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[Tribune] « L’intelligence artificielle sert avant tout l’efficacité opérationnelle des équipes »

Julien Mathis, le PDG de l’éditeur de logiciels de supervision informatique Centreon, explique que le bénéfice de l’IA sera de soulager les salariés du stress qu’ils éprouvent face au déferlement des alertes, battant en brèche l’idée qu’elle pourrait concurrencer leurs compétences. 

Julien Mathis le PDG de léditeur de logiciels de supervision informatique Centreon

Julien Mathis le PDG de léditeur de logiciels de supervision informatique Centreon

Il est sans doute utile de resituer l’objectif de l’intelligence artificielle : soulager. Abolir le stress d’équipes qui, sur le terrain, sont de plus en plus submergées par les incidents d’un monde qui accélère. Contrairement à ce que l’on peut lire sur des billets sans doute écrits dans le feu de l’action, personne n’a vocation à remplacer les humains par des algorithmes. Cela ne fonctionnerait en rien. Ni sur le plan éthique. Ni en pratique, puisque l’analyse est performante au détriment de l’intuition. Ni même d’un point de vue juridique. L’intelligence artificielle est un ajout pour apporter du confort.

Le contexte dans lequel je m’exprime est celui du pilotage des opérations informatiques. C’est un domaine qui s’étend du besoin impérieux de supervision à la nécessaire adéquation de l’IT aux enjeux commerciaux de l’entreprise.

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Au fil des années, les professionnels de ce milieu ont pu bénéficier de tableaux de bord toujours plus performants pour montrer les problèmes. L’un des progrès a notamment été de réduire le nombre de clics qu’un opérateur doit effectuer pour arriver plus rapidement à la cause d’un dysfonctionnement. Pour autant, alors que je visitais une entreprise qui se félicitait de gagner en réactivité sur la résolution des incidents grâce à de tels outils, l’écran de mon interlocuteur s’est soudainement retrouvé assailli par une tempête d’alertes. Il était conscient de son impuissance face à une telle situation. Ne serait-ce qu’à cause du stress engendré par une telle profusion.

Le problème auquel était confrontée cette entreprise était en définitive moins dû à la précision technique de ses outils qu’à l’épuisement de ses salariés. De la même manière que les centres logistiques ont appris à ménager leurs travailleurs, à prendre en compte la fatigue de leur squelette, il devient essentiel de considérer l’impérieuse nécessité de confort des responsables informatiques face aux alertes.

Soyons plus précis. Une entreprise a à cœur que ses systèmes soient disponibles. Mais ce qui compte réellement est qu’ils atteignent le bon niveau de performances, celui à partir duquel les activités ne seront pas impactées. Or, déterminer un niveau de performances est bien plus subtil, demande bien plus de disponibilité et de confort, que visualiser une panne technique.

Par exemple, mettre à jour une application a plus de chances de dérouter les utilisateurs, qui ne trouvent plus les fonctions qu’ils cherchent, que de provoquer une défaillance informatique. Mais les seuls qui peuvent objectivement s’en rendre compte sont ceux qui accèdent aux relevés techniques de cette application. Des relevés impossibles à vérifier si ce personnel est par ailleurs noyé sous les fausses alertes d’autres incidents finalement sans conséquence.

L’intelligence artificielle porte l’enjeu d’établir le modèle de fonctionnement optimal, qui sert à poser tous les bons seuils d’alerte, autant sur la technique qu’en ce qui concerne les activités commerciales. Elle remplace la fatigue des alertes par la qualité des alertes, elle permet de prioriser le travail. Elle souligne aussi le lien qui existe entre des données très techniques et des intérêts économiques. Par exemple, elle mettra en exergue les ressources inutiles qu’une entreprise continue de payer en cloud.

Et il ne s’agit pas seulement de favoriser le diagnostic d’une situation présente, il s’agit aussi, grâce au Machine Learning, de mieux prédire les situations à venir, à partir de signes avant-coureurs invisibles à l’œil nu. En superposant les événements en amont d’une situation qui se passe bien et ceux en amont d’une situation qui se passe mal, l’IA identifie très efficacement les signaux faibles qui vont conduire à un problème. C’est ainsi que, un jour, notre IA a pu déterminer qu’une panne survenue sur le site web de Centreon avait pour origine un débit d’entrée-sortie trop élevé sur une base de données. Grâce à cela, nous verrons désormais arriver la prochaine panne et nous pourrons l’éviter. L’intelligence artificielle apporte ainsi du temps, pour intervenir plus efficacement, pour mieux anticiper les opérations de supervision informatique. 

Doit-on aller jusqu’à laisser l’IA corriger elle-même les problèmes ? Uniquement dans une certaine mesure. Dans les cas simples, lorsqu’il faut juste redémarrer un système, ou ajouter de la capacité de stockage à une machine virtuelle, l’auto-remédiation va s’imposer. Car ce sont des situations si fréquentes qu’elles peuvent être automatisées. En revanche, dans des situations plus complexes, l’intuition de l’humain reste indispensable : lui seul peut déterminer quand il est temps de changer un serveur qui plante régulièrement. Pour le dire clairement, l’IA n’a pas vocation à niveler par le bas les compétences des responsables techniques. Elle sert à rendre leurs compétences plus efficaces.

Je veux croire que les personnels techniques seront rapidement convaincus des avantages que leur apporte l’IA. C’est là la clé pour que, demain, les collaborateurs puissent manipuler des outils qui les assistent, qui leur montrent l’invisible, qui les conseillent sur la meilleure marche à suivre, qui automatisent leurs tâches répétitives et qui, in fine, contribueront à démultiplier leur productivité.

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