris et Berlin mettront en place un Conseil EDIC franco-allemand, chargé de superviser les travaux et d’assurer la cohérence avec les stratégies européennes. Le dispositif sera ouvert à d’autres acteurs européens capables de proposer des solutions interopérables et souveraines, dans une logique de construction d’un écosystème continental. La feuille de route prévoit la signature d’un accord-cadre d’ici mi-2026, puis le déploiement progressif des premiers cas d’usage entre 2026 et 2030 dans les administrations volontaires.
Une ambition politique forte des deux côtés du Rhin
Pour les responsables français, cette initiative marque un tournant. « Plus de 80 % des outils numériques publics sont conçus hors d’Europe. Cette dépendance n’est plus soutenable », rappelle David Amiel, délégué au ministre pour la Fonction publique. La ministre déléguée à l’IA, Anne Le Hénanff, y voit « un changement de chapitre » pour un numérique européen aligné sur ses valeurs. Roland Lescure, ministre de l’Économie, évoque de son côté un État « plus efficace et plus résilient ». Le gouvernement allemand adopte le même ton. Le ministre du Numérique, Karsten Wildberger, estime que cette alliance démontre la capacité de l’Europe « à construire une administration moderne reposant sur des solutions européennes ».
Un signal fort pour l’industrie européenne de l’IA
Côté entreprises, Mistral AI et SAP saluent un accord « structurant » pour la souveraineté technologique du continent. Le PDG de Mistral, Arthur Mensch, affirme que l’Europe doit « maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur de l’IA », tandis que Christian Klein, CEO de SAP, y voit une opportunité de renforcer la compétitivité industrielle européenne. Avec cette alliance, Paris et Berlin entendent poser les bases d’une infrastructure numérique souveraine appliquée aux services publics, dans un contexte où l’indépendance technologique occupe une place croissante dans les politiques européennes.
