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Olivier Tarneaud (Ramsay Générale de Santé) : « De la maternité aux urgences, tous les services se transforment »

Olivier Tarneaud, Directeur du marketing et de la digitalisation,

Olivier Tarneaud, Directeur du marketing et de la digitalisation,

Ramsay Générale de Santé, l’un des premiers acteurs de l’hospitalisation privée en France, est au cœur d’une importante transformation qui touche, grâce au numérique, tous les aspects de son activité. Olivier Tarneaud, Directeur du marketing et de la digitalisation, détaille les réalisations et les expérimentations de l’entreprise et ses convictions pour mieux innover dans le délicat secteur de la santé.

Olivier Tarneaud, Directeur du marketing et de la digitalisation,

Alliancy. Ramsay Générale de Santé a récemment multiplié les annonces sur sa transformation numérique. Pourquoi cette accélération ?

Olivier Tarneaud. Le monde de la santé, et en particulier celui de l’hospitalisation, était très en retard sur le numérique, par rapport aux transports, à l’hôtellerie ou au retail. C’est pourquoi en 2015, le plan stratégique « Let’s DO IT 2020 » de Ramsay Générale de Santé, a laissé une place importante au numérique avec un focus particulier sur l’expérience des patients. Notre vision est celle de l’accompagnement de bout en bout du patient dans tous les aspects de son parcours de santé. Nous accueillons chaque année 16 millions de personnes dans nos hôpitaux, ce focus n’est donc pas anodin. Le but est d’avoir un accompagnement approprié avant la consultation, pendant, jusqu’à l’hospitalisation elle-même, mais aussi avec des services à la personnes cohérents ensuite. Les hospitalisations en mode ambulatoire ne cessent de progresser, elles représentent 67% de notre activité en 2018 et cela génère un volume d’autant plus conséquent de patients à accueillir et à accompagner avec fluidité.

Concrètement, qu’est-ce qui change pour le patient ?

Olivier Tarneaud. C’est tout le parcours patient qui change. A commencer par la prise de rendez-vous en ligne. Nous avons noué dès 2015 un partenariat avec Doctolib pour assurer cette partie. Aujourd’hui, 55% de nos 6000 chirurgiens sont connectés par ce biais et nos 120 établissements offrent tous la possibilité de la prise de rendez-vous en ligne, soit sur Doctolib, soit à travers des systèmes en marque blanche basé sur la technologie utilisée par Doctolib. Pour autant, nous maintiendrons toujours la possibilité de prise de rendez-vous par téléphone, notamment parce que dans l’univers de la santé, il est important de pouvoir garder ce contact humain à des fins de rassurance.

« Nous ne sommes pas dans un lien de dépendance avec Doctolib »

Faire appel à un tiers comme Doctolib pour gérer un tel actif stratégique quand on est un acteur de la santé majeur ne pose-t-il pas des questions de sécurité et de confidentialité ?

Olivier Tarneaud. En tant qu’acteur de santé, nous devons de toute façon avoir une vigilance tout particulière. Dans les faits, Doctolib est hébergeur de données de santé, ce qui a des implications claires et réglementaires sur les dispositifs de sécurité en place. On rappellera aussi que la plateforme Doctolib n’accède qu’à une toute petite bribe de l’information patient, la prise de rendez-vous, et que cette information est anonymisée. En la matière, il ne faut surtout pas être dogmatique. La réalité c’est qu’en 2015 nous ne savions pas faire ce que Doctolib réussissait déjà pour faciliter la prise de rendez-vous. Il est donc nécessaire que des acteurs de la santé se laissent la possibilité d’innover ainsi, pour faire changer la donne rapidement pour leurs patients. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on entre dans un lien de dépendance. Organiser la prise de rendez-vous serait plus simple aujourd’hui, maintenant que nous avons-nous-mêmes acquis une certaine expertise à leur contact. De plus, la réversibilité avec ce genre d’outil est réelle.

La prise de rendez-vous en ligne pour une consultation ne représente cependant qu’un périmètre limité de l’expérience des patients vis-à-vis des hôpitaux…

« Nous ne sommes pas dans un lien de dépendance avec Doctolib »

Olivier Tarneaud. C’est exact. Le partenariat avec Doctolib n’incarne qu’une petite partie de la transformation des services que nous proposons. Ainsi, nous avons créé la plateforme Ramsay Services, qui permet notamment de digitaliser toute la partie administrative du parcours. Celle-ci a toujours été jugée pénible par les patients qui sont déjà naturellement stressés par l’idée d’une hospitalisation… Il nous faut éviter par exemple d’avoir une heure d’admission alors que le digital permet d’accélérer potentiellement tellement d’autres « files d’attentes » dans la vie des individus. La transformation des retailers en est la preuve.

Cela signifie-t-il que vous vous inspirez des expériences numériques des enseignes commerçantes ?

