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Chez EDF Renouvelables, le “cloud vertical” doit s’adapter à une stratégie multi-fournisseurs, multi-géographies

Vincent Gayrard est le directeur des systèmes d’information et du numérique d’EDF Renouvelables. Spécialiste des ENR, la filiale à 100 % du groupe EDF compte aujourd’hui plus de 4000 collaborateurs et connait une forte croissance. Son DSIN revient sur les choix cloud de l’entreprise et les spécificités de son secteur.

Cet article est extrait du guide Les défis d’un nouveau monde à télécharger « Accélérer la transformation des entreprises : Les clouds verticaux sont-ils l’avenir ? ».

Vincent Gayrard, directeur des systèmes d’information et du numérique d’EDF Renouvelables

Vous avez participé à l’atelier que nous avons organisé pour réfléchir aux challenges des approches cloud verticales. Qu’en avez-vous retenu ?

Il est toujours très intéressant de discuter avec des homologues pour explorer de tels sujets. Cela l’était d’autant plus que les différents participants venaient d’entreprises de tailles à peu près comparables mais de secteurs différents. Nous sommes tous des DSI qui devons à la fois porter des sujets très opérationnels de transformation intégrant les bénéfices et contraintes du cloud, mais également avoir une stratégie plus globale. Nous sommes attendus par nos directions sur une vision d’avenir.

Sur le fond, je pense que nous sommes de nombreux DSI à être encore perplexes sur la forme que pourrait prendre de véritables clouds verticaux sur nos secteurs respectifs, c’est-à-dire de cloud de bout en bout prenant en charge une activité dans sa totalité. Le sujet est encore exploratoire. Nous voyons qu’il peut y avoir des points d’attention importants pour certains secteurs comme la santé, les médias… mais tout ne va pas de soi pour autant. J’ai été par ailleurs conforté par le fait que de manière générale, nos entreprises s’orientent vers des politiques multicloud ; c’est en soi un indicateur des sujets urgents à traiter pour le marché.

Pour aller plus loin :  Retour sur le workshop « Performance, sécurité, contraintes du terrain… Quels sont les secteurs qui ont intérêt à parier sur des clouds verticaux ? » 

Comment résumez-vous la stratégie de transformation IT et la stratégie cloud d’EDF Renouvelables aujourd’hui ?

J’ai pris, il y a deux ans, la tête d’une DSI très « artisanale » au sens noble du terme : il y avait en effet une très forte expertise technique et un engagement important de la part de toutes les équipes, mais en parallèle, très peu de processus prévus pour anticiper le passage à l’échelle. Or, EDF Renouvelables est une entreprise à croissance très rapide, une PME devenue une ETI de 4000 salariés en quelques années… Nous avons donc dû mettre en œuvre un important chantier de transformation, impliquant la réinternalisation de certaines compétences clés et un renforcement de la maîtrise du SI, de la qualité de service, du pilotage de projet, de la gestion d’une relation IT-métier centrée sur la valeur… Ces derniers points amènent d’ailleurs de nombreuses questions supplémentaires, dont la place exacte prise par le cloud dans l’équation.

En la matière, je distingue différents composants de la stratégie. Sur la partie digital workplace, nous ne cherchons pas l’originalité. Nous sommes full Microsoft365 pour bénéficier de l’intégration globale des fonctionnalités du service et de la force de frappe du « contrat groupe » d’EDF. Sur la partie Platform as a Service par contre, nous avons lancé notre propre datalake métier « Renewable » il y a 5 ans sur AWS qui proposait le catalogue de services managés le plus complet à l’époque pour faire des analytics industriels, avec une couverture mondiale. Malgré le problème de réversibilité que cela pose, nous assumons d’avoir fait ce choix sans lequel nous aurions eu un problème de rapidité de transformation, de robustesse et de compétences… Depuis deux ans, nous nous musclons fortement en termes de FinOps pour optimiser ce que l’on peut faire avec un tel cloud et cela demande d’avoir des talents pointus et une bonne maîtrise de l’évolution des services proposés par l’hyperscaler.

Et en matière d’Infrastructure as a Service ?

