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[Chronique] Burnout et environnement digital : quelle part de responsabilité pour la technologie ?

Dans sa nouvelle chronique, Imed Boughzala analyse l’un des maux de nos sociétés du travail moderne : le burnout. En la matière, si le développement numérique tient une part de responsabilité, de nombreux autres facteurs entrent en compte, à ne pas sous-estimer.

Le burnout est devenu un phénomène massif dans la société qui mérite une analyse détaillée au regard de notre environnement digital. Nombre de procès sont aujourd’hui faits aux technologies digitales car étant dommageables pour la santé des individus, des plus jeunes aux plus âgés. Malgré leurs avantages, on leur prête souvent des inconvénients. Elles sont source de fatigue mentale causée, par exemple, par l’exposition excessive aux ondes électromagnétiques ou encore par la lumière bleue des smartphones le soir.

Elles génèrent une surcharge informationnelle due à la réception de milliers de mails par jour, une saturation cognitive liée à des réunions sans fin sur Zoom ou Teams, sans parler de la vulnérabilité grandissante aux problèmes de la cybersécurité (piratage, etc.). D’une simple fatigue physique ou mentale ponctuelle cela pourrait aller jusqu’au burnout : problèmes de concentration, de mémoire, de motivation, une fatigue extrême et un dérèglement nerveux et hormonal de nos ressources d’adaptation au niveau des neurotransmetteurs.

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Dans cette chronique, j’ai choisi de me focaliser sur un phénomène de société qui prend de l’ampleur : le burnout – traduit en français épuisement professionnel. C’est un état de stress chronique causé par un travail excessif ou des conditions de travail difficiles. Cela fait penser à des signes dépressifs (psychologiques), alors que la cause est plutôt hormonale (et donc physiologique – au niveau du cortex[1] et de l’hormone de l’énergie appelée Cortisol). Les technologies peuvent jouer un rôle important, mais pas que, dans le développement du burnout, en particulier pour les travailleurs qui passent de longues heures devant un écran.

Santé mentale et usage des technologies

La santé mentale est un concept clé de notre bien-être général. Elle concerne notre état émotionnel, psychologique et social, et est essentielle pour notre capacité à fonctionner efficacement dans la vie quotidienne. La santé mentale peut être affectée par une variété de facteurs, tels que le stress, l’anxiété, la dépression, les traumatismes, les troubles mentaux, l’environnement social, la génétique et le style de vie. Il est important de prendre soin de notre santé mentale tout au long de sa vie afin de maintenir un équilibre émotionnel et une qualité de vie optimale.

L’usage des technologies peut avoir un impact significatif, mais il n’est pas le seul, sur la santé mentale, à la fois positif et négatif. D’une part, cet usage peut offrir des avantages tels que la possibilité de communiquer facilement avec des proches, accéder à des ressources d’information et de soutien en ligne, et fournir des outils pour gérer le (techno)stress et l’anxiété. D’autre part, un usage excessif peut entraîner des problèmes tels que la dépendance, l’isolement social, le cyber harcèlement, l’exposition à des contenus nocifs en ligne, et la perturbation des habitudes de sommeil. Cela peut aller jusqu’à le burnout et des troubles comportementaux plus graves comme le déclenchement de la bipolarité et de la schizophrénie.

En outre, les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne peuvent avoir un impact sur la santé mentale. Ils facilitent la comparaison sociale et la compétition, ainsi que la diffusion de messages négatifs et de désinformation (fakenews, propagande en ligne). Il est donc important de comprendre les effets potentiels de l’utilisation des technologies sur la santé mentale et de s’assurer de trouver un équilibre sain dans leur utilisation. Certains chercheurs alertent sur la grande quantité de dopamine secrétée par jour par les cerveaux des adolescents pour un faux plaisir provoqué par le défilement en continue (scrolling/swiping) de vidéos sur des plateformes addictives comme TikTok ou Instagram. Cela pourrait affecter le développement du cortex chez les plus jeunes.

Les technologies de communication en temps réel, telles que les courriels et les messages instantanés, peuvent créer une culture de la disponibilité permanente, où les travailleurs se sentent obligés de répondre rapidement aux demandes, même en dehors des heures de bureau. Les exigences de productivité et de performance peuvent également être exacerbées par l’utilisation de technologies de surveillance et de suivi des tâches.

En outre, l’utilisation excessive des technologies pour faire face au stress et à la pression peut également contribuer à l’épuisement professionnel en perturbant les habitudes de sommeil et en limitant les opportunités de détente et de récupération.