Olivier Tarneaud. La différence entre l’hôpital et ce que l’on peut vivre lors d’une expérience d’achat dans le retail, c’est que nous avons de notre côté absolument besoin de toutes les pièces justificatives. Il n’y a pas de place pour l’erreur. Il a donc fallu permettre l’entière dématérialisation de ces documents en toute sécurité. Le but est bien de proposer la même expérience dématérialisée que lorsque vous créez entièrement en ligne un compte pour utiliser un Uber par exemple. Lancé en 2017, plus d’un tiers de nos admissions passent par la plateforme. L’objectif est d’atteindre 50% d’ici le début de l’année prochaine.  Et aujourd’hui, 60% des utilisateurs de la plateforme font leurs accès depuis un mobile. Une bonne partie des patients sont ainsi à classer dans la catégorie des « ravis du numérique », même si la plateforme n’a pas vocation à remplacer à 100% des autres points de contact plus traditionnels. Les taux d’adoption des nouveaux usages sont forts, nous sommes parfois les premiers surpris ! Ainsi, l’usage de la signature électronique est accepté dans 50% des cas sur la plateforme !

« Il n’y a pas de négociation possible sur la sécurité »

Avez-vous dû rassurer sur la sécurité ?

Olivier Tarneaud. Nos études ont clairement montré que l’argument de sécurité est un très fort facteur d’acception pour tous ceux qui sont « hésitants ». De notre point de vue, il n’y a pas de négociation possible sur la sécurité. L’hébergement spécifique aux données de santé est un point important, mais également de nombreuses bonnes pratiques ont été étendues à l’ensemble du système. Ainsi, tous les accès se font en double authentification pour le patient. C’est sans doute un peu moins fluide pour eux qu’avec un accès simple, mais c’est pour nous une nécessité absolue pour assurer la sécurité de leurs données. En effet, la plateforme intègre toute la palette de services de l’accueil hospitalier, comme le wifi ou la télévision dans la chambre, avec possibilité de paiement en ligne. Mieux, il est possible d’accéder à des « services de vie » de manière interactives sur la plateforme : garde d’enfants, plans pratiques, repas… Nous pouvons proposer cette capacité avancée de self-care pour mieux anticiper les besoins, mais cela signifie que nous devons être irréprochables sur la fiabilité et la sécurité. D’un point de vue technologique c’est un challenge que nous devons relever sur l’ensemble de nos hôpitaux car 95% d’entre proposeront la plateforme début 2019.

Des services comme les urgences sont-ils également touchés par vos transformations ?

Olivier Tarneaud. De la maternité aux urgences, tous les services sont touchés. Pour les urgences, nous savons tous que la principale préoccupation est celle du temps d’attente. C’est donc ce que le numérique doit aider à résoudre. Cependant nous atteignons déjà des temps moyens très bons, de l’ordre de la demi-heure, en comparaison avec certains de nos concurrents. Et nous ne pouvons pas pousser les médecins à « soigner plus rapidement » leurs patients, cela n’a pas de sens ! L’idée est donc surtout d’être beaucoup plus transparent et de montrer aux patients que nous respectons nos engagements. Historiquement, nous avions des difficultés à capter avec justesse cette information du temps d’attente et à la transmettre. Le numérique nous a permis d’en faire une captation automatique, depuis l’entrée du patient au sein du bâtiment, grâce à des capteurs connectés, jusqu’à la finalisation de son dossier. Cela nous a permis de repenser les processus liés à la file d’attente, et nous obtenons une expérience plus fluide, comparable à celles des aéroports modernes.

Développez-vous la télémédecine ?

Olivier Tarneaud. C’est un sujet qui peut prendre de nombreuses formes. Nous commençons des expérimentations sur la téléconsultation, qui permet de faciliter les consultations à distance des médecins et de mieux gérer les afflux de patients, sur la télé-expertise, qui permet aux praticiens d’accéder facilement à des deuxièmes avis qualifiés, notamment dans les situations d’urgence, et de partager de l’information confidentielle beaucoup plus efficacement. Nous travaillons également sur la télésurveillance afin de mieux assurer le suivi post-opératoire par exemple, qui nécessite de multiples approches. La réalité, c’est qu’aujourd’hui en matière de télémédecine, rien n’est gravé dans le marbre, ni les usages, ni les technologies. Il nous faut donc multiplier les tests et nous garder la possibilité d’investir de nouveaux créneaux de façon très agiles, car les prochains développements seront rapides.

« En matière de télémédecine, rien n’est gravé dans le marbre, ni les usages, ni les technologies »

Face à cet impératif d’agilité, avez-vous pris des dispositions organisationnelles particulières ?

Olivier Tarneaud. Pour accélérer le changement, il faut que le triptyque représenté par la direction marketing et digital, la DSI et la direction des opérations, soit en collaboration permanente sur tous nos groupes de suivis. Le moteur ne peut pas être seulement le marketing ou la DSI. En la matière, diffuser les modes de fonctionnement agile issu de l’IT dans toutes nos façons de faire a été particulièrement intéressant. Cela donne la souplesse nécessaire pour avoir le droit de faire des erreurs et de repartir vite. Mais, ne nous trompons pas : il n’y a pas de recettes miracles pour faciliter le dialogue dans une organisation complexe. Il faut surtout de l’énergie, du temps et beaucoup de discipline. Et il y aura des compromis à faire, sur le legacy informatique parfois, sur le time-to-market d’autres fois, même si tout le monde sait que c’est clé. La différence viendra des preuves apportées dès le départ car cela facilitera l’acceptation de tous ensuite. Et en la matière, dans un monde de la « transformation numérique » où tout le monde multiplie les beaux discours, je vois surtout une règle d’or : se débrouiller pour toujours réaliser véritablement ce que l’on a promis.

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