[Chronique] Ondes électromagnétiques des smartphones et risques pour la santé : où en est-on ?

Repartant d’une décision récente de l’Agence nationale des fréquences, notre chroniqueur Imed Boughzala fait le point sur l’épineux sujet de l’impact des ondes émis par les terminaux électroniques.

Ondes électromagnétiques des smartphones et risques pour la santéFaire preuve d’intelligence digitale, c’est aussi s’informer sur les bienfaits et les méfaits des technologies digitales (la « Digital literacy ») dont les mobiles et smartphones font partie.

Dans cette chronique, je souhaite traiter d’un sujet souvent négligé mais néanmoins crucial. Il a récemment fait l’actualité avec le retrait temporaire des iPhones 12 à la demande de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Il s’agit des risques liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques des téléphones portables intelligents (smartphones) mais plus largement de tout objet connecté (montre connectée, oreillette/casque sans fil, borne wifi, antenne relais, …).

En effet, l’utilisation omniprésente des téléphones portables dans notre société moderne a considérablement amélioré notre connectivité et notre accessibilité à l’information. Cependant, il existe une préoccupation croissante concernant les effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques émises par ces appareils. Plusieurs témoignages d’utilisateurs pointent du doigt certains effets comme les maux de tête intensifs et fréquents suite une nuit passée à côté d’un téléphone portable allumé, le réchauffement de l’oreille suite à un appel de longue durée, le déclanchement d’une hypersensibilité aux ondes du fait, entre autres, du port excessif d’une montre connectée ou d’une proximité physique quotidienne à une borne wifi ou une antenne de relais GSM…

Bien que la recherche sur ce sujet soit encore en cours, plusieurs effets négatifs potentiels méritent d’être pris en compte :

1. Risque de Cancer

L’un des principaux sujets de préoccupation est le lien possible entre l’exposition aux ondes électromagnétiques des téléphones portables et le cancer, en particulier le cancer du cerveau. Des études épidémiologiques ont produit des résultats contradictoires, mais certaines recherches suggèrent une augmentation du risque de gliome (un type de cancer du cerveau) chez les utilisateurs réguliers de téléphones portables, en particulier ceux qui ont utilisé ces appareils pendant de nombreuses années.

2. Troubles du sommeil

L’utilisation intensive des smartphones avant le coucher peut perturber le sommeil. La lumière bleue émise par les écrans des téléphones peut interférer avec la production de mélatonine, une hormone qui régule le sommeil. Les notifications constantes et les habitudes de vérification nocturne du téléphone peuvent également entraîner une mauvaise qualité de sommeil.

3. Stress et anxiété

La constante disponibilité des smartphones et leur émission d’ondes peuvent contribuer à une augmentation du stress et de l’anxiété. L’obligation de répondre instantanément aux messages et aux appels, ainsi que la comparaison constante avec les autres sur les réseaux sociaux, peuvent créer une pression psychologique supplémentaire.

4. Risque pour la santé reproductive

Certaines études suggèrent que l’exposition aux ondes électromagnétiques des smartphones peut avoir des effets néfastes sur la santé reproductive. Des recherches ont montré que le port du téléphone portable dans la poche peut réduire la qualité du sperme chez les hommes et affecter la fertilité.

5. Effets sur le cerveau et la mémoire

Des études ont examiné les effets potentiels de l’exposition aux ondes électromagnétiques sur le cerveau et la mémoire. Bien que les résultats ne soient pas concluants, il y a des indications que des expositions prolongées pourraient avoir un impact sur la mémoire à court terme et la cognition.

En somme, il est important de noter que la recherche sur les effets des ondes électromagnétiques des smartphones n’est qu’à ses débuts, et les résultats actuels sont souvent contradictoires. Cependant, il est essentiel d’être conscient des préoccupations potentielles liées à l’utilisation excessive de ces appareils et de prendre des mesures pour réduire l’exposition aux ondes électromagnétiques lorsque cela est possible. Cela inclut la réduction du temps d’écran avant le coucher, et la prise de pauses régulières lors de l’utilisation intensive du téléphone portable. La recherche future aidera à mieux comprendre les risques et à développer des recommandations plus précises pour l’utilisation des smartphones en toute sécurité.

