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Winner takes all : l’appétit des géants de la tech et l’indigestion de ceux qui les quittent

 

Ils ont été chahutés pour certains d’entre eux depuis des années. Antitrust, ralentissement de l’innovation, méfiance des consommacteurs… On a déjà pu prédire sous de nombreuses formes la fin du règne des géants de la tech. Et pourtant ! Un simple regard sur les actualités des derniers jours suffit à rappeler à quel point leur domination criante, installée depuis des années, continue de porter ses fruits, même par gros temps. Évidemment, on n’en attendait pas moins de Nvidia : lundi dernier, l’action du principal « fournisseur d’armes » de la guerre de l’IA a atteint un nouveau record pour devenir une nouvelle fois la plus grande capitalisation boursière de la planète. Pourtant, ce destin avait été mis en doute en début d’année, avec une chute brutale de la confiance face aux rivaux chinois, au contexte géopolitique et aux difficultés de chaîne d’approvisionnement. Mais Nvidia a profité de sa position de numéro 1 pour faire miroiter aux investisseurs la profondeur du futur marché mondial de l’IA et de celui de la robotique. « Nous travaillons pour qu’un jour il y ait des milliards de robots, des centaines de millions de véhicules autonomes et des centaines de milliers d’usines robotisées, tous alimentés par la technologie Nvidia » a martelé son patron Jensen Huang. De quoi se rendre encore plus incontournable qu’actuellement. Et les autres leaders, à l’image de Microsoft, montrent également qu’ils ont encore un appétit d’ogre, malgré la fronde de ceux qui vivent toujours plus mal cette omniprésence servie par le gigantisme.

 

Faim de croissance

 

Microsoft est sans doute l’archétype du géant maintes fois annoncé terrassé mais capable encore et toujours de surprendre. Jusqu’à devenir un acteur majeur de l’IA pour les entreprises, grâce notamment à son tumultueux partenariat avec OpenAI, et bien loin de son image de vétéran vieillissant de la tech… Copilot, tout comme le cloud Azure, se retrouvent aujourd’hui au cœur des nouveaux gains de la firme de Redmond. Dans une note publiée il y a quelques jours, les analystes spécialisés de Wedbush parient en effet sur la possibilité de générer par ce biais au moins 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires supplémentaires pour la seule année 2026. Une prédiction qui qualifie de « moment de grâce » le fait que l’IA est sur le point de remodeler la trajectoire de croissance de l’entreprise. Et un simple apéritif sans doute pour Satya Nadella, l’ambitieux Pdg du groupe.

 

L’axe Lyon-Copenhague

 

L’équation est simple : plus les géants sont grands, plus leur appétit pour la croissance et la domination de leurs marchés est vorace. Il leur faut être les premiers à s’imposer sur le futur de la tech pour espérer ne pas être dévorés à leur tour. Puits de science et comportements (commerciaux) excessifs : quelle réinterprétation moderne du Gargantua de Rabelais ! Mais pour d’autres acteurs, consommateurs des technologies des géants, c’est l’indigestion qui prévaut. Il a en effet été saisissant de voir les nouvelles des excellents résultats et prévisions des mégacorporations de la tech côtoyer ces derniers jours les communiqués de presse de ceux qui annonçaient les quitter. Des petites collectivités comme Ville-la-Grand en Haute-Savoie ou des métropoles comme Lyon tournent ainsi le dos à Microsoft et son Office 365. Au même moment, un pays comme le Danemark, qui va prendre la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet, a annoncé sortir de Windows et Office, précédé en la matière par ses deux grandes agglomérations, Copenhague et Aarhus. À chaque fois, les regards des frondeurs sont tournés vers l’open source, vu comme un symbole d’indépendance et de liberté d’action. Ce qui ne va pas sans conséquences en termes d’approche technologique, de responsabilité et de compétences. Mais les villes et ministères ne sont pas les seuls à s’agiter. Au sein de grandes organisations également, le ton monte. Certains directeurs du numérique le jurent : le prochain renouvellement de leurs contrats passés avec des géants, et en particulier la firme de Redmond, sera le dernier. De quoi se laisser quelques années pour opérer un délicat plan de sortie, mettre en musique l’intégration d’alternatives et accompagner les utilisateurs dans un important changement d’habitude et de culture. Les méthodes et pratiques de ces éclaireurs seront observées de près par ceux qui craignent de se « débrancher ». Le dirigeant d’une entreprise de 800 salariés confiait en effet récemment : « Sortir de Microsoft, c’est un changement tellement fort qu’il pourrait tuer mon entreprise… ». Et certains autres feront montre de plus de scepticisme encore : ceux-là espèrent sans doute pouvoir dominer eux-mêmes en surplombant depuis les épaules des géants, prenant le pari qu’ils ne souffriront pas de leurs appétits d’ogres.

 

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