Alliancy

Apprenons à déconnecter !

Couverture du livre de Catherine Lejealle : « J’arrête d’être hyper connecté – 21 jours de detox digitale »

A l’occasion de la sortie de son nouveau livre, « J’arrête d’être hyper connecté – 21 jours de detox digitale »*, Catherine Lejealle, sociologue, professeur associé à PSB Paris School of Business, revient sur cette relation – parfois envahissante – que nous entretenons avec nos téléphones portables et autres objets connectés.

Alliancy, le mag. Comment en est-on arrivés là ?

Catherine Lejealle. L’hyper connexion est arrivée progressivement et insidieusement sans que nous soyons addicts pour autant. Elle résulte de l’évolution conjuguée des objets de connexion (mobile, tablette, ordinateur), devenus de plus en plus performants et multiples (appareil photo, lecteur MP3…), de la qualité des réseaux 4G et des forfaits illimités accessibles pour quelques 20 euros mensuels. Les limites et les freins ainsi levés, nous avons alors pris l’habitude de transférer des usages vers le mobile et aussi de céder à la tentation en ajoutant des usages. Se passer de mobile aujourd’hui, c’est bien plus que renoncer à un téléphone. C’est devoir penser aux codes d’immeuble et à des plans de quartier et se compliquer la vie, mais aussi se couper du réconfort et de l’amusement de la lecture des notifications ou selfies de nos proches.

Est-ce réellement un danger ?

Tout à l’euphorie du partage, de l’échange et de la découverte de nouvelles informations, nous nous sur-stimulons en remplissant un moment de pause par une recherche en ligne ou l’envoi d’une photo, nous pensons être des déesses Shiva multitâches, alors que notre cerveau sature au bout de deux activités en parallèle, et apprécierai un temps de respiration. A long terme, une fatigue chronique peut s’installer, un sentiment de manque de concentration et d’attention voire un petit burn-out.

D’autres dangers existent ?

Un autre versant de l’hyper connexion que les plus jeunes (les Y et les Z) perçoivent comme épuisant est l’engrenage de selfies et de la construction de son identité numérique. Grisante, la mise en scène de soi prend du temps et demande d’alimenter son aura médiatique en nourrissant son public d’informations sans cesse renouvelées. Ils n’ont jamais un moment de répit. La place du lecteur n’est guère plus confortable car le récit de la vie des autres leur donne l’impression que la leur est fade, leur fait perdre de l’estime de soi. Pire encore, elle les incite à zapper d’une soirée à une autre, avec la Fear of Missing Out (Fomo), car ils ont le sentiment que la soirée où ils ne sont pas est mieux et qu’il ne faut pas la manquer.

Quelle méthode préconisez-vous pour éviter cette  » intoxication numérique  » ?

Le programme de détox digitale que je propose sur 21 jours est ludique et comprend des défis à faire avec les proches. Il s’agit alors de réfléchir ses usages pour comprendre ceux qui nous font gagner du temps ou nous font plaisir et ceux qui sont à supprimer ou réduire. Ces usages actuels optimisés, c’est aussi découvrir des usages qui pourraient nous apporter quelque chose et comprendre ceux qui arrivent notamment avec les objets connectés, le big data, la réalité augmentée ou encore le quantified self. Maîtriser, c’est avant tout comprendre et décider de ce qu’on fait sans subir.

La majorité des plaintes liées à la connexion porte sur la porosité des univers privé – professionnel (surtout les débordements dans la sphère privée lorsque le conjoint répond à ses mails pendant les vacances et les weekends) et la pollution liée au mail au travail. Vécu comme une fatalité par les salariés, des solutions existent pourtant, nous permettant de retrouver notre maîtrise du temps. Pensons à Thorstein Veblen, penseur du XIXème siècle, qui soulignait que la maîtrise de son temps est signe de pouvoir… J’ajouterai de  » respect de soi « .

Peut-on imposer des limites à la technologie ?

Face aux messages entrants qui arrivent toutes les cinq minutes, le salarié perd de vue ses priorités : revenons à la matrice d’Eisenhower ou méthode des 1 000 pour organiser nos tâches en fonction de ce qui est urgent/pas urgent et important/peu important. Le risque majeur est de nous laisser embarquer à répondre aux demandes entrantes uniquement vers ce qui est peu important et urgent (pour les autres) et finalement contribue très peu à la réalisation de nos objectifs personnels. Rédigeons chaque matin notre TO DO liste et n’en dérogeons pas.

Appliquons les règles simples de gestion des mails entrants qui existent et décidons de travailler par tranches de 30 minutes sans interruption (donc en résistant à la lecture au fil de l’eau des messages qui arrivent) pour ensuite traiter les messages arrivés. Réduire les interruptions et la fragmentation de son activité est vertueux aussi bien pour la qualité du travail fourni que pour soi-même. Par ailleurs, l’utilisation d’outils de travail spécifiquement conçus pour le travail collaboratif tels que Doodle et Dropbox, fait chuter drastiquement les envois de mails collectifs, le mail n’étant pas optimal pour cet usage. Enfin, ne pas oublier qu’aller voir ses collègues n’est pas interdit et permet, dans certains cas, de grouper les demandes et de gagner en efficacité.

* Editions Eyrolles. Sortie le 12 mars. Pour voir le sommaire, cliquez ici.

Selon une étude conduite par l’Institut Apigee*, la possession d’un appareil mobile change de façon significative de nombreux aspects de la vie quotidienne…

  • 92 % des personnes interrogées ont déclaré que leur smartphone a changé la façon dont ils contactent leurs amis ;
  • 84 % que ça a changé la façon dont ils font leurs courses ;
  • 78 % que cela a changé la façon dont ils gèrent les services de leur banque ;
  • 70 % que cela a changé la façon dont ils regardent la télévision et les films ;
  • 65 % que cela a changé la façon dont ils font leur travail.
  • 58 % que cela a changé la façon dont ils gèrent leur santé ;
  • 49 % que cela a modifié la façon dont ils rencontrent…

* Etude conduite auprès de 1 000 participants à l’automne 2014 par l’Institut Apigee aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sur les habitudes de comportements des propriétaires de smartphones et leur niveau « d’aplidiction ».

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