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Ecosystème industriel : Software République comme nouvel exemple à suivre

En annonçant début 2021, la “Renaulution”, Luca De Meo, a également mis sur le devant la scène l’initiative Software République. Cette coopération sur les mobilités de demain et le numérique, lancée en partenariat avec Atos, Dassault, Orange, Thales et STMicroelectronics, doit pousser des changements de fond pour ces industriels.

L’automne 2021 a vu l’initiative Software République, née officiellement en avril de la même année, rentrer dans le concret, avec la tenue de son premier « Mobility 4.0 Challenge ».

Cet appel à projet lancé à la rentrée dévoilera ses premiers résultats au mois de décembre. Start-up, PME et universitaires ont ainsi été encouragés à travailler sur cinq thématiques (expérience utilisateur du véhicule électrique, accessibilité multimodale, transport intelligent, cybersécurité et un thème libre). Avec à la clé l’accès privilégié aux avantages du nouvel écosystème formé par Renault et ses partenaires Atos, Dassault, Thales, Orange et STMicroelectronics : data, outils techniques, plateformes de prototypage et plus généralement capacités de R&D de ces groupes.

L’accent mis sur la participation de petites entreprises innovantes ne surprendra pas. Comme le rappelle Eric Feunteun, directeur des opérations de Software République pour Renault : « Quand ils ne travaillent qu’entre eux, les dinosaures donnent naissance à des bébés dinosaures, pas à des gazelles. Nous savons tous que la transformation des grands passe par les petits. »

Une centaine de professionnels mobilisés

Pour autant, le nouvel écosystème est bien plus qu’un simple incubateur. Il a pour vocation de créer rapidement de la valeur business pour ses membres en provoquant des partenariats à trois et plus sur toutes les thématiques des mobilités de demain et en évitant la dimension « one-shot » que peuvent avoir de nombreuses alliances traditionnelles.

« Pour commencer, nous nous concentrons sur trois grandes thématique : l’énergie, que ce soit du point de vue de l’utilisateur ou du réseau, les territoires, notamment à travers l’aide aux opérations et à la planification de la mobilité, et enfin le véhicule connecté, qui couvre des sujets complémentaires comme la cybersécurité, l’évolutivité des voitures, les convergences des télécommunications… » décrit Eric Feunteun.

Le directeur des opérations dirige à plein temps une équipe dédiée d’une douzaine de personnes pluridisciplinaires issues de son groupe, afin de lancer la machine et d’orchestrer ce travail collectif. Avec les équipes des cinq autres partenaires fondateurs, ce sont au total une centaine de personnes qui collaborent au sein de Software République, souvent en parallèle d’autres responsabilités.

Eric Monchalin, vice-président, head of machine intelligence pour Atos

Mais qu’est-ce qui différencie vraiment cet écosystème des autres consortiums industriels ? Pour Eric Monchalin, vice-président, head of machine intelligence pour Atos, et coordinateur de l’initiative Software République pour l’ESN, il s’agit avant tout d’une somme de petites différences. « D’abord, nous couvrons à nous tous l’intégralité du spectre technologique : nous savons concevoir et fabriquer des composants, du matériel, du logiciel, du middleware, gérer l’intégration, mais aussi des jumeaux numériques…

La mobilité du future va passer par cette maitrise digitale. » note-t-il. Il souligne également l’importance de l’ambition initiale : « L’enjeu n’est pas de lancer un projet précis pendant un temps donné, mais la mobilité au sens large, on ne s’interdit rien, tout est ouvert. Notre priorité porte sur les usages et par conséquent les offres qui n’auraient pas pu être concrétisées sans la coopération de trois membres ou plus. ». De quoi compléter les nombreuses initiatives bilatérales déjà existantes chez ces industriels.

Un flagship européen fonctionnant avec l’esprit « République »

A cette dimension pragmatique s’ajoute la volonté de former un véritable « flagship européen » reconnu, qui puisse défendre la souveraineté du Vieux Continent en matière de mobilité et des technologies qui y sont liées. « L’Europe est très en retard dans la course à l’innovation technologique du monde B2C face aux GAFAM, il ne faut pas qu’il se reproduise le même scénario sur la mobilité » épingle Eric Monchalin.

Autre particularité, qui avait été mise dès le départ en avant par Luca De Meo : « l’esprit République », en donnant à chaque membre le même droit de vote et le même poids, pour éviter le syndrome du consortium qui se met uniquement au service de l’industriel qui en a été à l’initiative.

