[Chronique] Un vent nouveau souffle sur le numérique français

Dans son nouveau billet d’humeur, notre chroniqueur Alain Garnier revient sur les actualités de l’écosystème de la rentrée, et notamment des signaux lancés par le ministre du Numérique.

Un vent nouveau souffle sur le numérique françaisConnaissez-vous l’histoire de l’éléphant et de la cordelette ? Quand il est enfant, on attache un éléphant avec une petite cordelette pour l’empêcher de se déplacer. Trop jeune pour s’en défaire, il finit par se résigner et accepter le fait que la corde est indestructible. Même une fois adulte l’éléphant n’essaie plus de se libérer alors qu’il ne lui faudrait pas plus d’une seconde pour être libre.

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Dans le cas du numérique, la domination Américaine est la corde autour du cou du numérique français que beaucoup perçoivent comme indestructible tandis que d’autres mettent tout en œuvre pour la retirer, ce qui génère des crispations fréquentes sur la question de la souveraineté. C’est notamment le cas à chaque fois que l’état ou une marque de grand nom choisit, par exemple, un Cloud américain plutôt que des opérateurs locaux, ou déploient un logiciel conçu outre-Atlantique (qui tournent bien souvent aussi sur des Cloud américains) plutôt qu’un fleuron national.

S’abat alors une vague de protestation mais aussi d’indignation et rapidement de résignation avec des francs-tireurs qui, dans le dos des acteurs locaux, se gargarisent de cette situation pour rappeler que l’écosystème n’est pas au niveau, ce qui amène les dits acteurs à s’indigner et à protester, le tout dans un indescriptible cercle vicieux de cacophonie. 

Mais ça… c’était avant !

Eh oui, car un vent nouveau souffle sur le numérique français, et ce vent est d’abord celui des réussites. Pas seulement les réussites des licornes développées à coups de millions d’euros de levées de fonds pour des valorisation à plusieurs milliards d’euros, mais aussi celles des Pégases (nouvel animal dans le bestiaire des entreprises et des startup), ces acteurs qui se sont construits en auto-investissement et qui commencent à peser. On les trouve dans le Cloud avec des acteurs tels que OVHCloud, Scaleway ou 3DS Outscale, CleverCloud ou Scalengo, mais également dans le secteur des logiciels B2B dans le SaaS et la cybersécurité avec Wallix, Oodrive, Interstis, Jamespot, Talkspirit, Linagora, Wimi, Whaller. Enfin, on en trouve en B2B2C avec Partoo ou Simplebo pour ne citer que ceux-là.

C’est ensuite un changement radical de parole de la part de l’ État lui-même. Hier, l’État était défiant vis-à-vis de ces acteurs du numérique et les yeux rivés sur les Licornes à visée transatlantique. Or, on sait depuis longtemps que la confiance est un socle indispensable à la réussite et à la croissance. C’est vrai dans une famille. C’est vrai dans le sport et c’est aussi vrai en entreprise. Croire en soi, c’est le job de l’entrepreneur qui navigue entre ses phases de doute pour tenir le cap. Cependant, tout entrepreneur a aussi besoin du soutien de la force publique qui représente l’Etat démocratique de l’opinion. Le ministre de l’Agriculture soutien les filières agricoles. Le ministre de l’Éducation soutient les professeurs. Le ministre de l’Industrie soutient ces industries, et ce sur le territoire national mais aussi à l’international.

Le numérique souffrait d’un ministre qui n’aimait qu’une partie de ses enfants : les Licornes.

Aujourd’hui, le ministre du Numérique est fier de toutes les réussites et l’État compte s’appuyer aussi sur ces Pégases pour faire réussir l’équipe de France du Numérique.

Cette nouvelle confiance s’est posée sans aucune ambiguïté lors de l’inauguration d’un nouveau Datacenter d’OVH à Strasbourg par le Ministre Jean Noel Barrot, suivi de son Ministre de tutelle et de l’Economie Bruno Le Maire, lui aussi convaincu que « produire industriel et local » est le nouveau paradigme. Un paradigme enfin soutenu par l’Europe et son positionnement, à travers son commissaire Européen Thierry Breton et la multiplication des lois de régulation visant à un rééquilibrage des forces en présence du numérique (DMA, DSA, Data Act ou encore le Cyber Résilience Act.)

On dit « qu’il n’y a pas d’amour mais que des preuves d’amour ». Un vent positif souffle sur la tech française et augure de sortir de la situation dans laquelle nous sommes depuis des années, tel l’éléphant attaché à sa cordelette, acceptant de manière asymétrique un asservissement et une paupérisation de notre économie, de nos valeurs et de nos cultures associées.

Un vent nouveau donc, frais et vivifiant. Pourvu que ça dure !