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L’hydrogène, vecteur de la révolution énergétique

Lorsqu’on choisit une carrière de marin, c’est avant tout pour la liberté, le grand bleu et le grand air. C’est pour ça que je suis devenu officier de marine marchande, et que j’ai fait de la course au large ma passion. Mais aujourd’hui, près de 90 000 navires de commerce naviguent sur nos océans au fioul lourd. Ils transportent des millions de passagers, mais aussi 90 % de nos marchandises, au premier rang desquelles… du pétrole. Près de la moitié de ces marchandises sont des énergies fossiles, ressources épuisables et polluantes : du pétrole, du charbon, du gaz naturel, des produits pétroliers… En d’autres termes, nous polluons pour transporter des matières polluantes.

Victorien Erussard, fondateur et capitaine d’Energy Observer

Victorien Erussard, fondateur et capitaine d’Energy Observer

L’utilisation du fioul lourd par ces navires est un désastre pour notre planète et pour notre santé, rejetant d’immenses quantités de CO2, des oxydes de soufre et d’azote. Songez qu’à Marseille, on respire sur le port 60 000 particules ultra-fines par centimètre cube d’air : jusqu’à 20 fois plus que dans la ville. Et quand on se trouve à bord d’un paquebot de croisière, la pollution est multipliée par 70. C’est lors d’une course transatlantique, alors que je me trouvais sans énergie, en plein milieu de l’océan, que j’ai réalisé que j’avais tous les éléments à portée de main pour être auto-suffisant : le soleil, le vent et l’eau. Des ressources renouvelables et inépuisables, que j’avais négligées par habitude du fossile.

Devant ce constat, j’ai voulu relever le défi d’un navire capable de combiner le confort de la navigation à moteur avec la liberté d’un bateau à voile. Un bateau capable de puiser son énergie dans la nature, sans l’abîmer et sans la gaspiller. Un prototype pour poursuivre la voie de l’exploration technologique telle qu’initiée par des projets comme Planet Solar sur la mer ou Solar Impulse dans les airs. Seulement voilà : les énergies renouvelables sont par essence intermittentes, il faut donc pouvoir les stocker. Les batteries ont fait de gros progrès, mais restent lourdes, avec une capacité de stockage limitée dans le temps, et elles font appel à des métaux rares dont l’extraction soulève de nouveaux problèmes environnementaux, économiques et éthiques. Il est donc nécessaire de développer d’autres technologies décarbonées.

C’est Nicolas Hulot qui m’a soufflé l’idée de la pièce manquante au puzzle : l’hydrogène. L’élément le plus abondant et le plus léger dans l’univers, disposant de propriétés énergétiques remarquables. 4,1 fois plus d’énergie par unité de masse que le charbon, 2,8 fois plus que l’essence et 2,4 que le gaz naturel. Produit de manière décarbonée et utilisé comme un vecteur énergétique, au même titre que les électrons renouvelables, il est le chaînon manquant pour passer d’une transition à une véritable révolution énergétique.

Energy Observer l’utilise comme stockage long terme en complément de ses batteries. En période d’excédent ou de sous-consommation énergétique, les énergies renouvelables permettent de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau de mer, le procédé qui permet de dissocier les molécules d’oxygène (O2) et d’hydrogène (H2), qui sera compressé et stocké dans les réservoirs. En période d’insuffisance ou de surconsommation énergétique, ce même hydrogène est converti en électricité grâce à la pile à combustible, permettant de prolonger l’autonomie du navire.

C’est un système de production circulaire et vertueux, qui fait d’Energy Observer le modèle réduit du monde énergétique de demain : un smart grid flottant, qui produit un courant électrique décarboné, décentralisé et digitalisé. @energy_observer

Ce navire, nous l’avons construit à Saint-Malo, avec des architectes navals, des marins professionnels et les ingénieurs du CEA-Liten. Depuis sa mise à l’eau en avril 2017, il a parcouru plus de 6000 milles nautiques grâce à ce système énergétique, et poursuit actuellement son odyssée en mer Méditerranée pour tester et développer ces technologies en milieu extrême. 

L’hydrogène peut nous aider à atteindre les objectifs ambitieux de l’Accord de Paris, dans le prolongement de la COP21, à l’horizon 2050. Aujourd’hui, avec mon équipage, nous naviguons grâce à lui pour prouver que la transition écologique est possible dès maintenant, mais aussi pour partir à la rencontre de ceux qui innovent concrètement pour la planète. Nous en rapporterons des films pour partager largement leurs solutions.  Notre initiative a reçu le soutien du président Emmanuel Macron qui nous a accordé son Haut Patronage, et j’ai pour ma part l’honneur d’avoir été nommé premier ambassadeur des Objectifs de développement durable pour la France. A ce titre, j’ai pour mission de montrer comment les populations se mobilisent pour une transition écologique solidaire, parce que la sauvegarde de la planète doit se faire au bénéfice de tous.

Nous avons en France toutes les compétences pour faire de l’hydrogène un pilier du monde énergétique de demain, avec des chercheurs au meilleur niveau et des entreprises innovantes. Aujourd’hui, 39 multinationales du transport, de l’énergie et de l’industrie, telles que Engie, Air Liquide, Toyota, Alstom, McPhy et PlasticOmnium, se sont réunies dans un consortium appelé l’Hydrogen Council, pour établir une feuille de route commune et convaincre les décideurs de l’importance de l’hydrogène dans la nécessaire transition énergétique. Leurs savoir-faire démontrent chaque jour que l’hydrogène a sa place dès maintenant sur des bateaux, mais aussi sur terre, dans des trains, des camions, des voitures et même sur des vélos. Complémentaire de la batterie, l’hydrogène réconcilie les véhicules électriques avec les longues distances grâce à une autonomie plus longue (jusqu’à 500 km pour la Toyota Mirai) et à un temps de recharge plus court (3 à 4 minutes). Paris est d’ailleurs la première ville au monde à avoir sa flotte de taxis à hydrogène : Hype.

Ce matin, Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, doit annoncer un plan national de déploiement de l’hydrogène pour la France, à partir d’un rapport initial piloté par Florence Lambert, directrice du CEA-Liten, et des services du ministère ; tous deux sont les parrain et marraine d’Energy Observer. En tant que capitaine de ce navire, je suis fier de voir que notre initiative aura contribué à concrétiser leur vision commune. En tant que citoyen, je me réjouis de voir que leur collaboration va aujourd’hui permettre d’accélérer la transition énergétique.

Je souhaite donc bon vent à l’hydrogène.

 

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