« C’est une grande différence, reconnait Eric Feuteun, nous sommes sur des projets qui ont des formes non-exclusives. Ce ne sont pas des offres dédiées à Renault. L’environnement de la mobilité est très compétitif et il faut profiter de cette coopétition. Cela peut vouloir dire s’ouvrir à d’autres constructeurs automobiles, mais aussi à d’autres industriels de la mobilité, ferroviaire par exemple… La règle, c’est la valeur business apportée : on regardera donc au cas par cas. Avec la capacité d’obtenir des quick-wins, c’est un élément d’analyse majeur des projets ; si c’est juste pour faire 10% de mieux que ce que l’on aurait fait seul, par rapport à un partenariat à trois ou quatre, cela n’a pas d’intérêt. »

C’est aussi pour cela que Software République se fait fort de s’ouvrir à de nouveaux acteurs, de toute taille et venus de toute l’Europe. « Beaucoup d’entreprises tapent à la porte. Il nous faut croître en maitrisant le système. Notre ambition, est bien de développer l’écosystème au-delà des six fondateurs. Nous nous devons d’ embarquer de nombreux autres acteurs» note Eric Monchalin. En toute logique, les entreprises tierces qui multiplieront les projets avec Software République seront ensuite des candidats naturelles pour rejoindre la gouvernance pilotée pour l’instant par les six fondateurs.

Pour quel fonctionnement au quotidien ? Concrètement, chaque axe thématique est amené à accueillir trois à cinq idées, qui réuniront chacune une équipe originaire de plusieurs partenaires derrière elles. De quoi mener beaucoup de travaux en parallèle. Eric Monchalin décrit l’organisation retenue pour avancer : « Nous menons une phase de pré-étude, c’est-à-dire une idéation de départ pour se convaincre d’un point de vue business et technologique. A la fin de cette phase, nous validons un business plan : ce que cela coûte et rapporte, une analyse de l’environnement juridique et des problématiques IP (propriété intellectuelle, ndlr), etc. Pour porter les missions communes de Software République, comme l’incubation ou la communication, un GIE est en cours de création. A terme, une structure ad-hoc sera formée pour chaque projet qui entrera dans sa phase de concrétisation ».

Plus de dix projets lancés depuis avril, deux en phase avancée

Eric Feunteun, directeur des opérations de Software République pour Renault

Les membres de Software République ont dû mettre en place des routines pour se coordonner, alors que toutes les équipes ne travaillent pas à plein temps sur les projets. « Les directeurs passent une demi-journée minimum par mois ensemble pour dépasser le format « réunion courte » et apprendre à mieux travailler ensemble. Nous avons des instances opérationnelles hebdomadaires sur chacun de nos thèmes et par projet. Sur notre pipeline initial de 40 idées, nous avons actuellement une dizaine de projets qui ont dépassé la première étape.

Deux sont plus avancés encore et pour ceux-là nous créons un véritable plateau projet qui permet aux équipes de se retrouver physiquement avec régularité. » décrit ainsi Eric Feunteun de Renault. Surtout, il insiste sur l’impulsion donnée au plus haut niveau pour Software République : « Nos CEO se voient tous les deux mois sur le sujet : ils y consacrent du temps et de l’énergie, ce n’est pas anodin ».

Même pour les projets qui n’aboutiront pas, comme il est d’usage sur des sujets souvent très exploratoires où l’idéation joue un rôle majeur, les partenaires sont conscients de l’apport qu’en retireront leur entreprise. « Au côté de l’intérêt business, il y a une valeur spécifique à faire travailler nos équipe ensembles : elles découvrent d’autres cultures professionnelles et d’autres logiques industrielles. Cela ouvre l’esprit des gens et contribue massivement à notre transformation en « tech company » pour reprendre l’expression clé de notre CEO Luca de Meo » explique Eric Feunteun.

Le directeur des opérations souligne à quel point cette logique d’écosystème ouvert est fondamentale, alors que la transformation de l’industrie automobile est caractérisée par une place centrale laissée dorénavant au numérique, du software à la data, mais aussi par une remise en cause profondes des modes de fonctionnement traditionnels des acteurs de l’industrie, verticalisés et en silos. « Avec Software République, nous ne sommes pas seulement sur l’idée de collaborer pour innover : nous sommes au cœur d’un aspect essentiel de la transformation de notre industrie » met-il en avant.

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