L’Union européenne franchi une nouvelle étape dans sa course au quantique en inaugurant ce jour à Ostrava (République tchèque), son deuxième ordinateur quantique, baptisé VLQ. Une avancée qui s’inscrit dans la stratégie européenne visant à se hisser parmi les leaders mondiaux du secteur d’ici 2030.
Ce nouvel équipement, financé conjointement par l’entreprise commune européenne pour le calcul à haute performance (EuroHPC) et un consortium de huit États (Tchéquie, Finlande, Suède, Danemark, Pologne, Norvège, Belgique et Pays-Bas), illustre l’accélération du calendrier européen. Pour Bruxelles, il s’agit de bâtir une infrastructure stratégique de premier plan, capable de rivaliser avec les projets portés par les États-Unis, la Chine ou encore le Japon. L’Europe n’est pas en terre inconnue : elle a été pionnière en matière de physique quantique et dispose d’une recherche de haut niveau. Mais la mise en œuvre industrielle du calcul quantique reste un défi. Avec VLQ, l’UE veut montrer qu’elle peut conjuguer excellence scientifique et maîtrise technologique.
Une intégration hybride
L’ordinateur VLQ ne fonctionnera pas en silo. Il doit être intégré au supercalculateur Karolina, déjà membre du réseau EuroHPC. L’objectif est de proposer une architecture hybride combinant calcul classique et quantique, afin de tirer parti des forces des deux approches. Une telle configuration ouvre la voie à des usages concrets dans le court terme, sans attendre l’hypothétique ordinateur quantique universel. Selon EuroHPC, VLQ sera pleinement opérationnel d’ici la fin de l’année, le temps de finaliser les ultimes phases d’étalonnage. À partir de là, chercheurs, industriels et acteurs publics européens pourront accéder à ses capacités via le réseau commun.
Des applications ciblées
L’un des champs d’expérimentation attendus est le Quantum Machine Learning. Cette approche, qui combine algorithmes quantiques et intelligence artificielle, promet d’accélérer considérablement le traitement de données complexes, par exemple dans la chimie moléculaire, l’optimisation industrielle ou encore la cybersécurité. « VLQ représente bien plus qu’un démonstrateur », insiste un responsable d’EuroHPC. « C’est une brique essentielle de l’écosystème quantique européen, conçu pour être utilisé au quotidien par la communauté scientifique et, à terme, par l’industrie. »
Une stratégie progressive
Le projet s’inscrit dans une feuille de route plus large : l’entreprise commune EuroHPC a d’ores et déjà annoncé l’acquisition de six ordinateurs quantiques répartis sur le continent. Le premier, PIAST-Q, a été inauguré en Pologne en juin 2025. Chacun de ces équipements est pensé comme un maillon d’un réseau distribué, afin de mutualiser les ressources et d’éviter la fragmentation. Cette stratégie se veut pragmatique : plutôt que de concentrer les investissements dans un seul site, l’Europe mise sur une constellation d’infrastructures interopérables, reliées aux supercalculateurs existants.
Course mondiale
La démarche reflète l’intensité de la compétition internationale. Aux États-Unis, des géants comme IBM, Google ou Microsoft multiplient les annonces de percées technologiques, tandis que Pékin déploie d’importants moyens publics pour rattraper son retard. Le Japon, de son côté, a déjà connecté ses propres calculateurs hybrides. Dans ce contexte, l’UE joue une partie serrée : si elle dispose d’un savoir-faire reconnu, elle reste en retard en matière de capital-risque et de puissance de feu financière par rapport à ses concurrents. VLQ apparaît donc comme un symbole : celui d’une Europe décidée à transformer son avance scientifique en atout industriel.
Un levier de souveraineté
Au-delà des applications technologiques, l’ordinateur d’Ostrava s’inscrit aussi dans un projet politique. Le quantique est désormais considéré comme un enjeu de souveraineté au même titre que les semi-conducteurs ou l’intelligence artificielle. Maîtriser ses propres infrastructures, c’est garantir l’indépendance des États membres dans des domaines sensibles comme la défense, l’énergie ou la santé. « Avec VLQ, l’Europe envoie un signal fort », résume un diplomate européen. « Elle veut rester dans la course et ne pas dépendre des solutions venues d’ailleurs. »
La prochaine étape
Alors que VLQ entre en service, les regards se tournent déjà vers la suite. EuroHPC travaille sur la mise en réseau des différents calculateurs, mais aussi sur le développement de logiciels et d’outils permettant aux chercheurs d’exploiter pleinement les capacités offertes. Car le matériel seul ne suffit pas : c’est tout un écosystème qu’il faut bâtir, allant de la formation des talents à la standardisation des interfaces. D’ici 2030, l’UE espère disposer d’une infrastructure quantique intégrée, capable de rivaliser avec les plus grandes puissances. L’inauguration d’Ostrava n’est donc qu’une étape – mais une étape décisive – sur ce chemin encore semé d’incertitudes technologiques.
