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Piloter une ESN : Éric Perrier, libérons notre potentiel

 

Pour sa chronique dédiée à la transformation des entreprises de services du numérique (ESN), Sylvain Fievet met en lumière un dirigeant dont la trajectoire détonne. Cofondateur et CEO de VISEO, Éric Perrier revendique 25 ans de croissance à deux chiffres, un chiffre d’affaires supérieur à 400 millions d’euros, plus de 3 000 collaborateurs présents dans 20 pays et un modèle d’actionnariat 100 % détenu par des personnes physiques. L’entreprise s’est développée en mobilisant ses ressources et des financements bancaires, sans fonds d’investissement au capital, en associant plus de 1 000 collaborateurs actionnaires. Sa persévérance et sa capacité à intégrer sans les étouffer des dizaines d’autres entrepreneurs en font un acteur singulier, à contre-courant d’un marché souvent en difficulté.

 

Je connais Éric Perrier depuis longtemps. Mais chaque fois que je le revois, je suis frappé par la constance de son discours et la cohérence de son parcours. Il ne cherche pas à séduire par des effets de manche : il avance, tranquillement mais sûrement, en tenant une ligne claire depuis 25 ans. C’est cette endurance, cette indépendance préservée, qui m’ont donné envie de le mettre en avant dans cette chronique. Car dans notre secteur, combien sont capables de revendiquer une telle trajectoire, sans céder aux pressions des fonds, en s’appuyant uniquement sur leur performance et sur le collectif qu’ils construisent ?

 

Un projet collectif qui change tout

 

En l’écoutant, je comprends mieux ce qui fait la singularité de VISEO. Plus de 1 000 collaborateurs actionnaires, une cinquantaine de managers impliqués dans la gouvernance, un chiffre d’affaires de plus de 400 millions d’euros construit sans levée de fonds spectaculaire. « VISEO est un projet collectif », insiste-t-il.
Je partage ce constat : quand on associe réellement ses collaborateurs à l’actionnariat, on change la dynamique d’une entreprise. Ce n’est plus seulement une aventure individuelle, c’est une responsabilité partagée. Éric a transformé une entreprise en communauté d’entrepreneurs. Et cela, dans le temps long, fait toute la différence.

 

Trente acquisitions, mais toujours un seul esprit

 

Quand il évoque ses près de 30 acquisitions, il n’utilise pas le vocabulaire habituel des dirigeants. Pas de « synergies », pas de « consolidations »… Il parle de rencontres. « Le M&A chez VISEO, ce n’est pas acheter des boîtes, c’est partager un projet. » Je trouve cette approche rafraîchissante et courageuse. Dans un monde où l’on absorbe vite et où l’on uniformise trop, Éric a choisi une autre voie : préserver l’énergie des entrepreneurs qui rejoignent son groupe, garder leur engagement, leur donner une place dans le collectif. C’est ce qui permet à VISEO d’être aujourd’hui présent dans 20 pays tout en restant lisible, cohérent et fidèle à son ADN.

 

Choisir les bons partenaires

 

Nous avons beaucoup parlé de ses partenariats technologiques. Là encore, il ne se cache pas derrière un discours convenu. « On ne peut pas avancer sans les éditeurs. Mais il faut travailler avec ceux qui investissent vraiment, qui assument une vision industrielle et qui donnent un vrai rôle à leurs partenaires. » Cette lucidité m’a frappé. SAP, Microsoft, Salesforce sont au cœur de son modèle, mais il ne se disperse pas. VISEO n’accumule pas les logos. Elle choisit avec exigence. Et c’est aussi ce qui fait la valeur de ce dirigeant : il ne cherche pas à être partout, mais à créer de la profondeur là où cela compte.

 

IA et data : là où tout se joue

 

Quand nous avons abordé l’IA générative, son regard s’est allumé. « C’est une révolution », dit-il sans hésiter. Une révolution qui bouleverse autant ses partenaires éditeurs que ses propres équipes et qui oblige à revoir les façons de livrer les projets et d’accompagner les clients. Mais là où d’autres se perdent dans le buzzword, Éric va à l’essentiel : « Il n’y a pas de bonne IA sans bonne data. La vraie guerre, aujourd’hui, c’est celle des gisements de données. » Je partage cette conviction : la bataille de demain n’est pas seulement de savoir qui fera la meilleure interface, mais qui aura les moyens d’exploiter, de structurer et de sécuriser ses données. Et là-dessus, VISEO veut être un acteur de confiance.

 

Un appel à libérer notre potentiel

 

À un moment de notre échange, Éric m’a lancé une phrase qui résonne encore : « Si VISEO avait été créée aux États-Unis, nous serions sans doute dix fois plus grands. » Pas pour comparer stérilement, mais pour interpeller notre propre écosystème. Comment se fait-il qu’avec autant de talents, d’entrepreneurs et de clients exigeants, il soit encore si difficile de grandir en France et en Europe ? Pourquoi tolérer cette complexité culturelle et administrative qui freine plus qu’elle ne soutient ? Son message est sans détour : « Nous devons être fiers de nos entreprises, fiers de nos entrepreneurs, fiers de nos savoir-faire technologiques. Arrêtons de nous apitoyer. »

 

Mon regard : plus qu’une réussite individuelle

 

En sortant de cet échange, je me dis que la trajectoire d’Éric Perrier est plus qu’une réussite individuelle. C’est une démonstration collective. Oui, on peut bâtir une ESN indépendante, croître à deux chiffres, fédérer des entrepreneurs et rester agile après 25 ans. C’est aussi une invitation à revoir nos propres réflexes. Trop souvent, nous doutons. Trop souvent, nous compliquons et oublions d’être fiers de ce que nous avons construit. Éric nous rappelle que notre potentiel est immense. À nous, maintenant, de le libérer.

 

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