Chez GRTgaz, le DRH a fait du télétravail un sujet de transformation globale

Interview issue de notre guide « Nouveau monde du travail : quelles priorités pour les DRH ?» disponible en téléchargement

Hervé Rambaud est le directeur des ressources humaines de GRTgaz. Cette filiale d’Engie est le deuxième transporteur de gaz européen, avec 32 500 km de canalisations et 640 TWh de gaz transporté, pour un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros. Hervé Rambaud revient sur les enjeux de transformation pour les 3 000 salariés de l’entreprise et sur les nouvelles attentes qu’ils induisent vis-à-vis de sa direction.

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Hervé Rambaud, directeur des ressources humaines de GRTgaz (filiale d’Engie)

En octobre dernier, vous avez communiqué sur vos engagements dans la transition énergétique. Est-ce un pan important de votre marque employeur ?

Hervé Rambaud : Oui, sans aucun doute. La transition énergétique est notre plus gros défi. Il y a chez nous 27 métiers différents, susceptibles d’évoluer profondément au fur et à mesure que nous verdissons notre offre : méthanisation, pyrogazéification, hydrogène, gazéification hydrothermale, respect de l’environnement autour de nos chantiers…

C’est tout sauf un sujet « cosmétique ». Nos activités intègrent de plus en plus d’instrumentation, d’automatisme, d’analyse de la donnée et de cybersécurité.

« Nous exerçons dans un secteur d’activité très normé : le gaz, c’est dangereux. La culture d’entreprise fait donc la part belle à la sécurité… Cela ne s’accorde pas forcément avec la prise d’initiatives. Cependant, je souhaite… Cliquez pour tweeter

Passer des gaz fossiles aux gaz renouvelables ou neutres, c’est donc un enjeu business, un enjeu sociétal et aussi un enjeu RH comme vous le suggériez. Pour l’hydrogène, c’est encore un peu tôt – même si un démonstrateur est déjà en place – mais nous avons besoin dès maintenant de compétences sur le biométhane, par exemple. Et nous voulons montrer aux jeunes que nous ne sommes pas une entreprise fossile – dans les deux sens du terme !

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La crise de 2020 a permis de mesurer la capacité d’adaptation de chaque entreprise. Qu’en est-il chez vous ?

H.R. : En mars 2020, nous avons vécu un Big Bang, comme tout le monde. Et avec le recul, nous nous en sommes plutôt bien sortis. Nous avons beaucoup appris sur notre capacité de résilience. Nous avons basculé vers les outils de télétravail avec rapidité et souplesse, y compris pour nos échanges avec les partenaires sociaux.

Nous avons gagné plusieurs années en termes de digitalisation. Mais surtout, nous avons revu complètement l’organisation du travail. Nous avons signé fin mai un accord portant sur les nouvelles modalités de télétravail. J’ai mené avec mon équipe les négociations pendant neuf mois, à distance, entre septembre 2020 et mai 2021.

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Et attention : nous avons pris soin de ne pas réduire le télétravail au seul sujet de la présence sur site. Pour nous, c’est une approche globale, avec des impacts sur l’immobilier, la façon de manager, le droit à la déconnexion… J’ai poussé en tant que DRH cette démarche de transformation, j’ai posé le projet sur la table du Comex. J’étais aligné avec mon DG, mais ensuite il nous a fallu plusieurs mois de débats pour élaborer le dossier avec nos collègues.

Vous venez de parler de vos managers : quelles difficultés avez-vous repérées ?

H.R. : Il s’agit pour moi de les rendre plus autonomes. Nous exerçons dans un secteur d’activité très normé : le gaz, c’est dangereux. La culture d’entreprise fait donc la part belle aux cadres, aux précautions, à la sécurité… Cela ne s’accorde pas forcément avec la prise d’initiatives.

Lorsqu’il a fallu gérer le télétravail des équipes (qui télétravaille, quand et comment), nous avons confié aux managers ce nouveau rôle : sans cadre justement. Nous avons souhaité qu’ils prennent le sujet en main. Mais nous avons bien vu qu’ils se sentaient perdus.

J’ai donc monté un dispositif d’accompagnement, baptisé « Good ». 96 % de nos managers y ont participé, à commencer par le Comex.

J’ai également proposé aux managers les plus expérimentés et les plus appétents le dispositif des « Relais » : ils jouent un rôle d’ambassadeurs dans toutes les transformations de l’entreprise, à commencer par le digital.

Nous proposons par exemple des formations aux outils collaboratifs : cet accompagnement fait partie de mes priorités. Le digital est une source de performance. Notre e-learning consacré au télétravail a déjà été suivi par plus de 2000 salariés sur 3000.

Comment qualifiez-vous le rôle du DRH ?

H.R. : La fonction RH a tout son sens quand elle prend de la hauteur, quand elle songe à l’avenir. Je m’entends bien avec mon DG, c’est un facteur de suc­cès. Je suis en connexion parfaite avec la DSI, également. On se connaît depuis longtemps, mais on n’avait jamais autant travaillé ensemble que durant la crise. Par exemple, nous avons décidé d’envoyer aux collaborateurs qui saisissaient un e-mail après 19 heures, un petit message automatique : « Êtes-vous sûr(e) de vouloir l’envoyer maintenant ? De toute façon, il ne partira que demain matin. »

Le DRH doit avoir un rôle d’aiguillon, mais aussi de facilitateur. Il ne décide pas forcément, mais il a de l’influence. C’est du soft power.