Nous avons pris le parti d’un cloud privé dédié chez OVHcloud qui soit l’équivalent de notre « on premise », dans tous les espaces géographiques au sein desquels nous opérons directement, notamment en Europe. La rapidité et l’agilité de la sorte nous permettent d’envisager des transformations numériques que nous n’avions pas pu imaginer jusqu’à présent. Pas question de laisser filer les coûts « opex » en revanche. Cela demande aussi un effort FinOps conséquent, pour mieux planifier, prioriser, et avoir de la visibilité sur toutes les opérations. Il est nécessaire d’adopter une posture qui nous évite la fuite en avant dans le cloud. C’est une différence par rapport à un datacenter en propre, avec une part importante de « capex », qui peut donner un sentiment de gratuité assez dangereux. En particulier parce que nous n’avons pas toutes les mesures de costing ou de refacturation en vigueur dans les grands Groupes. Or, un SI qui donne l’impression d’être « gratuit » n’aide pas du tout à réguler la demande et à arbitrer sur les priorités avec les métiers. En payant à l’usage, on s’oblige à maîtriser, prioriser et réfléchir, à changer la relation avec les métiers. Il y a un effet responsabilisant sur les projets dont l’entreprise sort grandit.

Guide Alliancy – Defis d’un Nouveau Monde – Clouds verticaux – Capgemini et Oracle

Quelles sont les particularités propres à votre secteur qui ont un impact sur votre stratégie cloud ? 

Nous sommes moins régulés et moins digitaux que d’autres secteurs qui se cloudifient à grande vitesse, comme la Banque. EDF Renouvelables est avant tout un développeur de projets, qui exploite de plus en plus d’actifs industriels en direct. Même si nous opérons des technologies très modernes, pionnières de la transition énergétique, et que nos équipes ont une moyenne d’âge très jeune pour un acteur industriel, nous sommes loin des organisations “digital natives”.

Cette moindre maturité digitale, nous la ressentons de manière générale sur notre secteur des ENR quand on regarde ce que font nos concurrents. En résumé, nous avons conscience d’avoir une énorme transformation digitale à mener pour pouvoir être plus compétitifs et performants, alors même que le secteur est en pleine croissance. Mais c’est justement cette croissance qui a fait que la pression a sans doute été moindre sur nous, contrairement à d’autres types d’activités qui se sont retrouvées « dos au mur ».

Dans ce contexte, l’émergence de cloud verticaux, s’adressant aux besoins spécifiques d’un secteur, a-t-elle du sens pour vous ?

A vrai dire, je vois d’avantage la logique de cloud vertical au niveau du SaaS et pour quelques sujets métier comme la gestion de la maintenance de nos parcs offshores. Celle-ci est assurée par un ERP spécifique cloudifié… Des ESN nous accompagnent dans l’intégration de tels outils, mais c’est différent de ce qu’on développe sur une PaaS. Le marché ne répond pas à 100% à nos spécificités et les développements internes complets sont complexes et chronophages, nous privilégions une approche hybride. Nous avons adopté une posture d’« architecte-ensemblier », pour reprendre un terme de notre activité, des différentes briques technologiques. Cette logique hybride s’impose sur de nombreux sujets. Par exemple sur l’Asset Operation Performance, qui nous permet d’être les superviseurs en temps réel de nos actifs éoliens et solaires, il existe à la fois des éditeurs spécialisés et la possibilité de mener des développements en interne. Avec une approche hybride d’intégration de briques techniques et de développements internes, l’idée est de rester propriétaire de la data, même si elle est dans un cloud.

A l’inverse, quand c’est un éditeur qui fournit un outil de A à Z, il s’attribue de facto le traitement complet de la data. Sur le sujet du « cloud vertical », il est donc important de noter que nous ne sommes pas forcément à la recherche d’un acteur qui se positionnerait sur toutes nos spécificités, car cela ne nous donnerait pas les moyens de tenir une stratégie multi-fournisseurs et multi-géographies. Nous tenons à pouvoir intercomparer les performances entre nos fournisseurs et nos géographies. Si on était sur un outil du marché « unique », cela serait plus compliqué.

Dans ce cadre, quel message estimez-vous important de faire passer au marché et aux opérateurs cloud ?

La priorité, c’est de gagner en time to market et en performance avec le cloud, mais sans sacrifier pour autant la maîtrise de notre système d’information. Il ne faut pas prendre de raccourci sur la deuxième proposition, sous prétexte qu’il y a de beaux gains sur la première. Derrière c’est donc à la fois la question des coûts et de la réversibilité qui se posent pour le marché. Les outils des éditeurs et des opérateurs doivent avoir une proposition de valeur claire sur la maîtrise de la performance, la maîtrise des coûts, la maîtrise de nos données et la réversibilité. Ils doivent également proposer des solutions pour mieux assurer l’interopérabilité au sein de nos systèmes, en montant en qualité sur les services managés. Cela me semble plus important – et challengeant pour leurs modèles actuels – que de seulement promettre plus de performance grâce à la verticalisation.

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