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Un numérique totalement contributif des stratégies des industriels

>> Cette interview croisée est extraite de l’Insight « Résilience numérique : l’indispensable prise de conscience ». Pour le recevoir l’intégralité de l’insight rendez-vous sur la page dédiée.

Vincent Champain (Framatome Group) et Ludovic Donati (Eramet) reviennent pour Alliancy sur les changements constatés dans leurs entreprises en matière de transformation en cette période post-Covid qui fait de la résilience numérique un sujet aussi important aujourd’hui.

Après dix-huit mois de crise sanitaire, quels changements post-Covid constatez-vous dans vos entreprises ?

Vincent Champain, SEVP, member of the Executive Committee at Framatome Group et Ludovic Donati, directeur de la Transformation et de la Performance numérique du groupe Eramet. Egalement correspondant numérique de la filière industrielle Mines et Métallurgie et vice-président de l’Afnet

Ludovic Donati. Dès le début de la crise, étant un groupe très international, l’usage des outils collaboratifs a été un facteur majeur de succès pour la continuité de l’activité. Notre DSI a joué un rôle clé dans le maintien de l’activité ; nous avons beaucoup insisté sur le télétravail et la vidéoconférence, mais aussi sur la capacité à pouvoir échanger à distance avec et entre les usines, situées dans une vingtaine de pays comme le Gabon ou l’Argentine, tout en tenant compte de la cybersécurité.

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Un exemple : nous avons utilisé les lunettes connectées pour communiquer avec des experts à distance sur la fabrication métallurgique ou entre les diverses mines… Tout ceci en place nous a permis de passer la crise, d’accélérer sur l’adoption des outils collaboratifs et de constater également que nous pouvions gérer un certain nombre de problèmes industriels complexes sans nécessairement se déplacer. Ce fut un vrai changement d’état d’esprit !

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Vincent Champain. Comme chez la plupart des entreprises industrielles, nous avons tout fait pour pouvoir travailler à distance, et ce de façon de plus en plus efficace dans la durée. Parmi les éléments qui ont changé, on peut citer aussi les risques cyber, qui vont désormais jusqu’au réseau personnel du salarié, et ceux liés à la dépendance au numérique et à certains hyperscalers… Ensuite, d’un point de vue stratégique, la pandémie a mis en exergue, pour certaines industries en Europe, pour ne citer que la pharmacie ou l’automobile, la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement en termes de composants ou de matières premières…

De façon plus opérationnelle, en lien avec vos métiers, que cela a-t-il changé ?

Ludovic Donati. La transition énergétique conduit vers les énergies décarbonées et davantage de véhicules électriques, équipés en batteries. Pour les fabriquer, l’accès aux métaux critiques est fondamental. Or, nous sommes aujourd’hui trop dépendants de supply chain internationales situées dans des pays hors Europe. Cet accès aux métaux critiques est un enjeu de souveraineté très fort pour la prochaine décennie.  

En termes de production, nous devons donc sécuriser ces chaines d’approvisionnement en métaux, d’où la mise en place de centres intégrés d’opérations sur nos actifs miniers, qui nous permettent de piloter la supply chain de bout en bout grâce à la data, allant de la planification à la production et jusqu’aux clients tout en garantissant une totale traçabilité. Il s’agit d’un nouveau schéma organisationnel de l’entreprise, désormais beaucoup plus « Data driven » et non plus en silos.

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Vincent Champain. Il y a clairement la prise de conscience qu’il y a, opérationnellement, plus de complexité du fait de l’extension du champ de l’IT, et de criticité face à notre dépendance au numérique. Ce qui nécessite une DSI « user centric » et organisée par process métiers plutôt que par « verticaux » (infra, applications, user support…), ce qui est le cas chez Framatome. Un autre point, c’est l’aspect financier : il faut trouver de la pérennité dans cette organisation. Comme l’Etat, les entreprises sortent progressivement du « Quoi qu’il en coûte » et peuvent être amenées à revoir certains choix d’outils ou à rechercher des économies. Enfin, le CIO devient un « COO », partenaire des business units sur l’efficacité de leurs processus, car plus rien ne peut fonctionner sans le digital…

En résumé, cette crise a été un accélérateur en matière de digitalisation des entreprises et de ré-industrialisation de la France. D’où l’importance de réussir votre transformation numérique. Pouvez-vous expliquer en quoi ?

Vincent Champain. Il y a d’abord un enjeu externe qui est la productivité industrielle, et ce dans un contexte de compétition internationale. Ensuite, il y a le sujet de dépendance, particulièrement important dans les secteurs souverains. Nous devons être capables de déployer des solutions numériques dans un nombre assez vaste d’environnements, ce qui va aller à rebours des tendances de productivité digitale, liée en grande partie à de la standardisation de solutions (cloud, API…). Ce qui ne sera pas possible dans certains secteurs exposés. 

Ludovic Donati. Cette transformation est primordiale pour nous permettre d’accroître notre productivité face à la demande en métaux de l’économie mondiale, ainsi que d’apporter de la certification et de la fluidification sur les chaînes de valeur. Cela ne résout pas tout évidemment… Mais ça y contribue fortement si on veut maîtriser parfaitement la traçabilité par le numérique. En matière de transition écologique, il faut également pouvoir assurer la « ligne secondaire » en développant des capacités de recyclage de ces métaux afin de pouvoir les réutiliser.

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, pensez-vous vos organisations optimales ?

Ludovic Donati. Il y a évidemment une marge de progrès, d’où l’importance de lier cette transformation à la stratégie de l’entreprise. En externe, cela veut dire se positionner sur les bons actifs par rapport à la demande croissante en métaux et, en interne, repenser notre façon de produire, aux bons standards en termes environnemental et social, comme avoir la capacité à répondre rapidement à la demande des filières aval.

D’où la constitution de ces centres intégrés d’opérations que nous mettons en place en Nouvelle Calédonie et au Gabon, sur un pilotage intégré par la donnée de l’extraction minière et de la supply chain aval pour approvisionner les clients. Il faut pouvoir offrir le bon minerai au bon moment, extrait au bon endroit dans les meilleures conditions. Cela passe par une gouvernance revue à l’ère du numérique et des données mises sous contrôle. Concrètement, le numérique permet de redesigner l’organisation et est totalement contributif de la nouvelle stratégie du groupe.

Vincent Champain. Une organisation est bonne dans un contexte précis… Elle est donc toujours amenée à bouger. Dans les tendances fortes, on voit la convergence entre le digital et l’IT, ou le passage du CIO au COO, qui amènent des transformations importantes. Nous devons également être davantage centrés utilisateur plutôt que sur nos verticaux (applications, infrastructures, support) entre lesquels l’utilisateur peut facilement se perdre. En ce sens, avoir un accès direct au Comex et en comprendre les enjeux est devenu nécessaire.

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