Il est important de prendre des mesures pour prévenir et gérer le burnout, telles que l’établissement de limites claires entre le travail et la vie personnelle, la réduction de la charge de travail, la promotion d’une culture de soutien et de respect des temps de pause et la pratique d’activités de détente régulières.

Si les technologies peuvent jouer un rôle dans l’apparition d’un burnout, n’oublions pas que le management est un facteur clé notamment dans sa prévention et sa gestion en milieu professionnel. Les pratiques de management peuvent avoir un impact significatif sur la santé mentale des salariés, en influençant la culture organisationnelle, les conditions de travail et les attentes de performance. Il est important de noter que les causes du burnout peuvent varier selon l’industrie, le type d’emploi et le contexte organisationnel.

Le burnout peut être causé par un certain nombre de facteurs liés au travail et à son environnement. Certaines des causes récurrentes du burnout ont été identifiées :

  1. Un leadership pauvre chez le manager dans ses prises de décision ou dans la définition et l’organisation du travail entre ses collaborateurs. L’action du manager et son leadership les influence forcément.
  2. Le manque d’écoute et de soutien par l’organisation.
  3. Des relations interpersonnelles difficiles : la négativité de certains, les conflits, le harcèlement et l’isolement social.
  4. Trop d’enjeux politiques ou le sabotage entre collègues.
  5. Le manque de ressources à disposition des travailleurs pour mener à bien leurs activités.
  6. Des attentes de performance élevées : Les attentes élevées en matière de productivité et de performance peuvent créer une pression constante sur les travailleurs et les pousser à travailler de manière excessive.
  7. La charge de travail excessive : une charge de travail élevée et inégale peut en être une cause majeure.
  8. Le manque de communication verticale et horizontale.
  9. Les demandes contraires à l’éthique ou illégales de la part des managers.
  10. L’absence de vision ou de direction organisationnelle claire.

On pourrait citer aussi :

  1. La perte de contrôle : les travailleurs peuvent se sentir stressés et épuisés lorsqu’ils ont l’impression de ne pas avoir le contrôle sur leur travail ou leur environnement de travail.
  2. Le manque de confiance : les travailleurs peuvent perdre confiance dans leur management, dans leurs collègues et aussi en eux.
  3. La récompense insuffisante : les travailleurs peuvent se sentir démotivés et dévalorisés lorsqu’ils ont l’impression que leurs efforts ne sont pas suffisamment reconnus ou récompensés.
  4. Les changements organisationnels : les changements dans la stratégie et les pratiques de l’entreprise, tels que les fusions, les acquisitions ou les réorganisations, peuvent créer une incertitude et une anxiété pour les travailleurs.

Créer un environnement de travail bienveillant

Un management qui favorise une culture du soutien et du respect, une communication ouverte et la reconnaissance des accomplissements peut aider à réduire le stress et à protéger le bien-être de chacun. De même, une gestion efficace des horaires, de la charge de travail et de la planification du temps, et une utilisation à bon escient des technologies, diminuent les risques d’épuisement professionnel.

Il est important pour les managers de reconnaître les signes de burnout en développant leur empathie et en apportant un soutien et du soin appropriés, y compris des ressources de gestion du stress et des programmes de santé mentale. Ils peuvent également jouer un rôle important en facilitant l’accès des employés à des activités de détente et de développement personnel, ainsi qu’en les sensibilisant aux risques associés à l’utilisation excessive des technologies et en encourageant des pratiques saines, la base de leur intelligence digitale.

Si le burnout aujourd’hui, touche les personnes dans le milieu professionnel, il ne faut pas oublier que les étudiantes et les étudiantes en souffrent également dans le milieu universitaire. L’Observatoire de la vie étudiante (OVE) déclare en 2021 qu’aujourd’hui 43 % des étudiants sont en détresse psychologique, contre 29 % avant la pandémie. Comment en sommes-nous arrivés à une génération entière qui souffre en silence, avec des parcours de vie marqués par l’anxiété, la dépression et les pensées suicidaires ?

Nous allons prochainement consacrer une chronique entière à ce sujet.

[1] Le cortex OrbitoFrontal (OF) est une région du cortex cérébral qui entre en jeu dans le processus de décision. Il est situé en position antérieure et sur la face inférieure du cortex préfrontal. Il prend son nom des lobes frontaux et du fait qu’il est situé au-dessus des orbites.

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