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Nicolas Mangon (Autodesk) : « Faire de l’analyse prédictive sur la vie du bâtiment »

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Nicolas Mangon, Senior Director AEC Strategy and Marketing at Autodesk

Le directeur de la stratégie pour la division architecture et construction du leader du BIM revient sur le changement de stratégie de l’entreprise. Fini les licences logiciel, l’heure est désormais au Cloud. 

Que permet le cloud à vos utilisateurs ? 

Avec le Cloud on peut faire un grand nombre d’opérations directement en utilisant des ordinateurs en parallèle au lieu de les faire en série sur des ordinateurs traditionnels. La puissance de calculs est démultipliée. Le Cloud permet aussi un accès permanent a beaucoup plus d’informations, sur des plateformes hétéroclites. En conséquence, cela va améliorer tous les processus de collaboration en équipe. 

En opérant à ce virage, Autodesk a perdu en chiffre d’affaires, bien qu’elle a gagné des clients. Quand pensez-vous rééquilibrer la balance ? 

Pour l’instant, nous offrons a nos utilisateurs deux moyens d’accéder a nos produits: licenses perpétuelles et des licences en souscription (Desktop Subscription). Cela qui nous permet de maintenir notre chiffre d’affaires, mais aussi de pouvoir gagner un grand nombre de nouveaux utilisateurs qui n’auraient pas eu accès à nos dernières technologies par le passé en raison de leur cout initial. Un exemple : en France un architecte peut utiliser un outil BIM pour 50 euros par mois. Dans les 2-3 prochaines années, la grande majorité de nos nouveaux clients seront sur des licences cloud. Il y a 18 mois nous avions environ 1,85 million d’utilisateurs abonnés. Nous espérons en avoir 2,8 millions d’ici 2 ans et demi. 

Le basculement vers le cloud vous permet également d’intégrer le Big Data dans votre champ de compétence…  

Ce basculement nous permettra de faire de l’analyse prédictive sur la vie du bâtiment. On peut utiliser plein de paramètres extérieurs (météo) et intérieurs (matériaux, nombre de personnes à l’intérieur) au bâtiment pour savoir quelle est la probabilité d’avoir une panne de climatisation sur un bâtiment dans le sud de la France, par 40°, un jour de grand vent, alors que 100 personnes se trouvent dans le bâtiment. C’était impossible de l’imaginer sans le Cloud. 

Autodesk ne propose donc plus seulement de services aux architectes ou constructeurs, mais également aux utilisateurs et gestionnaires des bâtiments… 

C’est vrai. On commence à rentrer dans le cycle de vie des bâtiments. C’est pour nous une zone de croissance. Si on prend un bâtiment un peu technique, comme un hôpital, le coup de conception du bâtiment représente moins de 5% de son coût total sur 20 ans, le coût de construction pèse pour 20%, alors que le coût d’exploitation pèse pour 65 à 70% des dépenses sur cette période. Il était important pour nous de ne pas se concentrer sur les seuls 20 ou 25% du coût d’exploitation du bâtiment. Nous avons forcément une expertise à apporter pour apporter de la productivité dans la gestion du bâtiment. A ce niveau, il est donc évident que le BIM peut solutionner un grand nombre de problèmes. 

Techniquement, quelles sont les possibilités de gains de productivité sur un bâtiment dans sa phase de vie après construction? 

J’en vois quatre. Il y a d’abord le côté énergétique. On peut vérifier si le bâtiment tient dans les faits ses promesses énergétiques. C’est important parce que sur certains chantiers, même si c’est encore rare, les constructeurs sont responsables devant le propriétaire des performances énergétiques du bâtiment. Il y a aussi, dans les bâtiments techniques, ce que l’on appelle le « space planning ». On peut concevoir en 3D le bâtiment ou une partie de bâtiment afin d’établir quelle partie doit être remplacée. Et puis, plus simple, il y a une possibilité d’optimisation ou de mise aux normes dans un bâtiment ancien. Et puis, ce qui est plus courant, une planification de la maintenance courante du type changement d’ampoules. Certaines tâches sont planifiées. D’autres relèvent d’incidents. L’idée est de travailler sur la prévisibilité de ces incidents. Aujourd’hui, il existe des reporting de ces problèmes, mais sans visualisation géolocalisée. Donc les agents de maintenance ont une liste de vérification à faire mais ne savent pas où aller. Nous travaillons en partenariat avec IBM et sa base de données Maximo. Aujourd’hui, quand on clique sur un élément de la liste dans Maximo, on peut voir où il se trouve. 

Le gros des entreprises n’est pas convertie au BIM. Comment comptez-vous les évangéliser ? 

En Grande-Bretagne, 80% des entreprises seront passées au BIM en fin d’année. Là-bas, comme à Singapour l’obligation par loi est un accélérateur. Ailleurs, tout le monde travaille encore dans des silos. Or, le BIM induit un processus de travail beaucoup plus collaboratif qu’aujourd’hui. Dans certains marchés d’Asie du Sud-est, si vous n’utilisez pas le BIM, vous ne pouvez pas entrer en concurrence. Dans les marchés matures, les grandes entreprises entraîneront leurs sous-traitants. C’est aussi pour cela que nous proposons des souscriptions à nos services qui ne durent que le temps d’un projet. Ce modèle permet de réduire de 25% le coût d’acquisition logiciel. 

Un des reproches fait au BIM est d’ôter de la créativité à l’architecte. Qu’y répondez-vous ? 

Ce que nous proposons, c’est une option fonctionnelle, pas esthétique. Comme je vous le disais, le cloud met à disposition une puissance de calcul. « Est-ce qu’en tournant mon bâtiment de 3°, je ferais entrer plus de lumière en hiver, sans pour autant connaître davantage de problèmes de chaleur en été ? Dès lors, quels matériaux privilégier ? » C’est à ce type d’interrogations que nous entendons répondre. On arrive facilement à 1 million de calculs pour répondre à cette question. L’idée est de soulager l’architecte et de lui donner des indications pas de lui ôter sa dimension artistique. 

Pourquoi déménagez-vous de la banlieue de Boston pour vous installer sur les docks, au centre, tout près là où sont installées les start-up ? 

Il y a beaucoup de grandes entreprises qui ont disparu du fait de technologies de rupture. Nous nous devons d’être paranoïaques. On veut s’exposer à une nouvelle culture : observer les start-up, au besoin en racheter, et attirer des talents pour nous aider à innover. Aujourd’hui les jeunes talents vivent dans des milieux urbains et comme nous l’avons fait en relocalisant nos bureaux dans le centre de San Francisco, nous faisons la même chose a Boston. 

Quels types de start-up ciblez-vous ? 

Nous avons une culture produit. On achète donc davantage de technologies autour du Cloud et des technologies mobile. Leur taille peut varier.

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