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Antoine Petit (CNRS) : « Le grand public, comme le monde économique, est demandeur de science »

Antoine Petit fait partie de notre sélection de « 100 personnalités qui donnent du sens au numérique ». L’occasion pour Alliancy d’échanger avec cet expert sur les grands enjeux du CNRS face aux défis sociaux actuels.

Alliancy. A la tête du CNRS depuis 2018, comment votre devise « La recherche fondamentale au service de la société », se décline-t-elle ?

Antoine Petit (CNRS)

Antoine Petit (CNRS)

Antoine Petit. Depuis plus de 80 ans, le CNRS mène des travaux de recherche fondamentale qui se placent au meilleur niveau international. Mais, pour avoir un réel impact, il se doit d’avoir à cœur d’appliquer ses résultats dans trois des grandes composantes de la société que sont les grands défis sociaux ; le monde économique et industriel, et l’aide à la compréhension et à la décision.

Tout d’abord, concernant les grands défis sociaux, nous en avions identifié six, aux côtés de 40 priorités thématiques scientifiques à plus court terme, dans notre Contrat d’objectifs et de performance signé avec l’Etat, qui s’achève fin 2023. Telle l’intelligence artificielle, la santé et l’environnement ou le changement climatique…, ils sont vitaux pour notre planète et la science permet de mieux les aborder, les comprendre et les instruire. Elle est également là pour aider à identifier les pistes les plus prometteuses et contribuer à des solutions pertinentes. A nous ensuite au CNRS, de mobiliser des compétences inter et pluridisciplinaires autour de chacun de ces sujets de recherche à la fois avec une dimension sciences dures et/ou sciences humaines et sociales…

J’ajouterai aussi que les crises que nous traversons font que le grand public est demandeur de science. Aussi, mettre en avant ces défis sociaux auxquels nous contribuons est une manière de présenter la diversité de l’institution et son ancrage dans notre quotidien. En ce sens, notre rôle est donc bien de donner de l’information, mais pas de dire aux gens ce qu’ils doivent penser ! C’est ce que nous faisons par exemple avec des publications comme « Tout comprendre (ou presque) sur le climat » (lire encadré). Nous travaillerons de la même façon sur de prochaines publications traitant le nucléaire, le quantique, les vaccins…

Viennent ensuite les relations avec le monde économique et industriel…

Antoine Petit. Il faut faire beaucoup mieux dans le rapport entre le monde académique et le monde économique, sachant que les travaux du CNRS en matière de recherche fondamentale peuvent déboucher sur des innovations de rupture. C’est d’une part, tout le travail que nous menons avec notre filiale CNRS Innovation autour de la valorisation des projets de recherche (impliquant aussi les 13 SATT du réseau français), et également, tout ce qui se fait au sein des 220 laboratoires communs avec des industriels.

Aujourd’hui, le CNRS dispose d’un pool de 1 500 start-up qu’il souhaite mieux faire connaître auprès des VCs et des entreprises.

Aujourd’hui, entre 80 et 100 start-up de la Deeptech, issues de nos Unités mixtes de recherche (UMR) avec nos partenaires universitaires et de nos Unités propres de recherche (UPR) sont accompagnées chaque année… Et c‘est notamment dans ce cadre qu’un dispositif de pré-maturation a été mis en place dès 2014 dans le but de détecter et de soutenir les projets de recherche porteurs des innovations les plus prometteuses. Cet engagement très en amont accélère la valorisation que ce soit par un dépôt d’un brevet, la création d’une start-up ou la  poursuite de la maturation technologique (nouveau partenariat industriel). Par exemple, le CNRS a financé et accompagné 62 projets innovants en 2021, représentant un investissement de plus de 8 millions d’euros, budget qui a quadruplé sur les cinq dernières années…

Bilan 2021 des Labcoms

Et qu’en est-il des laboratoires communs ?

Antoine Petit. Depuis mars 2019, Jean-Luc Moullet occupe le poste de directeur général délégué à l’innovation. C’est une fonction que j’ai souhaitée mettre en place dès mon arrivée et dont l’objectif est de privilégier le dialogue avec les acteurs industriels, en ne transigeant jamais sur notre métier de base : faire de la recherche fondamentale, à horizon cinq-dix ans, voire plus. C’est par exemple le cas de ce que nous faisons avec Manoir Industries dans les aciers high-tech ; avec le groupe Poujoulat dans la sécurité incendie ; avec Learn&Go dans l’IA appliquée à l’éducation ; ou encore, avec Michelin dans de nouvelles techniques de modélisation pour les polymères…

Mais, si le CNRS est demandeur, les industriels le sont également dans un contexte où les entreprises doivent trouver de nouveaux partenaires et de nouveaux outils pour répondre aux nombreux défis sociétaux et environnementaux évoqués précédemment. Nous souhaitons donc en faire plus et poussons même, avec l’ANRT, sur le fait d’avoir un outil de soutien de laboratoires communs, financé à fois par le CNRS, les industriels et l’Etat… pour toutes tailles d’entreprises quel que soit leur secteur d’activité.

Sur un sujet majeur aujourd’hui, que veut dire « transition énergétique » pour un organisme tel le CNRS ?

Antoine Petit. Aujourd’hui, les missions du CNRS représentent 13 % de notre empreinte carbone. Après, il reste les 87%… Le CNRS a construit son plan de transition énergétique autour de quatre thématiques prioritaires, que sont les achats, le numérique, la mobilité et l’énergie. Aussi, chaque laboratoire, en fonction de son activité, cherche à diminuer son impact carbone, notamment pour tout ce qui est lié au bâtiment. A noter que nous disposons de plus de 900 000 mètres carrés de surfaces sur tout le territoire…

Quelques chiffres…

Le CNRS (ou Centre national de la recherche scientifique française) est l’une des institutions de recherche parmi les plus importantes au monde. Avec un budget de près de 4 milliards d’euros « en 2023, elle dénombre plus de 32 000 agents, moitié de chercheurs et moitié d’ingénieurs et techniciens… répartis dans 1 110 laboratoires en France et à l’étranger.

Par ailleurs, le CNRS accompagne entre 80 et 100 start-up par an, compte plus de 225 laboratoires communs sur des problématiques de recherche de long terme avec des industriels (1/3 avec des grands groupes comme Total Energies, Michelin, Naval Group, Thales… ; 1/3 avec des ETI et 1/3 avec des PME, voire des TPE).

Le CNRS lance régulièrement des « grands chantiers » en fonction de l’actualité. C’est le cas aujourd’hui autour de Notre-Dame (incendie), du sport (JO Paris 2024), des océans (Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable)…

 

Un livre pour mieux comprendre le changement climatique

Les ours polaires sont-ils vraiment victimes du changement climatique ? Quelle est la différence entre météo et climat ? La France est-elle préparée au changement climatique ? Cet ouvrage graphique, intitulé « Tout comprendre (ou presque) sur le climat », répond à ces questions et bien d’autres. Produit par le CNRS, il rend compte de ce que l’on sait vraiment sur le changement climatique, de la manière dont ont été construites ces connaissances, et détricote certaines idées reçues (CNRS Editions, mars 2022).

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