Les startups françaises de la cybersécurité doivent naviguer entre financements complexes, nouvelles réglementations et besoins de partenariats. Entre guichets uniques, exigences européennes et montée en compétence, l’enjeu est désormais de se structurer pour mieux conquérir l’Europe.
Alors que la scène européenne plébiscite plus que jamais le renforcement de sa souveraineté numérique, l’accès des startups et des PME de la cybersécurité au marché européen apparaît comme essentiel. D’autant plus que celui-ci représente un réservoir considérable de financement, de partenariats et de débouchés pour les entreprises. “Notre objectif principal est de faciliter le financement européen en le rendant lisible et compréhensible”, a expliqué Carolina Liore, coordinatrice du NCC-FR. Incarné en France par l’Anssi, le Centre de Compétences Cyber Européen (ECCC) vise à améliorer la compétitivité cyber de l’Europe. Pour mener à bien ses missions et démultiplier son action, il s’appuie sur un réseau de Centres de coordination nationaux (les « NCC ») présents dans chaque Etat membre. Une mission essentielle pour résoudre en partie les problématiques informationnelles face à la multiplicité des aides disponibles.
Naviguer entre aides européennes et fragmentation réglementaire
“La difficulté, c’est moins le montant sur lequel peuvent compter les entreprises que l’information qui leur permet de savoir que ça existe”, a résumé Ronan Jourdain, directeur interrégional Ouest de Business France. Cette agence publique propose alors une solution facilitatrice pour les startups : la plateforme France-export.fr. Elle centralise des ressources incontournables (informations, contacts d’experts comme des avocats ou fiscalistes) et oriente les entreprises vers des marchés cibles, sans se limiter au secteur de la cyber. Elle donne aussi accès à un agenda de près de 400 événements annuels (salons, rencontres B2B, programmes d’accélération « boosters »). Ce site web, mis en place par la Team France Export (TFE) “contient tous les maillons d’une chaîne pour arriver sur les marchés étrangers”, a garanti Ronan Jourdain. Créée en 2018, la TFE regroupe en un guichet unique Business France, les conseils régionaux, BPI France et les Chambres de Commerce. Cet écosystème inclut de nombreux partenaires comme les conseillers du commerce extérieur, les douanes, l’INPI, et des acteurs privés.
L’enjeu européen : décrocher les bons financements, au bon moment
Guichet unique ou non, pour accéder aux aides ou programmes européens, les subtilités des demandes posent des problèmes de taille. ”Si vous souhaitez obtenir des fonds européens, il est très important de rédiger une proposition de qualité pour les autorités européennes”, a pointé Carolina Liore, précisant que la rédaction d’un tel document nécessitait au moins trois à six mois. Les nuances importent. En cybersécurité par exemple, deux programmes de soutien coexistent, Horizon Europe et Digital Europe, dont les taux de subventions varient. “Et avant cela, vous devez trouver le bon partenaire”, a-t-elle ajouté, ce que les organisations françaises peinent à faire. Le tout en respectant de nouvelles législations pouvant apparaître comme intimidantes pour de petites entités. Pourtant, cette nouvelle législation, NIS 2, “vise à renforcer le niveau de cybersécurité, mais aussi à harmoniser les exigences dans toute l’Union européenne”, a indiqué Emilie Musso, spécialiste du droit de la cybersécurité. Conséquence indirecte mais bénéfique : « Cela réduit les frontières commerciales pour les start-ups spécialisées dans la cybersécurité”, a-t-elle ajouté par la suite. Avec la disparition du besoin d’adapter ses solutions d’un État à l’autre, un véritable marché européen pour les produits et les services de cybersécurité semblerait s’ouvrir.
Stratégie de croissance : quelles armes pour les startups françaises ?
Il n’empêche que le pays d’origine d’une entreprise peut être déterminant. “La quantité des subventions publiques est une des particularités du marché français”, a renchéri Stéphane Klecha, fondateur de la banque d’affaires tech éponyme. De ce fait, celles-ci sont plutôt tournées vers l’innovation. D’autres startups, comme celles d’Europe du Sud par exemple, privilégient les rendements plus sûrs, ce qui peut augmenter leur capacité à scale-up. De manière générale, le banquier a recommandé de ne pas compter sur les aides publiques, reconnaissant être très regardant sur les capcités commerciales du fondateur de la startup. “La plupart des entrepreneurs se concentrent uniquement sur la technologie, c’est un désastre”, a-t-il révélé crûment. Ronan Jourdain a lui aussi reconnu le besoin de montée en compétence de ceratins dirigeants, comblés par des coaching proposés par Business France. L’occasion d’apprendre une autre qualité précieuse : la capacité à se regénérer, à se restructurer intérieurement. « C’est parfois très difficile pour les entrepreneurs de défaire ce qui a pris beaucoup de temps à être mis en place, comme lors d’une réduction des coûts, de licenciements ou d’une diminution des dépenses marketing”, a expliqué Stéphane Klecha.
Travailler en escadre pour briser les derniers verrous
La patience fait aussi partie des ingrédients nécessaires aux entrepreneurs selon Ronan Jourdain. “Mettre une stratégie en place, c’est sortir de l’opportunisme — auquel cèdent souvent les primo-exportateurs ou les jeunes entreprises — pour structurer une véritable démarche export”. À l’étranger, l’export collaboratif est même à privilégier. Le concept de “chasse en escadre, qui consiste pour les entreprises à se regrouper pour aborder les marchés étrangers, permet de partager les expériences, les contacts, les réseaux et d’apparaître plus fort et plus riche en termes d’offre. Cependant, toutes ces stratégies ne suffisent pas à résoudre certains obstacles conjoncturels comme le manque de compétences cyber ou encore le manque de visibilité à moyen ou long terme causé par, entre autres, des tensions géopolitiques.
