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Jean-Marc Vermorel (Pôle Emploi) « Dix principes de fonctionnement qui favorisent la coopération dans un environnement de travail numérique. »

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Jean-Marc Vermorel est directeur de la performance par la confiance, au sein de Pôle Emploi. Il nous explique comment le numérique, notamment dans cette période si particulière, peut faciliter la transformation culturelle et managériale d’une organisation.

Alliancy. Quel est le périmètre de responsabilité d’un directeur de la performance par la confiance ?

Jean-Marc Vermorel, directeur de la performance par la confiance de Pôle Emploi

La « performance par la confiance » est une équipe créée sur la volonté de notre direction générale en octobre 2017 pour expérimenter d’autres styles d’organisation du travail, plus « contemporains », basés sur le sens de l’action, l’autonomie, la responsabilité et l’initiative. Pour un grand établissement public comme le nôtre, c’est une inflexion culturelle majeure, avec des ramifications dans toutes les agences pour que se développent les initiatives et les responsabilités individuelles et collectives.

Nous sommes onze dans l’équipe, plus des personnes relais en régions, pour accompagner 53 000 agents et mieux conduire le changement. Notre objectif est de sortir des relations managériales classiques, pour créer davantage de liens transversaux, favorisés par la convivialité. La démarche engagée sur vingt agences pionnières a été élargie en 2019 à tous les collectifs de travail sur la base du volontariat et en s’appuyant sur ce « laboratoire interne ».

Cela vous a-t-il aidé face à la période difficile de la crise sanitaire ?

Jean-Marc Vermorel. Pôle Emploi a plutôt bien traversé la période de confinement. Il y a une importante augmentation d’activité, avec plus de 800 000 appels supplémentaires pendant la période de confinement et près de 9 millions de courriels par exemple… Mais nous avons pu relever le défi, car nous avions engagé le programme « Un agent, un portable » permettant à chacun plus d’autonomie, avec son ordinateur portable, dans une optique de télétravail. Pendant cette période, le niveau d’implication des collaborateurs a été très fort. Or, c’est bien ce que l’on recherche avec notre démarche de transformation. Cela nous a donc confortés dans notre orientation.

Quelles sont vos responsabilités concernant l’évolution de l’environnement de travail numérique des collaborateurs de Pôle Emploi ?

Jean-Marc Vermorel. Pendant le confinement, le sentiment de mission au service des chercheurs d’emploi s’est prolongé par visioconférence et au téléphone. Il nous a fallu développer au maximum pour eux la facilitation à distance. En termes d’outils, nous nous sommes appuyés sur Skype et Teams notamment. Mais notre mission a aussi été de créer des moments clés de coopération, avec l’aide du réseau de facilitateurs sur le territoire. Nous avons mené la réflexion et la communication autour des fondamentaux de la coopération : quels sont les impératifs, les règles, les réflexes à avoir. Nous avons également créé des communautés pour permettre aux équipes de préparer leurs moments de coopération et les aider à se prendre en main en toute autonomie.

Cela était complémentaire des aspects plus techniques, avec des coffee breaks réguliers, permettant de découvrir et d’approfondir des technologies particulières. Notre mission est bien d’aller au-delà de la capacité technologique fournie par les outils, pour avoir un accompagnement global sur le processus coopératif, ses usages et apprentissages.

Que doit-on attendre des outils qui composent ce nouvel environnement de travail numérique des collaborateurs ?

Jean-Marc Vermorel. On peut le résumer en disant qu’à aucun moment le système ne doit devenir une contrainte. Avant la période complexe du confinement, nous utilisions déjà tous des outils numériques pour travailler. Seulement aujourd’hui les attentes sont plus fortes sur les impératifs d’usage. Vision partagée, centré usagers et performance, responsabilité et engagement, subsidiarité, inspiration, agilité, intelligence collective, gouvernance partagée, maturation et apprentissage par l’action, liberté de parole, ce sont les dix principes qui nous paraissent prioritaires. Par exemple, en matière de gouvernance partagée, il faut absolument rendre plus facile et permanent le fait de recueillir les avis des utilisateurs pour sans cesse s’améliorer. La crise a décuplé l’importance de cette boucle de retour et les outils digitaux sont efficaces pour ça. Nous avons pu déjà profiter d’un tel système de retour sur la coopération en présence directe pour nous aider sur la coopération à distance.

Quelles sont les attentes pour demain ?

Jean-Marc Vermorel. La question est plus difficile qu’elle n’en a l’air, que ce soit chez les agents ou les demandeurs d’emploi eux-mêmes. Le sentiment est paradoxal chez tous les utilisateurs : tout le monde se dit, à raison, que les outils digitaux actuels permettent déjà de faire énormément. En même temps, cela ne suffit pas ! Une des priorités est de parvenir à créer un environnement mixte, qui permette aussi de faciliter la coopération physique et digitale. Il faut pouvoir combiner intelligemment les demandes sur la coopération numérique et cet aspect de la présence directe. Donc les attentes pointent vers une logique « à la carte », qui permette de combiner beaucoup plus facilement les outils et les pratiques.

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Ce sont des exigences de temps réel et d’ouverture bien sûr, mais aussi d’agilité et d’animation. Il faut sortir des risques d’un mode « totalement passif » chez les collaborateurs ; ce que peut provoquer le digital. J’estime par ailleurs que les outils bénéficieraient d’une plus grande automatisation pour les tâches les plus rébarbatives, quand il s’agit d’adapter les réunions ou les styles de coopération par exemple. Un plus serait de ne pas avoir systématiquement à refaire toutes les invitations manuellement, mais pouvoir changer facilement d’un grand groupe à un petit groupe de personnes et vice versa. Malgré les progrès techniques accomplis, cette agilité reste très rudimentaire pour le moment.

Le dialogue avec les équipes IT vous paraît-il adéquat sur le sujet ?

Jean-Marc Vermorel. On ne peut pas dire aujourd’hui que le sujet de l’environnement de travail numérique soit un sujet IT. Au-delà des RH eux-mêmes, il n’a de sens que s’il se diffuse vraiment dans tout l’établissement. Dès que l’on affiche cette volonté, je ne trouve pas que le dialogue soit si difficile entre les parties prenantes. Il faut créer une dynamique globale de groupe, génératrice de fierté d’appartenance à un tel projet de transformation. C’est ce que nous avons remarqué avec une enquête IPSOS interne suite à la période de confinement : nous avons eu un très haut niveau de fierté d’appartenance à l’établissement grâce à la qualité de la réaction et de la coopération permise pendant la période difficile. Et c’était une approche commune globale, pas la question d’un outil en particulier. Le point sur lequel il faut vraiment insister, c’est celui de la facilitation. Or, la facilitation, c’est le contraire de la pyramide classique sur laquelle s’appuient encore de nombreuses organisations. Le nouvel environnement de travail doit permettre cette transformation organisationnelle.

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