Polytechnique suspend son partenariat avec Microsoft : un tournant pour la souveraineté numérique

 

Sous pression juridique et politique, l’École polytechnique renonce à migrer vers Microsoft 365. Une décision saluée par le CNLL, qui voit dans ce recul un signal fort après la polémique autour du contrat entre Microsoft et l’ESR.

 

C’est une volte-face symbolique. L’École polytechnique a suspendu son projet de migration vers Microsoft 365, point final – au moins temporaire – d’une affaire qui agitait depuis plusieurs mois la communauté scientifique et politique. Le Conseil national du logiciel libre (CNLL), qui s’était opposé au projet, salue “une victoire majeure pour la souveraineté de la recherche française”. L’affaire illustre le réveil d’un secteur longtemps jugé indifférent aux enjeux de souveraineté numérique. Car derrière ce contrat se cachait un risque juridique : celui de soumettre les données de recherche françaises au droit américain (Cloud Act, FISA). Le CNLL avait engagé une procédure précontentieuse, invoquant la non-conformité du projet avec le Code de l’éducation et plusieurs avis de la CNIL.

 

Un symbole au-delà de Polytechnique

 

Cette suspension intervient dans un climat encore tendu, après la controverse du contrat Microsoft avec l’École polytechnique dévoilée cet été, qui avait provoqué un tollé dans le monde académique et politique. À l’échelle européenne, l’équivalent de “la CNIL autrichienne” a depuis jugé illégal l’usage de Microsoft 365 Education, pointant des violations du RGPD liées au suivi des étudiants. Le parallèle n’échappe pas aux acteurs du logiciel libre. “La décision de Polytechnique et celle de la DSB autrichienne confirment que le modèle des clouds américains est structurellement incompatible avec le droit européen”, estime Stéfane Fermigier, co-président du CNLL. Selon lui, le problème dépasse la technique : “Penser corriger ces failles par des clauses contractuelles est un leurre.”

 

Un électrochoc pour l’enseignement supérieur

 

Si Polytechnique a cédé sous la pression, le CNLL alerte sur une dérive plus large. De nombreux établissements d’enseignement supérieur subiraient encore des pressions pour adopter des solutions non souveraines, au détriment des logiciels libres pourtant encouragés par la loi République numérique. Certains enseignants-chercheurs seraient même incités à abandonner leurs outils ouverts. Pour le CNLL, cette dépendance technologique fragilise la liberté académique autant que la sécurité nationale. Le collectif appelle les universités à faire respecter les obligations du Code de l’éducation et à adopter des solutions européennes.

 

Une souveraineté à construire, pas à déclarer

 

Le débat ne fait que commencer. Alors que la France multiplie les initiatives en faveur du cloud et du numérique de confiance, cette suspension marque une première victoire politique pour les défenseurs du logiciel libre. Mais elle révèle surtout l’ampleur du chantier à venir : celui d’un enseignement supérieur encore trop dépendant de fournisseurs extra-européens. La question n’est plus seulement de dire non à Microsoft, mais de bâtir un écosystème souverain crédible, capable d’offrir une alternative solide. Un enjeu stratégique que le CNLL résume en une phrase : “Il est temps de passer d’une logique de dépendance subie à une souveraineté assumée.”