Des préoccupations persistantes mais pas de liens de causalité clairs

Revenons maintenant au cas de l’iPhone 12. Ce modèle, comme la plupart des smartphones, est soumis à des réglementations strictes en matière de sécurité et d’émissions d’ondes électromagnétiques. L’annonce a fait l’effet d’une bombe : « l’Agence française nationale des fréquences, qui a la charge de contrôler l’exposition du grand public aux ondes électromagnétiques, a exigé qu’Apple retire – au moins provisoirement – l’iPhone 12 de la vente à compter du 12 septembre 2023. En cause, une mesure de l’indice DAS (Débit d’Absorption Spécifique)[1] supérieure à la limite autorisée ». Cet indice mesure l’exposition de l’utilisateur aux radiations électromagnétiques émises par son téléphone portable. Le DAS maximal autorisé est de 2 W/kg pour la tête et le tronc et de 4 W/kg pour les membres. Pour l’iPhone 12, l’AFNR a constaté une hausse de l’indice DAS qui l’amène d’être hors norme. Cette hausse concerne uniquement la mesure concernant les membres, qui a été évaluée à 5,4 W/kg. Ce qui a permis à Apple de ramener l’indice DAS de son iPhone 12 à un niveau conforme à la législation suite une mise à jour logicielle.

Les règlementations en matière de sécurité et d’émissions d’ondes électromagnétiques des smartphones sont en effet là pour minimiser les risques pour la santé. A travers les préoccupations et les débats concernant ces effets liés à l’exposition aux rayonnements électromagnétiques émis par les appareils, ces points sont à considérer :

  1. Le rayonnement non ionisant : Les smartphones émettent normalement des ondes électromagnétiques de faible puissance, qui sont classées comme rayonnements non ionisants. Ils ne sont pas assez énergétiques pour endommager directement les cellules ou l’ADN, comme le font les rayonnements ionisants (par exemple, les rayons X).
  2. L’exposition proximité-tête : Les préoccupations se concentrent souvent sur l’exposition à long terme aux ondes électromagnétiques pendant les appels téléphoniques, lorsque le téléphone portable est tenu près de la tête. Certaines études épidémiologiques ont suggéré une possible augmentation du risque de gliome, mais les résultats sont mitigés et n’établissent pas clairement une relation de cause à effet.
  3. La limite d’exposition : Les autorités sanitaires et les régulateurs imposent des limites strictes d’exposition aux rayonnements électromagnétiques. Les niveaux d’émissions sont règlementés pour rester bien en deçà de ces limites.
  4. L’utilisation prudente : Les experts recommandent des mesures simples pour réduire l’exposition aux rayonnements des téléphones portables, comme l’utilisation de kits mains-libres filaires de préférence ou de haut-parleurs pour les appels, le maintien du téléphone à une certaine distance de la tête, et la réduction du temps d’appel lorsque cela est possible.
  5. La recherche en cours : La recherche sur les effets potentiels sur la santé de l’exposition aux rayonnements des téléphones portables est en cours, et il n’y a pas de consensus définitif sur les risques à ce stade. De nouvelles études sont publiées régulièrement pour évaluer les effets à long terme.

En fine, bien que des préoccupations persistent, les preuves actuelles ne définissent pas clairement de lien de cause à effet entre l’utilisation des téléphones portables et des effets néfastes sur la santé. Il est cependant judicieux de prendre des mesures pour utiliser ces appareils de manière prudente, en suivant les recommandations des experts en matière de sécurité. « L’excès en tout est un défaut » comme le dit le proverbe.

Note : Ce sujet a été récemment abordé par la société Art-FI lors d’une conférence en octobre dernier dans le cadre du cycle des conférences/webinaires d’IMT-BS : les mardis du campus, dont l’objectif est d’ouvrir davantage le campus d’Evry sur son territoire local en sensibilisant aux enjeux sociétaux.

[1] Une partie de l’énergie transportée par les ondes électromagnétiques est absorbée par le corps humain. Pour quantifier cet effet, la mesure de référence est le débit d’absorption spécifique (DAS), pour toutes les ondes comprises entre 100 kHz et 10 GHz. Le DAS s’exprime en Watt par kilogramme (W/kg).